Chapitre 14 (2/2)

9 minutes de lecture

Quand la bouteille qu'Ace avait emmenée fût totalement bue, Damon alla en chercher d'autres dans les mini-bars présents un peu partout. Les verres s'entrechoquèrent au rythme des discussions croisées qui devenaient moins protocolaires.

— Bon, j'en ai marre de rester assise, lança Abby alors qu'elle finissait son verre. Qui m'accompagne danser ?

— Pourquoi pas, acquiesça Morgan. Puis-je t'inviter ?

La jeune femme rougit timidement alors qu'il lui tendait le bras.

— Toute cette tension sexuelle, ici, ça me dégoûte. Allez vous en ! s'exclama Tyler en les chassant de la main.

— Ta gueule, Ty, et viens plutôt nous rejoindre.

Le couple s'éloigna, Morgan chuchotant dans l'oreille d'Abby.

— Vous venez ? demanda le blond.

Les trois garçons encore assis échangèrent un regard embarrassé.

— Ce n'était pas une question. Allez debout ! Je refuse qu'on s'ennuie pendant ma soirée.

Ils se levèrent en maugréant. Damon et Matthew rejoignirent Tyler mais Ace préféra rester aux abords de la piste à siroter son verre. La danse, très peu pour lui, il était à peine plus gracieux qu'un éléphant. D'autant plus qu'un mal de tête commençait à l'envahir. Manque de chance, Abby l'aperçut et l'enjoignit à venir. Il refusa en secouant la tête mais la jeune femme était tenace : elle quitta son partenaire pour tirer Ace par le bras. Il se laissa faire et eut juste le temps de poser son verre sur le rebord d'une fenêtre qu'Abby passait déjà ses bras autour du cou de son ami.

— Tu fais ça pour rendre jaloux Morgan ?

— Je n'ai pas que lui en tête, répliqua-t-elle. J'aime encore plus mes amis et je veux qu'ils s'amusent tout autant que moi.

— Et Matthew alors ?

Ace chercha du regard le jeune homme.

— Je ne peux pas m'occuper de vous deux en même temps.

L'Espagnol l'aperçut dans le dos d'Abby. Il échangea leur place d'un tour.

— Regarde, il s'ennuie fermement et je crois que j'ai trop bu, je vais aller me reposer. Il va prendre ma place.

Il adressa un sourire narquois et s'écarta d'elle. Elle bougonna mais le lâcha. Ace en profita pour quitter la piste et s'adossa contre le mur. Il n'avait pas menti : le sol commençait à se balancer dangereusement et il était quasiment sûr qu'il ne marcherait pas droit. Ses sens étaient émoussés et sa vision se troublait. Il mit du temps à reconnaître l'homme qui avançait vers lui. Pourtant, lorsqu'il aperçut le sourire qui fendait son visage, il sut qui c'était. Ace ressentit une vive chaleur au creux de son vendre et dût fermer les yeux un instant sous l'assaut de cette étrange sensation pour ne pas vaciller. Un martèlement résonna dans sa tête, comme si on avait décidé d’y organiser une course hippique. Décidément, il s'était sous-estimé, il pensait mieux tenir l'alcool. Le but maintenant était de tout garder dans son estomac.

Une odeur reconnaissable entre mille lui chatouilla le nez et une main se posa sur son bras. La cavalcade disparût.

— Tu vas bien ?

Ace ouvrit les yeux sur le visage soucieux de Tyler.

— Dis-moi si tu veux aller vomir.

— Non, répondit-il, piqué au vif. Je suis juste un peu fatigué, je vais me reposer.

— Tu veux que je t'accompagne ?

— Ça ira, je reviens dans quelques minutes.

Il se dégagea de la poigne du blond et entra dans la maison. La musique lui vrilla les tympans. Il essaya de repérer dans la semi-obscurité des escaliers.

Un flash de lumière l’éblouit. Quand il rouvrit les yeux, il fronça les sourcils ; il reconnaissait la jeune femme qui dansait non loin de lui. Il fouilla dan sa mémoire, grimaça lorsqu’il perdit l'équilibre et se rattrapa grâce à un meuble. Il plissa les paupières, comme si ce simple geste pouvait l'aider à retrouver ses souvenirs. Soudain, il comprit. Bon sang, Tyler avait invité Vanessa ! Il se replia dans l'ombre et chercha un moyen de traverser la pièce sans qu'elle ne l'aperçoit, car elle ne manquerait pas de lui sauter dessus. Ou de l'engueuler. Quoi qu'il en soit, il serait piégé et il n'était pas en état de tenir une conversation avec elle. Il longea alors le mur, priant pour que les danseurs servent enfin à quelque chose plutôt que de lui donner le tournis.

