Danseur anonyme
Je me souviens d’un après-midi pluvieux dans la laverie automatique quartier. J’attendais que le tambour s’essouffle en feuilletant, sans conviction, des magazines abandonnés. Un jeune homme, casque vissé sur les oreilles, a déposé sa couette dans une machine voisine et s’est mis à danser, tout doucement, presque imperceptiblement. Pas une danse des grandes occasions, juste des mouvements discrets, comme si la musique débordait à peine sur son corps.
Dans cette pièce impersonnelle où personne ne se regarde, il irradiait une joie tranquille, hors du temps. Personne ne lui prêtait attention, il ne demandait rien à personne. J’ai été frappé par sa liberté de juste… exister. Finalement, il a sorti sa lessive, aligné ses vêtements avec la même légèreté, puis il est reparti sous la pluie, indifférent à l’indifférence.
Je n’ai jamais recroisé ce danseur de laverie. Pourtant, à chaque fois que la routine me pèse, je repense à lui, et je m’accorde, moi aussi, la permission de danser sans raison.
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