Chapitre 2 : Mike et Grand-Pa (Partie 3 : une séance d’entraînement mouvementée)

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Joseph était en place, au départ du trou numéro un, le Castle, les joueurs avaient quatre essai pour être au niveau du par et ne pas perdre de point. La balle devait parcourir trois cent trente mètres en montée avec un dog leg à droite. Un coup de départ précis, d’environ deux cent mètres, était primordial. Mike sortit son driver, il était bien au chaud dans la chaussette que lui avait tricotée Henriett. Elle avait réalisé toutes celles de ses clubs. Celle qui recouvrait le driver était particulière parce qu’elle lui avait ajouté le lapin de son enfance. Il était tout rapiécé, et pourtant il n’arrivait pas à s’en séparer. Certaines mauvaises langues auraient pu dire qu’il était superstitieux, mais Mike n’était pas ce genre d’homme. Ce petit lapin était un souvenir précieux de ses parents, qui l’accompagnaient de cette façon dans ses aventures. L’impatience se lisait sur le visage de Mike, comme à chaque fois qu’on lui promettait une glace menthe-chocolat quand il était enfant. Aujourd’hui encore, s’il passait devant le glacier, il s’arrêtait toujours pour cette gourmandise. Il ne tenait plus en place, il fallait entrer dans la partie et lâcher le premier coup.

Grand-Pa frappa la balle avec dextérité, la propulsant à une bonne distance sur le fairway, évitant le hors-limite sur la gauche. Mike avait des fourmis dans les mains, le contact avec le driver lui donna des frissons. Il se positionna, le regard sur la balle, ajusta son grip. Il était dans sa bulle, seul au monde, jusqu’à l’impact du club sur le projectile. Ce départ était décisif, s’il débutait en faisant un par, Joseph ne s’en laisserait pas compter. S’il commençait par un birdie, Joseph serait en difficulté. Le bogey ne faisait pas partie des options envisageables. Joseph l’observait avec attention, il connaissait bien son petit gars et toute sa détermination. Mike ne laissait pas la place à l’approximation. C’est à ce moment-là que le ciel se mêla de la partie. Ce qui n’était jusqu’alors qu’une ondée passagère se transforma en seaux d’eau. La pluie se déversa d’un coup, laissant les deux hommes trempés. Heureusement, Arthur avait eu la bonne idée de les rejoindre en voiturette pour venir les observer. Il arriva juste à temps pour que Mike et Joseph grimpent dans le véhicule, certes modeste, mais providentiel.

– Eh bien, je crois que c’est moi qui ai remporté le premier trou, annonça Joseph dès qu’ils furent à l’abri.

– Oui si tu veux, tu as assuré ton carry.

– Ça me permettrait d’assurer mon premier birdie !

– D’ici là, elle aura peut-être roulé hors-limite !

– Nous verrons bien, tant que la balle n’est pas dans le trou, rien n’est joué.

Arthur, Joseph et Mike serrés dans l’habitacle, avançaient lentement en direction du Birdie Hall pour ne pas faire déraper la voiturette et se retrouver dans une situation bien plus inconfortable. Arthur s’arrêta. Joseph et Mike entrèrent dans le restaurant. Ils avaient profité d’une bonne douche écossaise. Par chance, Henriett avait toujours quelques tenues de rechange dans la buanderie. Elle se présenta au même moment, les bras chargés d’une panière au dessus de laquelle, seul son chignon blanc dépassait.

– Attend, je vais t’aider Tata.

– Merci mon grand. Le linge a profité d’un bon rinçage, je n’ai plus qu’à faire un second essorage. J’en connais un autre qui pourrait bien en avoir besoin.

– Oh oui, et d’ailleurs je peux t’emprunter des vêtements?

– Bien sûr, en attendant je vais vous préparer un scottish coffee.

