Céléna jouait avec le bracelet qu’Olivia lui avait offert et qu’elle n’avait pas quitté. Elle était rentrée depuis une semaine, et déjà les Îles lui manquaient. Elle avait passé un week-end agréable et avait découvert de nouvelles amitiés. John lui envoyait régulièrement des informations sur l’avancée des travaux du parc, elle était tombée sous le charme du lieu. Emy, venait quant à elle, de lui annoncer la grande nouvelle, elle était enceinte de trois mois. Céléna appréciait particulièrement la spontanéité de cette jeune femme et depuis leur excursion sur la plage, elles pouvaient se laisser des messages plusieurs fois par jour sans se lasser.

Ce matin, Céléna était assise, songeuse à son bureau quand Harold arriva la faisant sursauter.

– Eh bien, tu me semblais loin de moi. Cela fait trois fois que je t’interpelle, et n’ayant pas de réponse, je me suis même demandé si tu étais encore là.

– Pardon papa, c’est vrai, je rêvais. Regarde comme cet espace est magnifique. Franchement l’agencement du parc du château m’inspire.

– En parlant de ça, je t’avais laissé les futurs plans pour la distillerie.

Céléna regarda son père avec un air plus que surpris. Ils n’avaient pas eu le temps de discuter du passage du paysagiste depuis son retour. Elle avait débarqué à l’aéroport, et avait juste eu le temps de les embrasser, ses parents prenant à leur tour un vol pour l’Irlande. Elle farfouilla dans son bureau, et ne trouva pas ce dont il parlait. C’est à ce moment-là, qu’elle découvrit une clé USB dans un écrin en forme de rose. Elle reconnut tout de suite la boite. Et pour confirmer sa première impression, en scrutant le couvercle, elle aperçut la signature d’Emy. Pourquoi ne l’avait-elle pas vue avant ? songea-t-elle surement à voix haute parce qu’Harold lui répondit :

– Tout simplement parce que je viens juste de la déposer.

Céléna s’empressa de glisser la clé dans le port correspondant sur son ordinateur et ouvrit le dossier qui s’appelait « Cœur de Malt ». Dès que le power point se lança, elle ne put quitter l’écran des yeux. Les images qui défilaient, étaient agrémentées d’un fond musical qu’elle reconnut aussitôt. Tout semblait si justement posé, rien n’avait été laissé au hasard. Les traits étaient d’une telle précision, le plan se dévoilait sous ses yeux avec tant de subtilité. Et si, elle était en train de rêver, surtout elle ne voulait pas se réveiller avant la fin.

Harold l’observait, sur les lèvres de sa fille se dessinait un sourire, et dans ses yeux brillait cette étincelle qu’elle avait quand elle était pleinement heureuse. L’effet était des plus réussis et le résultat à la hauteur de ce qu’elle désirait. Quand l’écran annonça la fin du diaporama, elle s’empressa de le relancer juste pour le plaisir de le regarder à nouveau. Comment avait-il pu réaliser un tel exploit en si peu de temps ? C’était un artiste tout simplement. Sans savoir vraiment pourquoi, elle voyait ses doigts jouant avec le stylo qui esquissait le dessin. Un frisson l’envahit les imaginant tout à coup sur son corps. Elle fut troublée par cette pensée et aussitôt voulut la refreiner en se concentrant à nouveau sur le document. Lorsqu’elle arriva à la dernière diapositive, elle constata qu’il y avait une dédicace déposée : « avec le concours de Sam au piano ».

Harold prit la parole en premier

– La boite était au courrier ce matin, il m’avait promis que nous l’aurions d’ici la fin de semaine.

– C’est impressionnant, je n’ai pas d’autre mot.

– Nous en avons discuté et il m’a assuré que nous pourrions débuter les travaux d’aménagement fin janvier.

– C’est encore mieux.

Céléna reprit le dossier, page par page et cette fois l’étudia avec une attention toute particulière. Il avait pensé à tout dans les moindres détails, des besoins de la distillerie aux envies des clients. Et des siens, il avait lu en elle comme dans un livre ouvert, comme s’il avait perçu ce qui faisait vibrer son cœur. Et si, ses vœux venaient à être exhaucés, comment pourrait-elle seulement le remercier ? Ce qu’elle apprécia plus que tout, ce furent les croquis de l’entrée, tout en simplicité et avec une classe indéniable. En observant de plus près un détail l’interpella, un petit rien qui pour elle avait tant d’importance et que d’autres ne verraient pas. Ses initiales « CMG » étaient déposées sur les aménagements en bois qui serviraient de support aux créations végétales.

Harold à nouveau l’interpella :

– Tout me semble correspondre à tes attentes ?

– Bien mieux encore, je n’en reviens pas. C’est un génie.

– Il m’a dit qu’il passerait début décembre, il doit faire une escale à Édimbourg.

– Tu sais précisément quel jour ?

– Le lundi de la semaine prochaine, il me semble et il repartira le lendemain.

Céléna réalisa tout à coup qu’elle ne serait pas là pour le rencontrer. Elle prenait l’avion ce soir pour une semaine en Floride, Eléa et Lucinda ne lui avaient pas laissé le choix. Enfin pourquoi aurait-elle refusé de passer quelques jours sur le sol américain ? Elles lui avaient promis des surprises. Sa valise était déjà prête, elle avait profité de la journée d’hier pour faire du shopping avec sa mère. Enfin là, elle réalisa qu’elle ne rentrerait que le mardi en fin de soirée de son voyage des Etats-Unis. Une fois de plus, son père devrait prendre les choses en main. Peut-être qu’elle pourrait envisager de rentrer la veille, après tout, ses cousines comprendraient. À nouveau, pourquoi ressentait-elle le besoin de le voir ? Une petite voix au fond d’elle la poussait vers lui. Elle prit son portable, hésita puis finalement le reposa. Ce serait pour une autre fois.