Désolant septembre

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MOI

"Je suis désolé".

La formule s’accompagne de larmes, d’effroi, d’affolement, de gêne, de soulagement, de silence ou pire d’une accolade appuyée, d’une embrassade collante.

C’est un supplice que je subis entre rigidité et dégoût, mais c’est mal de penser ainsi alors je subis. Pour moi, être désolé, c’est à la limite quand le serveur au restaurant vous annonce qu’il n’a plus le plat du jour et qu’il en est désolé même si la plupart du temps, il s’en tape totalement.

Là, c’est radicalement différent. Je suis en lambeaux, amputée d’une partie de mon corps et de mon esprit, écorchée vive, foudroyée et carbonisée de l’intérieur.

Le cimetière est désolant.

Vous êtes désolés ? Je m’entends vous répondre merci. C’est à se flinguer !

ELLE, mon amie

Je pourrais te dire que je suis désolée.

Je ne le fais pas, je regarde mes pompes en attendant une révélation. Mes chaussures n’ont pas ce pouvoir mais si c’était le cas, elles me diraient probablement de la fermer. Donc je ne dis rien.

En plus, je ne suis pas du tout désolée. Je suis en colère, malheureuse, démunie, douloureuse. Ma cage thoracique a dû rétrécir et je respire mal. Mon corps est lourd.

Je crois que si je te prends dans mes bras, on va rester collées comme des sardines restées trop longtemps dans le congélateur. Ou fondre l’une dans l’autre pour s’étaler en une flaque visqueuse.

Le cimetière est repoussant.

Je ne suis pas désolée. J’ai mal pour toi. C’est à hurler.

LUI, mon amour

Désolé ? Mais de quoi ?

Je n’aurais rien pu faire pour éviter ce qui s’est passé. Même en le voulant très fort. Putain d’adversité. C’est la vie qui devrait être désolée d’avoir failli à ce point, d’avoir totalement foiré sa mission. Mais elle n’est pas du genre à se désoler pour ça.

Et pour tout dire, je ne t’aurais jamais trouvée et gardée à mes côtés si ce drame n’avait pas eu lieu. J’ai mis du temps à m’y faire, à lutter contre l’idée de me réjouir de la place laissée vide. Je n’ai jamais cherché à la combler, juste attirer ton regard et ton cœur vers moi, en sachant que je partagerais ton amour avec cet absent.

Pas de quoi être désolé. Juste se méfier de la vie cette "chienne indocile" *.

Le cimetière, je ne le connais pas.

Je suis tout sauf désolé. Ton sourire est ma boussole. C’est à se battre comme un damné.

* Emprunt à Elliot Perlman auteur de "La mémoire est une chienne indocile"

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