Nouvelle
Massif, inerte, impassible, … marmoréen, minéral.
Tels sont les adjectifs dont m'affublent ceux qui me croisent et m'ignorent superbement.
De temps en temps, d'ailleurs, je me manifeste à leur attention en les égratignant ou en provoquant des ratés dans leur marche. C'est ma vengeance, c'est ma manière à moi d'exister.
On ne peut vouloir rester passif ! Je suis, pour eux, une chose qu'ils foulent, dédaignent, qui les encombre, souvent un obstacle matériel à leurs projets. Ils n'ont de considération pour moi que quand je peux être de quelque utilité.
Ce mépris avec lequel ils me traitent ! Leur suffisance, due à leur mobilité ! Dans leur système de classification du vivant je n'existe, que comme un « étant », un élément, le moins labile, le moins fluide des quatres.
Un jour, un des leurs, parmi les moins âgés, eut l'attention attirée par la rotondité d'un caillou. A l'imitation des adultes jetant sur les bêtes des tiges de bois, il lança ce caillou sur le sol.
Et là, il vit notre puissance. Une étincelle jaillit !
J'ignore ce qui se passa ensuite, mais j'observai qu'ils se mirent à récolter des silex. A les entrechoquer avec force. Était-ce la volonté de domination, la colère face à notre passivité, leur désir de montrer leur puissance ? Toujours est-il que les cailloux cédèrent et se brisèrent : l'homme plus fort que la pierre ! Mais pas sans une de nos petites vengeances, sous forme de coupures.
Dès ce moment ils eurent, à notre égard, une certain considération relative à l'usage qu'ils pouvaient faire de nous. Nous les aidâmes à maîtriser le monde ! Ils nous embauchèrent aussi dans leurs projets, tous plus grandioses l'un que l'autre. Nous devînmes les partenaires obligés de leurs créations.
D'obstacle sur leur route nous fûmes l'assistant de leurs chef-d'oeuvres.
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