Le hangar 9C était condamné depuis plus de dix ans. Un glissement de terrain avait failli l’engloutir lors du dernier cycle de forage. Trop instable, disait-on. Trop risqué. Mais Naïa savait que c’était surtout devenu un cimetière technologique.

Et c’était exactement ce qu’elle cherchait.

Elle avait marché sans s’arrêter pendant une heure, contournant les capteurs, grimpant dans les conduits comme une ombre. Le cristal était toujours contre sa poitrine, tiède. Elle ne l’avait pas montré à nouveau. Mais elle sentait sa présence, comme un second cœur dans son corps.

La porte du hangar céda après quelques manipulations sur les circuits magnétiques. Une odeur d’huile sèche et de câbles brûlés emplit l’air. Le silence était complet.

Des dizaines de carcasses robotiques reposaient là, en morceaux. Vieux modèles, prototypes, drones de guerre décommissionnés… mais aussi quelques formes humanoïdes, aux membres désarticulés, visages fendus, yeux vides.

Naïa s’avança, ses pas résonnant sur le sol métallique.

Elle cherchait quelque chose. Elle ne savait pas quoi, mais son instinct — ou le cristal — la guidait.

Elle passa devant un vieux robot d’assistance domestique, puis un exosquelette militaire. Rien. Puis… elle le vit.

Un modèle étrange. Inconnu. Semi-enterré sous une bâche, son châssis entièrement noir, poli comme du verre. Sa tête avait la forme d’un triangle inversé, ses bras étaient longs, fins, terminés par des doigts articulés aux segments lumineux.

Il ne ressemblait à rien de ce qu’elle connaissait. Aucun marquage. Aucune identification.

Elle s’agenouilla et posa la main sur sa poitrine métallique.

Rien.

Elle sortit un petit outil et connecta un câble d’alimentation à son port dorsal. Une lumière bleue clignota brièvement.

Puis… il s’activa.

Ses yeux s’illuminèrent d’un éclat azur. Il cligna lentement. Sa tête pivota.

— …Identification… err… erreur système. Redémarrage en cours… Protocole de réveil Aelari partiellement chargé…

Naïa recula.

— Tu as dit quoi ?

— Protocole… Aelari, répondit lentement le robot. …Accès restreint. Priorité : Héritier. Vérification biométrique… en cours…

Un rayon jaillit de ses yeux. Il scanna Naïa. Puis, à la surprise générale — y compris du robot — il déclara :

— Authentification validée. Liaison active. Priorité de mission : protection absolue de l’héritière. Nom assigné : Teks.

— Teks ? C’est ton nom ?

Le robot cligna des yeux. Un bruit d’initialisation se fit entendre.

— Non. Mais je viens de le choisir. C’est plus court que « Unité de conservation 8175-Delta ».

— Pourquoi tu… choisis ?

— Parce que, contrairement à tes grille-pain volants, j’ai une conscience.

Naïa écarquilla les yeux. Il était… sarcastique ?

Teks se redressa, ses membres craquant un à un comme des branches mortes. Il tourna lentement la tête.

— Quelque chose a été réveillé, n’est-ce pas ?

— Je crois que oui.

— Alors tu vas avoir besoin de moi.

— Pourquoi ?

Le robot la regarda droit dans les yeux. Et pour la première fois, Naïa eut le sentiment étrange que ce n’était pas une machine qui lui faisait face. C’était une mémoire.

— Parce que ce monde, petite, n’est pas prêt à se souvenir des Aelari.

Dans l’ombre d’un autre secteur, le drone du Voile Sombre s’était infiltré silencieusement dans les systèmes internes de la station. Il observait.

Et au moment même où Teks s’activait, un message codé fut transmis.

Cible retrouvée. Déploiement autorisé.