Il trouva enfin l'escalier. Le premier étage lui permettrait d'échapper à tout ce bruit. Il posa une main sur le mur pour se soutenir et grimpa les marches. Il s'engagea dans un couloir, et avança à tâtons jusqu'à trouver la poignée d'une porte. C'était une chambre, une grande chambre. Ace devina la forme d'un lit à sa gauche et quelques meubles. Il préféra ne pas allumer, de peur que la lumière artificielle lui brûle la rétine. Aveugle et bourré, pas un bon mélange. Il traversa la pièce et ouvrit la porte-fenêtre. L'air frais lui fit du bien.

De son perchoir, il avait une vue sur le jardin et la piscine. Heureusement, la piste de danse et ses lumières agressives n'étaient pas visibles. Tous ces gens qui dansaient, il en avait la nausée rien que d'y penser. Il se laissa tomber sur les fesses et s'adossa au mur. Il fouilla dans ses poches à la recherche de son paquet de cigarettes. Il en glissa une entre ses lèvres, trouva son briquet, fit rouler la pierre. Une flamme en naquit, qu'il observa vaciller dans le vent jusqu'à en loucher. Il se reprit et tira une bouffée, la tête en arrière. Il tenta de fermer les yeux, mais son estomac protesta et il les rouvrit aussitôt. Alors, il se contenta de fixer un point au loin.

Un état d'euphorie le saisit, il se mit à sourire bêtement. Il était content. Il ne savait pas pourquoi, aucune explication ne lui venait mais il s'en moquait.

Soudain, son sourire se figea avant de s'évanouir dans une volute de fumée. Le visage de sa mère s'imprima dans le ciel étoilé. Elle était là, ses cheveux bruns cascadants sur ses épaules et dans lesquels il aimait enfouir son visage, ses yeux rieurs avec les quelques rides qui apparaissaient au coin lorsqu'elle souriait, le même rouge à lèvres qu'elle portait tout le temps. Une lance de culpabilité lui transperça le cœur. Il se sentit honteux de sa gaieté, elle qui ne connaîtrait plus jamais la joie.

Ace tira sur sa cigarette. Il expira lentement la fumée de ses poumons pour essayer de faire partir en même temps l'étau qui comprimait son cœur.

Le bruit de la baie vitrée qui s'ouvrit fit sursauter Ace, il sécha discrètement ses yeux humides.

— Ah, tu-t'es là ! Je t'ai cherché partout...

Tyler surgit de l’obscurité, une bouteille à la main, son téléphone avec la lampe d'activé dans l'autre.

— Tu peux dégager ta lumière de ma gueule ? grogna Ace en se protégeant de la main.

— Désolé.

Il s'affala à côté d'Ace et tira sur sa chemise déjà débraillée. Ils étaient si proches que leur jambe prenait mutuellement appui sur l'autre, comme si ce simple contact les empêchait de basculer.

— J'crois que, que j'ai, que je... je crois que j'ai trop bu.

— Sans blague. Moi aussi.

— Hmhm.

Le blond porta la bouteille à ses lèvres.

— Pourquoi tu continues ?

— J'sais pas...j'aime l'alcool.

Il lui sourit bêtement. Ace sentit une onde de chaleur dans son ventre. Le sourire de Tyler était tellement sincère, ses lèvres rendues humides par sa boisson dévoilaient ses dents, des bulles d'alcool pétillaient dans ses yeux bleus. Les rayons de la Lune éclairaient la peau laiteuse de son profil, jouaient à cache-cache dans ses cheveux blonds en désordre. Certaines mèches étaient dressées, d'autres chatouillaient ses joues à chaque fois qu'il bougeait la tête. Ils formaient une auréole de lumière. Ace eut le souffle coupé, il semblait irréel. L'Enfant de la Lune. Il leva la main.

— Tu ressembles à un ange, chuchota-t-il.

Il frôla une mèche, la saisit. Ils étaient aussi doux qu'il se l'était imaginé. Il l'entortilla autour de son doigt et admira le contraste avec sa peau briste.

Tyler ferma les yeux. Son souffle passa entre ses lèves entrouvertes, glissa sur la main d'Ace. Le brun la retira soudainement. Il détourna le visage pour cacher son embarras. Il tira une longue bouffée de sa cigarette avant de se racler la gorge.

— Tu... Tu connais tous ces gens que t'as invités ? J'ai vu qu'il y avait Vanessa, je ne savais pas que vous vous fréquentiez.