Henriett partit en direction de la cuisine, pendant que Mike se rendait dans la buanderie avec le panier dans les bras. Quand il revint dans le salon, il trouva Grand-Pa et son parrain bien installés dans leur fauteuil proche de la cheminée.

– Viens t’installer avec nous, lui proposa Arthur.

– Non, je vais aller m’asseoir dans le coin, vers le bureau.

– Je vous ramènerai, dès que l’orage sera passé.

– Merci, Arthur.

Les deux compères reprirent la partie d’échecs qu’ils avaient commencée jeudi dernier. Mike les observait, une telle complicité était touchante. Il plongea le nez dans son carnet pour canaliser sa frustration de ne pas avoir pu jouer. Sur les feuillets était notés ses idées : d'un côté, ses projets pour le jardin et son parterre de roses et de l'autre, ses sensations, ses coups et tout ce qui avait trait au golf.

– Allez, courage Mike, dans cinq minutes je vous ramène, déclara Arthur.

– Il y a une éclaircie sur l’océan, ajouta Joseph qui avait levé le nez pour réfléchir à son prochain coup.

– Echec, annonça Arthur.

Mike sourit et replongea dans ses notes.

– Pile ou Face ? demanda Arthur.

– Les deux, les idées se bousculent dans ma tête.

– Prépare toi, le terrain aura évolué après cette pluie, plus dur à appréhender, cela pimentera la partie.

– Tu as raison Grand-Pa. Je voudrais juste que tu ne prennes pas froid.

– Il m’en faudrait plus, rassure-toi.

– Et mat, dit fièrement Arthur, Joseph tu t’es déconcentré !

– Respect mon ami, tu m’as bien eu.

– Allez, venez, la pluie s'aténue, je vous emmène si vous voulez finir avant la nuit.

Mike les attendait sur le pas de la porte, il était temps de se remettre sur les rails. Il avait tout de même une échéance dans deux jours, et il ne voulait pas passer à côté, ni être un simple figurant. Mike à nouveau était prêt à débuter la partie. À l’impact avec la balle, son corps se relâcha. Il avait une certaine élégance quand il swinguait, son coup était si fluide que tout semblait facile. La balle avança et se posa en position idéale sur le fairway. Joseph reconnut là toute la puissance de son grand.

– Très joli coup, décidemment tu maîtrises ta frappe.

– Merci, attention la flatterie ne te permettra pas de remporter ce trou.

– Tu as déjà tout gagné, je suis fier de toi.

Le Grand-Père et le petit-fils avancèrent d’un bon pas pour jouer leur deuxième coup. Joseph fit une approche tout en douceur, qui permit à la balle de s’arrêter à quelques centimètres du trou. Mike après avoir étudié le coup, ne laissa aucune chance à Grand-Pa.

– Ficelle, et voilà un eagle pour commencer, je vais en baver, annonça Joseph.

– Un zéro pour moi, et une première sortie en mer. C’est une double victoire.

Les deux hommes enchaînèrent les trous avec beaucoup de sérieux, ne lâchant aucun point. Lorsqu’ils se présentèrent au départ du trou numéro onze, Mike menait huit à quatre. Il avait cédé le trou deux et le sept, tous les deux à cause d’une approche trop agressive. À chaque fois, il s’était ressaisi enchaînant le trou trois et huit par des birdies.

Joseph et Mike se présentèrent au trou numéro onze. Ce trou appelé Dardanelles, était considéré comme un des plus difficiles d’Europe. Le drive devait être frappé avec précision à travers une vallée profonde jusqu’au fairway qui se rétrécissait et se courbait vers la gauche, entre les arbres. Mike savait que s’il trouvait le fairway, il devrait jouer son deuxième coup à travers l’espace entre les bois, en utilisant le mémorial de guerre comme repère. Sinon, il serait obligé de faire un coup entre les bois, seule option envisageable.

– Allez à toi, celui-ci tu dois t’appliquer, il a tendance à te jouer de mauvais tours.

