Jaipur – 7.1

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Bahādura confirma qu’Abhaya était mort.

« C’est ennuyeux, nous ne saurons jamais qui avait commandité cette vilenie, commenta le mahārāja.

— Oh ! Je doute fort que l’on puisse faire avouer à qui que ce soit, fût-ce en le torturant, qu’il avait agi sur l’ordre de celui qui le fait interroger, et s’il était assez stupide pour le faire, il me semble évident que cela ne mettrait pas fin aux sévices. Aussi, n’avait-il d’autre solution que mourir pour s’éviter un long calvaire, allégua Dalaja.

— Que sous-entends-tu par cette phrase alambiquée ? s’offusqua Vijaya.

— Il n’est pas rare qu’un séide fasse un excès de zèle, mettant ainsi dans l’embarras celui qu’il croit servir », intervint Vasikari pour tenter d’apaiser la tension entre la mahārājñī et son mari.

Saisissant l’occasion du silence qui s’ensuivit, le maître d’armes s’excusa auprès du mahārāja – après lui avoir glissé à l’oreille que guerriers exceptionnels, ces enfants étaient de l’étoffe des héros –, car il devait prendre des dispositions concernant le corps d’Abhaya.

Vijaya convia son épouse, ses pōtā-pōtī et leur mère à dîner avec lui.

Vasikari s’empressa d’accepter, avant que Dalaja, persuadée qu’il avait ourdi la mort de Karuppu ṭirākaṉ, ne lui signifie un refus cinglant.

L’ambiance était glaciale. Bien que présente, la mahārājñī n’avait pas même picoré dans l’un des nombreux plats disposés devant eux, elle n’avait pas plus adressé la parole à Vijaya, lequel essayait désespérément d’insuffler un minimum de convivialité en demandant aux adolescents de lui parler d’eux. Vasikari chuchotait à Dalaja un plaidoyer en faveur du mahārāja, « Soyez indulgente, nous n’avons aucune certitude. Quel que soit son instigateur, cet acte déloyal vous sert. Si vous lui accordez votre pardon, il vous sera redevable. »

N’imaginant aucune autre solution pour obtenir la mansuétude de Dalaja, à brûle-pourpoint le mahārāja déclara :

« Dalaja, et vous…

— Vasikari, lui souffla Sudaroli en souriant.

— Vasikari, reprit-il. Dès ce soir, je vais envoyer des messagers dans toutes nos principautés invitant leurs représentants à une réception au cours de laquelle nous présenterons les enfants de Candra. Ses frères y assisteront. »

Dalaja se leva, approcha de Vijaya, lui déposa un baiser sur les lèvres et lui dit :

« Je vais m’efforcer de croire que tu n’as pas failli à ta parole, ainsi n’aurai-je pas à te pardonner l’impardonnable.

— Je vous remercie, Savāī, de l’honneur que vous faites à mes enfants, intervint la devadāsī. Mais n’envoyez point de messagers. Nous sommes venus à Jaipur pour apprendre de quel endroit Candra a donné des nouvelles pour la dernière fois. Vous nous l’avez révélé, mes enfants doivent au plus tôt se rendre à Bénarès pour rechercher leur père. La mahārājñī vous a demandé de les équiper, vous vouliez vous assurer qu’ils sont dignes de vos présents, conviendrez-vous qu’ils le sont, Savāī ? »

Celui-ci acquiesça.

« Mais ils se passeront d’escorte, reprit Vasikari. Il est inutile que je vous explique pourquoi, je pense. Mahārājñī, comme vous le savez, il me suffit qu’ils soient les miens, je ne revendique rien pour eux. Vous que Candra appelle māṁ, comprenez que lui seul pourra, s’il le désire, réclamer que mes enfants soient reconnus comme les siens. Sa situation m’inquiète, mes enfants doivent le retrouver, ils partiront demain matin. »

Enchanté par cette issue inattendue, le mahārāja invita la devadāsī à le rejoindre au haras avec ses enfants, le lendemain, une heure après le lever du soleil.

Ces concessions réciproques rendirent la fin du dîner plus conviviale.

Après avoir remercié le mahārāja pour son hospitalité, et plus longuement la mahārājñī pour son chaleureux accueil, et son affection, Vasikari se retira avec ses enfants – dont elle ne souhaitait pas être séparée – dans la chambre que Dalaja avait mise à leur disposition.

Tous trois adoptèrent Padmāsana, ils étaient positionnés de façon à former un triangle dont chacun occupait un sommet, ils fermèrent les yeux et la voix de Vasikari s’éleva :

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