Chapitre 7

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Chapitre 7

  Le réveil n'est pas trop difficile ce matin, je suis même presque content d'aller en classe. Le premier cours est une session d'EPS de deux heures. J'avale mon petit-déjeuner seul, Mum est déjà partie au travail et elle rentrera tard, Jonas est encore sous la douche. Je l'appelle et lui dit de se dépêcher s'il ne veut pas faire la route tout seul et arriver en retard.

  Il sort de la salle de bain coiffé avec minutie et vêtu d'une chemise, c'est inhabituel de le voir si bien apprêté.

– Hé bien, quelle élégance, Monsieur ! lui dis-je un peu taquin.

– C'est juste parce que c'est la photo de la classe aujourd’hui, et Madame Vallen nous a dit de se tirer quatre épingles, enfin d'être bien habillé.

– Je vois que ton français s'améliore, tu es en effet tiré à quatre épingles, dis-je en souriant et en insistant bien sur le « à ».

  Il est mignon quand il essaie de répéter les expressions qu'il apprend. C'est encore plus drôle quand il calque les expressions anglaises ; on a essayé de lui faire comprendre qu'on ne peut par dire « Casse une jambe » ou « Casse-toi une jambe » à quelqu'un pour lui souhaiter bonne chance, ça ne marche qu'en anglais avec « Break a leg ».

  Nous nous mettons en route, le soleil est déjà au-dessus des toits des maisons et ses rayons caressent les tuiles dans un halo légèrement brumeux.

  Jonas se dirige vers le collège tandis que je m'empresse d'aller vers le gymnase, sans avoir oublié au préalable d'embrasser mon petit frère sur le front. Devant le gymnase, j’aperçois mes camarades de la veille, mais aussi les élèves de la classe de Première A. Je me fraye un chemin vers Léonor qui me fait de grands gestes et me serre dans ses bras pour me saluer, comme si on se connaissait depuis des années. Hugo et Elvira sont déjà là et nous nous saluons et discutons un peu. Louis arrive accompagné de Marie, ils rient et semblent bien s'entendre.

  La prof d'EPS nous demande de bien vouloir nous séparer, garçons et filles, pour que chacun rejoigne les vestiaires flambant neufs.

  Les vestiaires des garçons sont composés de bancs et de portes-manteaux disposés en U. Ils ont une fascination pour les U, ici, me dis-je. Les douches communes se trouvent derrière un muret carrelé.

  Je ne me sens pas à l'aise dans cet endroit, je m'esquive le plus loin possible de l'entrée des vestiaires, sans pour autant paraître suspect. Hugo et Louis me rejoignent. Je suis rassuré car je me sens dissimulé par l’imposante stature d'Hugo. Il doit faire au moins 1,90 m et peser 100 kilos.

  Je reconnais d'autres garçons de ma classe, et je découvre ceux de la Première A. Certains ne semblent pas à l'aise avec leur corps, et d'autres paraissent très - voire trop - à l'aise et s'amusent à pointer les silhouettes malingres d'autres garçons peu assurés. Je les sens moqueurs, voire insultants par moment. J'observe silencieusement, assis dans l'ombre de Hugo, sans prêter attention au fait qu'il était en train de se déshabiller complètement pour enfiler sa tenue de sport. Je sens monter une gêne immense en moi, et je me refuse à regarder davantage ce spectacle qui se déroule à quelques centimètres de mon visage.

– Tu te changes pas ? me demande Hugo en continuant de se vêtir.

– Heu, c'est que … en Angleterre les vestiaires offraient plus d'intimité, alors je ne suis pas à l'aise, mens-je.

– Tu sais, on est tous fait pareil, tu peux te changer tranquille.

  Je m’empresse de changer de tenue, dos aux autres, toujours entouré d'Hugo et Louis qui m'attendent gentiment. Un garçon de la Première A qui se moquait tout à l’heure d'un de ses camarades s'avance vers nous et dit en s'exclamant :

– C'est peut-être parce qu'en Angleterre c'est des petites bites ?

– T'es lourd Kylian, lui rétorque calmement Hugo.

– Ça va c'est pour rire, dit-il ennuyé par la remarque d'Hugo , avant de partir vers le gymnase.

  Je ne relève pas les mots de Kylian et je finis d'enfiler ma tenue.

  Nous nous dirigeons vers le gymnase et nous nous asseyons autour de la prof d'EPS, qui est aussi celle de Jonas. C'est une femme blonde colossale, qui visiblement pratique le rugby et probablement la musculation. Jonas m'en avait parlé et l'avait décrite comme un monstre de 2,50 m. Nous écoutons sa présentation de la matière avant d'entamer la course d'endurance dans le petit parc de l'école, ce qui me ravit. La course à pied est une activité que je pratique les week-ends, en solitaire, c'est idéal pour se vider la tête.

  Nous commençons à courir, ça me permet de parler à mes camarades et nous plaisantons un peu grâce à Hugo qui fait encore l'idiot ; je suis moins sur la retenue qu'hier, et c'est agréable. J'apprends que Marie sera présente à l'anniversaire de Louis, ainsi que d'autres élèves de la Première A et de la Première B dont je n'ai pas mémorisé les noms. La fête a lieu samedi prochain et Louis nous dit que ses parents lui laissent la maison pour la soirée et la nuit, et qu'il sera possible de dormir sur place. La prof nous voit discuter et nous demande si un coup de pied aux fesses nous aiderait à aller plus vite.

  Nous finissons notre tour de parc, Léonor a étrangement peu parlé pendant la séance de course. Nous nous arrêtons de courir et nous l'entendons respirer très fort, elle est à bout de souffle et ses yeux sont noirs de colère. Elle ouvre la bouche et marmonne des choses en italien; il me semble discerner quelques grossièretés à destination de la prof et de la course d'endurance. Nous n'osons pas sourire en la voyant mais échangeons des regards complices avec les autres.

  De retour aux vestiaires, je commence à me déshabiller et décide de me changer rapidement. Louis est déjà vêtu d'un pull gris et d'un jeans noir. Il me complimente sur mon rythme de course mais je ne prête pas attention à ce qu'il dit, j'essaie de me dépêcher et mes pensées vont vers les propos de Kylian survenus avant la session de course. Était-ce vraiment de l’humour cette histoire de « petites bites » ou cherchait-il à m'insulter ? Louis se relève et me dit :

– La prochaine fois, on fera une petite compétition, ça te dit ? Le meilleur coureur donnera un gage à l'autre.

  Je hoche la tête sans réellement réaliser ce que je viens d'accepter. Louis commence à partir alors que j'enfile mon pantalon. Il se retourne après avoir marché quelques pas, son visage fendu d'un large sourire, il me chuchote :

– Et, de ce que je viens de voir, Kylian est très mal informé.

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