Tu continueras de briller, même après ton extinction...

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La pièce est éclairée par tes rayons. C'est sûrement pour mieux me voir. Allongée sur ce lit, reliée à des machines qui émettent des sons semblables à ceux d'une trotteuse qui atteint son dernier tour, je te contemple, les yeux humides. Je ne suis pas triste, oh que non ! Je te trouve simplement splendide. Je t'ai toujours préférée au soleil. Lui, il est agressif et moqueur. Toi, tu es douce et apaisante. Depuis toujours, je t'admire à travers mes yeux d'enfants, cherchant parfois à t'attraper pour t'avoir rien que pour moi. Ce soir, tu me sembles si proche qu'on dirait que tu t'offres... J'ai tant attendu ce moment. Cette rencontre entre une âme et un astre. Tu n'as ni yeux, ni bouche, et pourtant, tu prends la parole.

- Bonsoir, jeune fille.

Ta voix paraît d'abord lointaine, puis, tout comme le vent, elle souffle lentement, caressant mes oreilles. C'est une douce mélodie. Je ne saurais dire si son timbre est plutôt masculin ou féminin... mais après tout, une voix a-t-elle réellement un genre ? Je me râcle la gorge, rassemblant mes forces pour te répondre.

- Bonjour, la lune.

J'ignore si tu m'as bien entendue. Ma voix est vacillante, proche de l'extinction. L'effort me coûte, mais tu le vaux bien.

- La nuit est en train de tomber, prononces-tu doucement. Je suis venue pour t'accompagner.

J'esquisse un maigre sourire.

- C'est très aimable de ta part. Tu m'as toujours accompagnée, et je suis heureuse que tu sois présente en cet instant.

- As-tu peur ?

- Pas du tout. Je suis même soulagée, d'une certaine façon. Mais...

Ma gorge se serre et mes joues deviennent proressivement humides.

- Je pense beaucoup à ma famille... A après, pour eux. Que va-t-il se passer ?

Mon corps se fait pogressivement engloutir par le lit, la sensation est apaisante. Je suis proche du sommeil, mais je refuse de fermer l'oeil maintenant.

- Eh bien, leurs coeurs seront remplis de chagrin. Leurs visages seront marqués par la tristesse. Le simple fait de prononcer ton prénom leur nouera la gorge. Ils se demanderont s'il est possible de se reconstruire, s'il est possible d'avancer, de continuer à vivre... Mais ils y arriveront. Il leur faudra du temps, cependant.

Je m'étais sentie coupable juqu'à présent. Désormais, mon coeur est moins lourd. Tu te rapproches, tout doucement, je peux discerner chacun de tes traits. Tu es radieuse. Seule la mer peut se venter d'être aussi belle. Tu as déchaîné tant de passion chez moi. J'ai tant spéculé à ton sujet ! Maintenant que tu es là, j'ai envie de t'innonder de questions. Mais l'horloge tourne. Je n'ai pas le temps de te poser toutes ces questions qui me brûlent la langue, alors allons à l'essentiel.

- Ils vont beaucoup me manquer... Le monde aussi, d'ailleurs, même s'il est sordide.

- Le monde est une fresque vivante. Une fresque dont chacun est l'artiste. Et comme chacun est différent, cette fresque a des nuances, dont certaines sont discutables, ou demeurent abstraites. C'est ainsi. Tout est complémentaire. Comme l'ombre et la lumière, qui ne peuvent exister l'une sans l'autre. Comme le soleil et moi. Nous n'apportons pas les mêmes choses, mais nous sommes nécessaires. La vie est contrastée. Et heureusement, d'ailleurs ! Elle serait sans saveur, sinon.

- Y-a-t-il quelque chose à savourer dans la méchanceté et la destruction ? Tout cela me rend si triste que je n'y vois aucun bénéfice.

Mon esprit divague. Je me sens comme dans un bain chaud. La représentation est telle que je parviens à discerner les odeurs de savon.

- Il est vrai que certaines choses ont un goût amer, mais tout n'est pas mauvais pour autant. Tu as vécu des choses difficiles, et pourtant, tu as tenu bon. Et cela, pour toutes les bonnes raisons qui font que tu es restée en vie.

Mes forces s'évanouissent progressivement. Le sommeil me gagne.

- Je me suis toujours dit que la Terre s'arrêterait de tourner, après mon départ. Mais je sais qu'il n'en est rien. Je ne sais pas si cela m'effraie ou me réconforte.

- Il y a eu de la vie avant toi ; il y en aura après toi. L'histoire va continuer. Peut-être aura-t-elle une fin un jour, peut-être pas. Personne ne sait. Moi-même, je vais peut-être disparaître ! Mais qu'importe. Ton histoire se poursuivra, même après ses dernières lignes, à travers les gens que tu as aimés ou qui t'ont connue. Elle continuera d'être à travers chaque battement de coeur. Car le coeur n'oublie jamais. La vie non plus. Tu as participé à la fresque, une part de toi la constitue. Tu continueras de briller, même après ton extinction.

Alors que je sens une douce chaleur m'embaumer, une immense couverture me recouvrant lentement, je laisse les dernières larmes dévaler mes joues, heureuse.

- Merci pour tout, la lune. Je vais maintenant te rejoindre.

Mes yeux se ferment, la nuit est tombée.

- Bonne nuit, jeune fille.

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