Rêveries épistolaires - 1.1 - Aubierge

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Ma seule liberté est de rêver, alors je rêve de liberté.
Benoît Granger

Erestia, la 2 equos ⁽¹⁾

Chandra. Ô doux Chandra, aimant Chandra, où es-tu ?

Je chéris cette larme que je t’ai dérobée, j’aime la regarder, mais il est temps que je la range dans ma boîte à bijoux avant que les suppôts de Niall – c’est ce que sont les chambrières et dames de compagnie qui me sont affectées – n’arrivent.

Elles me surveillent, farfouillent dans mes affaires sous divers prétextes, et font leur rapport au valet du despote, quotidiennement. Aussi ne recevras-tu jamais mes courriers. J’ai pensé brûler mes lettres après les avoir écrites, mais j’y ai renoncé, car j’aurais pu hésiter, abandonner, tarder. Bref, j’ai longuement tergiversé, elles seront à l’abri dans ma tête.

Nous sommes arrivés à Erestia avant-hier, après vingt jours de mer. La ville vit dans la puanteur des bûchers. À ceux sur lesquels quotidiennement s’entassent les morts de la maladie bleue, dont de nombreux enfants, s’ajoutent maintenant ceux où sont brûlées vives les sorcières ainsi que les femmes ayant commercé avec elles.

Niall accuse celles dont la famille a la chance de ne pas déplorer de décès dû à l’épidémie d’être indévotes et de s’être procuré des potions démoniaques. Et par là mettre en danger leurs âmes, celles de leurs maris, fils et filles.

Quand je pense que ce monstre va m’épouser, j’ai envie de mourir, mais il menace de s’en prendre aux miens si je disparaissais. Les pauvrettes sont soumises à la question par Gernebern, le successeur de mon frère. De ma chambre – ne devrais-je pas dire de ma cellule – je les entends hurler toutes les nuits. Au nom d’Alwealda, on les torture pour leur faire avouer qu’elles ont eu recours à des breuvages concoctés par des païennes.

Ô, mon amour, ma vie se réduit à ces heures que j’ai passées auprès de toi. Avant, je n’étais qu’indifférente obéissance. Depuis, je vis un cauchemar perpétuel.

La plupart des victimes de ces sévices dénoncent celles qui leur ont porté secours ou toute autre personne dont on leur a suggéré le nom. Elles savent qu’elles périront dans les flammes, mais sans doute préfèrent-elles cette mort aux atrocités qu’on leur fait subir.

Ma toilette est maintenant terminée, la duègne me tend le Vénérable livre des lois d’Alwealda dont je dois faire la lecture à haute voix.

À plus tard mon bel amour.

¤¤¤

Note :
1) De même que nous écrivons le 3 juillet, pour le 3e jour de juillet, Aubierge écrit “la 2 equos” pour la 2e nuit d'equos, car en Shannon les Angles ont adopté le calendrier local. Or le calendrier celte est basé sur les nuits et non sur les jours.

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