Vole-la-moi #1

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Cette réunion du Comité de Direction dure depuis trop longtemps. L’unique sujet pour lequel j’y assiste s’est conclu depuis déjà une bonne demi-heure.

Je balaye la table du regard pour évaluer l’effet soporifique de ce discours sur l’ensemble des managers. Je sursaute en rencontrant les yeux du responsable du département financier. Il me fixe nonchalamment, son pouce caressant ses lèvres. Son visage ne trahit pas la moindre émotion, et pourtant il semble me déshabiller du regard. Je baisse les yeux, troublée. C’est inconvenant. Pourvu que personne ne le remarque.

Du coin de l’œil, je le vois pianoter sur son téléphone. Un mail s’affiche sur le mien. Je le consulte discrètement : « Cette réunion est d’un ennui mortel. Je me demande ce que tu portes sous cette jupe serrée… C’est bien plus stimulant. ».

Je rougis. Quel culot ! Je décide de ne pas répondre. Je reporte mon attention sur notre PDG.

- L’obtention de l’autorisation de mise sur le marché de ce produit est capitale pour la société, particulièrement d’un point de vue financier. Nous ne pouvons en aucun cas tolérer un report dû à un manque de préparation. Un dossier ne se soumet pas n’importe comment et n’importe quand. Le respect de cet agenda très serré, je le reconnais, devrait nous permettre la soumission du dossier aux Autorités pour le semestre prochain.

Ça y est, je suis déconcentrée. Mélanger « soumission » et « autorité » dans la même phrase a fait aussitôt dériver mes pensées. Je me souviens de cette dernière entrevue d’une intensité sans nom. Je me souviens de… Non. Pas maintenant. Il faut que je me ressaisisse.

Un second mail s’affiche sur mon écran : « J’approuve totalement… il est important de ne pas tarder à SE soumettre… ». Je lève les yeux au ciel en tapant une réponse : « Pas n’importe comment, ni n’importe quand. ». Il répond aussitôt : « Je te trouve particulièrement insolente. Je devrais te ligoter les mains pour t’empêcher d’envoyer des messages aussi désagréables. Avec ma cravate par exemple… ».

Je me mordille la lèvre malgré moi. Je jette un œil furtif à l’homme qui m’observait quelques minutes plus tôt. Il desserre sa cravate sans me regarder. J’ai un frisson. Je sais que son geste est une promesse. Non. Pas au travail. Hors de question. Il faut que je sorte d’ici avant que mon trouble ne se remarque.

Je rassemble mes dossiers et me penche vers ma voisine de droite pour lui annoncer que je quitte discrètement la réunion. Une notification de mail clignote encore sur mon écran :

« Si tu quittes cette salle de réunion, je te jure que je te vole ta petite culotte ».

[A suivre]

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