Rêveries épistolaires - 1.6 - Aubierge

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Erestia, la 24 equos

Resplendissant Chandra,

Tu me manques, ta présence me manque, ta lumière me manque. Oh ! grâce à ton exposé d’astronomie, je sais que tu es là, que si je ne te vois pas c’est parce que la Terre se trouve entre toi et le soleil, mais tu me manques, tu ne peux imaginer comme tu me manques.

Je m’inquiète pour toi, ta briolette s’inquiète pour toi, je le sais, je le sens quand je la serre au creux de ma main. Nous avons tout lieu de nous inquiéter, j’en ai la certitude.

Il s’est passé tant de choses aujourd’hui. Laisse-moi te les rapporter.

Ce matin, personne ne s’est présenté à mon lever, ni caméristes ni dames de compagnie, pas même la duègne. Je ne comprenais pas, me posant mille questions je tentais de m’apprêter toute seule lorsque Niall est entré comme une furie. J’ai cru qu’il venait me tuer.

« Cet enfant est le mien ! » s’exclama-t-il sans préambule.

Foudroyée, je perçus les mots de sa lointaine péroraison, sans en décrypter le sens.

« Si vous donnez à entendre ou laissez supposer qu’il pourrait en être autrement, il ne verra jamais le jour !

» Voici un document rédigé et signé par le bisceop ⁽¹⁾ Berhtwulf. Il y déclare que nous nous sommes présentés devant lui la première equos, souhaitant expier les péchés de copulations auxquels nous nous sommes livrés à bord du navire nous ramenant d’Alastyn. Il certifie nous avoir mariés ce même jour. Apposez votre signature ici à côté de la mienne !

– …

– Signez !

– …

– SIGNEZ !!!

– … »

Il me saisit le bras et me secoua.

« Vous m’entendez ? »

Pour ça, oui, j’entendais. Il me semblait que chaque mot qu’il prononçait était gravé au burin dans mon cerveau, mais ils me faisaient trop mal pour que je puisse les lire.

Il me gifla violemment.

Je signai, le glas retentit.

« Dites à vos gens de vous vêtir en blanc, nous pleurons le pieu Berhtwulf ! » expliqua-t-il, portant la main à l’oreille, avant de sortir.

Les fa qui résonnaient chaque fois que le battant frappait la panse du bourdon finirent par quitter ma tête pour atteindre mon ouïe. Je réintégrai l’horrible réalité qui est la mienne.

Le glas sonnait autant pour moi que pour le bisceop. Je suis condamnée. Je ne vivrai pas au-delà de l’accouchement, je l’ai lu dans ses yeux.

Mes gens sont venus, mais ce n’est qu’au retour de l’hommage au défunt dignitaire du culte d’Alwealda que je réalisai que, du chaperon aux chambrières, toutes étaient nouvelles. Pourtant, aucune n’était plus mienne que les précédentes.

Maintenant que ses mots sont devenus des phrases, je suis perdue. Dois-je, en audience, crier que mon enfant n’est pas de lui, qu’il fornique avec des hommes ? Ai-je le droit de provoquer la mort de ton enfant ? Puis-je l’abandonner à un… un… à Niall ?

Aide-moi !

Ai-je le droit de mourir ?

¤¤¤

Note :

1) Bisceop : rang dans l’église d’Alwealda équivalant à celui de hiérarque dans l’Église orthodoxe.

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