Mike prit son driver, plaçant ses appuis avec précision pour se stabiliser, le sol était glissant. Il posa le regard sur l’objectif, il n’avait pas l’ombre d’un doute. Son club montant prêt à s’abattre sur la balle, le temps semblait s’être figé. Mike resta pétrifié, une moitié de son club dans la main, la deuxième pendant comme une marionnette. La balle quant à elle reposait toujours sur le tee.

– Mike, tout va bien ? s’inquiéta Joseph.

– Je ne sais pas, que s’est-il passé ?

– Et bien à vrai dire, je ne comprends pas.

Le driver était en deux morceaux, Mike sentit un profond désarroi. À trois jours de la compétition, ce n’était pas de bon augure. Il était livide. Joseph voulut parler, il attendit un moment avant de s’approcher de lui. Il prit son petit-fils par l’épaule, il sentait qu’il était temps de le rassurer.

– Ne t’inquiète pas, nous trouverons une solution.

– Cette partie commence à devenir déroutante.

– Ne te laisse pas aller, ressaisis-toi, c’est important.

– Il me faut juste une minute pour digérer.

– Prends ton bois trois, il sera peut-être un bon allier.

– Tu as raison, pardon.

– Pourquoi, c’est tout à fait concevable que cela te déstabilise mais les grands champions comme toi savent toujours rebondir.

– Je ne sais pas, je me sens fébrile, prêt à craquer.

– N’hésite pas, crois en toi.

Joseph tendit le bois trois à Mike. Le contact avec le club le rassura, il se replaça prêt à faire son swing. Il arma son coup, frappa la balle qui se posa au bord du bois !

– Ce n’est pas si mal, tu as assuré.

– Continuons la partie, nous verrons bien comment je vais m’en sortir.

Ils avancèrent pour se positionner et jouer leur deuxième coup. Mike frappa, son approche serait plus simple. Joseph se contenta de taper la balle pour avancer sur le fairway, Mike se montra plus audacieux et c’est dans le bunker avant que se terminât le coup. La balle s’enfonça assez pour dire que le prochain coup serait difficile à jouer. Ce trou demandait au joueur de rester méfiant à chaque instant, et Mike ne l’avait pas été !

– Bon et bien, à toi de jouer Grand-Pa, tu es le mieux placé pour jouer en dessous du par.

– Oui, ce point va être pour moi.

– Attend, il me reste encore quelques coups dans ma manche.

Joseph joua son troisième coup et déposa la balle à l’entrée du green. Mike frappa le sable en dessous de la balle pour pouvoir se replacer dans des conditions favorables, et après quelques rebonds, elle se déposa sur le green.

– Quel coup Mike !

– Oui, juste ce qu’il faut pour dire de finir correctement ce trou mal engagé.

– Je pense que nous allons devoir arrêter la partie là. La luminosité baisse, et en grand seigneur que je suis, je vais putter direct dans le trou.

Bien plus facile à dire qu’à faire, la pluie avait laissé une pellicule grasse sur le green qui ralentit la balle de Joseph, et elle se déposa en bord de lèvres.

– Trop court Grand-Pa, ce trou est pour moi. Je vais pouvoir passer mes prochaines vacances à bord du bateau.

À ce moment-là, un Milan plongea en direction du green, Mike son putter en main, amorça son balancier pour déposer la balle dans le trou, il ne la quittait pas des yeux et elle disparut…

– Non c’est quoi ça, un vidéo gag !!

Joseph riait, il ne pouvait plus s’arrêter. Juste au même moment Arthur se présenta, il était venu les chercher, l’obscurité s’installait. Voyant Joseph se tenant le ventre, il commença par s’inquiéter, mais en entendant son rire, il fut rassuré.

– Que vous arrive-t-il ?

Mike lui était médusé, le club toujours en main, il avait fait le mouvement dans le vide, incrédule.

– La balle, envolée…

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