Il parlait vite, mâchait presque ses mots.

— Vanessa ? C'est qui ?

Tyler se redressa, bousculant le genou d'Ace qui plia. Maintenant, la cuisse du blond reposait presque entièrement sur la sienne. Il retint sa respiration, s'obligea à respirer à nouveau quand il s'aperçut que Tyler attendait une réponse.

— Une fille toujours extravagante qui se remarque facilement. On ne peut pas la rater, je veux dire... elle aime bien attirer l'attention.

Il jeta un regard en biais. Tyler fronça les sourcils avant que ses traits ne s'illuminent.

— Ah, je vois de qui tu veux parler ! Oui, elle avait l'air sympa et elle est bonne. Mais sinon, je ne connais pas tout le monde, la moitié, c'est déjà pas mal, ricana-t-il.

Il vola la cigarette d'Ace.

— Je croyais que tu ne fumais pas.

— Sauf en soirée.

Il la replaça dans la main d'Ace. Leur peau se toucha, un frisson électrique secoua le corps de l'Espagnol. Les doigts de Tyler étaient chauds, presque moites. Pourtant, il voulait les sentir à nouveau.

— Je suis content qu'on soit amis.

— Moi aussi.

Un sourire fendit le visage du plus vieux.

Ils restèrent encore de longues minutes à profiter de la présence de l'autre dans un silence reposant. Le poids de la jambe de son compagnon sur la sienne était rassurant, comme un lien le rattachant à la réalité alors que son esprit était sur le point de s'envoler vers les cieux. Il flottait dans une douceur apaisante, calant sa respiration sur celle de son ami.

Une poignée de minutes ou plusieurs heures venaient de s'écouler lorsqu'ils se décidèrent à rejoindre la fête en bas.

Ace posa un pied sur la marche lorsque Tyler le retint par le bras. Il croisa le regard de son ami, et plongea à l'intérieur de l'océan.

Il ne sentit le mur seulement quand il le heurta de son dos, comme il ne sentit le baiser que lorsque les lèvres de Tyler se posèrent sur les siennes. Ace ferma les yeux par réflexe. Par réflexe, ses mains effleurèrent les hanches du blond. Son corps bouillit lorsqu'il sentit la peau sous son toucher, son corps s'enflamma, ses sens s'embrasèrent.

Mettant le feu à son cerveau.

Ace repoussa violemment Tyler, qui trébucha et heurta le mur opposé.

— Tu fous quoi, putain ?

Son sang bouillonna, son visage se tordit de colère.

— Tu peux me dire ce que t'as voulu faire ? hurla-t-il à la face de Tyler.

Il le saisit par le col de sa chemise, et ferma son poing à s'enfoncer les ongles dans la chair.

Le blond ne le lâchait pas du regard, qui brillait d'une lueur vide, impassible.

— Je t'ai embrassé.

Celui d'Ace luisait de rage, virant au vert sombre. Il le lâcha brutalement.

— Tu crois que parce que j'ai accepté d'être ton ami que tu peux ce que tu veux ? Tu crois que je te suis redevable de m'avoir pardonné, que ça te donne le droit de tout faire ? Que je suis un puto de maricón ?

Le silence de l'autre était pire que tout. Il voulait qu'il arrête de le regarder ainsi, qu'il arrête de faire comme si tout était normal, il voulait briser son masque indifférent de son poing, exploser ses lèvres, défigurer ce visage.

Il leva le poing.

L’abattit contre le mur.

— Ace, je...

— Regarde-toi. Tu es tout ce que je déteste ! Le fils-à-papa imbus de sa personne, né avec une cuillère en argent dans la bouche. Tu pues l'arrogance, et la vanité. Tu penses que tout t'est dû, que tu es le maître du monde que les autres ne sont là que pur assouvir le moindre de tes penchants. Tu brandis la carte de pd pour te faire plaindre, pour contredire papa et maman, pour faire l'enfant rebelle. Toi, petit con prétentieux, riche, blanc et éduqué. T'es à vomir.

Ace s'arrêta, à bout de souffle.

— Putain, j'aurais jamais dû t'approcher.

Il posa un regard haineux sur Tyler, complètement démuni.

— Vete à la mierda. Me das asco.

Il cracha ces mots, ces paroles contenant toute sa haine, qui frappèrent en plein cœur le jeune homme de leur pointe venimeuse. Ce dernier chancela sous le choix, comme s'il avait reçu un véritable coup de poignard.

Il se laissa tomber lorsqu'Ace disparut, le souffle coupé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Alex’s_18 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0