Chapitre 5

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La journée s'écoulait rapidement, et je constatais avec satisfaction que Victoria ne faisait pas surface, ce qui n'était pas pour me déplaire.

— Monsieur Castez, votre rendez-vous de quinze heures est arrivé, m'informa ma secrétaire.

— Faites-le entrer.

— Tu pourrais lui dire merci, ça ne te tuerait pas.

— Victoria, je pensais que tu étais partie.

— Je ne te ferai pas ce plaisir. Je faisais le tour des différents employés pour découvrir la mission de chacun. Mais, ils n’avaient pas l’air de m’apprécier beaucoup. Ta secrétaire m’a informé de ce rendez-vous, et je tenais à être présente.

J'allais répliquer, mais monsieur Costa entra.

— Bonjour, je vois que nous avons une invitée avec nous.

— Bonjour, je suis Victoria Chan, la nouvelle collaboratrice de Thomas. J'espère que ma présence ne vous dérange pas.

— Aucunement, plus on est de fous, plus on rit.

— Et si nous commencions ? Je suppose que vous aviez un emploi du temps chargé, intervinrent-je, crispé de cette situation.

Pourquoi Victoria parvenait-elle toujours à attirer la sympathie de tout le monde ?

— Oui, ce n’est pas faux. Nous souhaitions augmenter le nombre de places, auriez-vous un endroit plus grand pour la représentation ?

— Il va être compliqué de trouver plus grand à seulement deux semaines du spectacle. Rien que pour votre salle, on avait dû la réserver six mois avant.

— Je sais bien, mais si je traite avec vous, c’est pour la qualité de vos services. J’attend donc que vous trouviez une solution.

Son air hautain et sa façon de me parler commençaient sérieusement à m’insupporter. Pour qui se prenait-il ? J'étais Thomas Castez, le leader dans ce domaine. Il nous avait commandé une représentation, et nous lui offrions un spectacle.

— Écoutez si…

Alors que je m’apprêtais à le remettre à sa place, Victoria, si discrète jusqu'à présent, intervint à ma plus grande surprise.

— Et si nous le faisions dehors ?

— Arrête, tu ne connais même pas le sujet.

— Représentation artistique des différents arts que l’on pouvait trouver durant le Moyen-Âge, qui aura lieu le 29 avril. Demandée par monsieur Costa, dans le but d’une inauguration sur l’acquisition d’un château. Je sais ce que je dis.

Alors là, je ne m'attendais pas à ce qu'elle ait déjà examiné tous les dossiers. Peut-être devrais-je faire de même avec son conglomérat, je ne voudrais pas paraître ridicule.

— Je disais donc, votre terrain s'étendait sur plusieurs hectares, offrant suffisamment d'espace pour organiser la représentation en plein air.

— C’était une excellente idée, s’enthousiasma monsieur Costa.

Son idée était intéressante, mais elle ne prenait pas en compte tous les imprévus qu’il pouvait y avoir. On ne pouvait pas attirer le meilleur aussi simplement.

— On ne peut pas le faire directement en plein air. Il y a un risque de pluie, qui plus est, nous serons au mois d’avril, les températures, surtout en fin de soirée, seront basses. En revanche, on pourrait mettre des tentes chauffées, ainsi qu’une tente, de la taille que vous souhaitez, en fonction du nombre de places, pour le spectacle. Différentes tentes peuvent être dispersées tout autour pour proposer différents services tels que la restauration.

Nous continuâmes de discuter des différentes modalités, et lorsque nous eûmes toutes les informations nécessaires, je me remis au travail afin de réserver tout ce qu’il fallait. En espérant qu’il ne changeât pas d’avis encore une fois. En six mois, il m’avait fait tout changer au moins quatre fois.

— Tu pourrais me remercier.

— De quoi, Victoria ? D’être intervenue dans une réunion pour laquelle, bien que tu aies lu le dossier, n'étais pas préparée ? Ne recommence plus jamais, est-ce clair ? Ton idée avait du potentiel, mais tu n’as pas considéré tous les aspects.

— Victoria ne répondit rien et baissa la tête. Elle finit par s’excuser et quitta le bureau.

Je terminai tranquillement ce que j’avais commencé, sans me préoccuper de ce qu’elle pouvait faire. Elle pouvait être énervante à se croire parfaite, mais elle ne savait rien, surtout dans ce milieu. Malgré tout, j’eus un léger pincement au cœur, je me demandai à quoi cela pouvait être dû.

Ce n’était que lorsque la pénombre remplit mon bureau que je me rendis compte que je devrais rentrer. C’était le côté négatif lorsqu’on était à la tête d’un grand empire, on ne pouvait pas faire comme ces ouvriers et avoir des journées de huit heures. Ici, on vivait, respirait, dormait et travaillait sans relâche. Le chemin vers la richesse exigeait un dévouement total.

Avant de rentrer, je passai tout de même aux centres commerciaux m’acheter une cafetière, j’avais aperçu un tout nouveau modèle dans une publicité. J’achetai aussi de quoi me venger du café brûlant et de quoi dîner. Il était presque vingt heures et je commençais à avoir faim.

L’odeur de ma délicieuse pizza embaumait l’habitacle de ma voiture et faisait retentir les gargouillements de mon estomac.

La voiture de Victoria était déjà garée, je me demandai quand elle était partie de l’entreprise. J’avais complètement oublié son existence.

Sans grande surprise, j'aperçus Victoria sur la terrasse. Je l’ignorai et me concentrai sur ma part de pizza tout en installant ma nouvelle cafetière dernière génération. Bien que j'aurais aimé l’essayais, je savais que si j'en buvais maintenant, je risquais de ne pas dormir de la nuit. Pour préserver ma beauté, une nuit complète était essentielle. Avec le manque de sommeil de la veille, je devais le rattraper ce soir, donc il était hors de question de la tester. Je me contentai de la regarder avec un brin de tristesse, imaginant le délicieux goût qu'elle pourrait produire.

Je partis dans la salle de bain et attrapai le gel douche de Victoria. J’attrapai le colorant que j’avais acheté et le vidai dans le flacon. Demain, après sa douche, ma chère Victoria serait toute bleue. J’avais déjà hâte de voir ça. Mais, j’avais surtout hâte de voir comment elle le cacherait pour venir travailler. Je partis rapidement dans la mienne avant qu’elle ne se doutât de quelque chose et en profitai pour me brosser les dents et me laver le visage.

La fatigue se fit sentir, je n’avais dormi que trois heures la nuit dernière. Je partis malgré tout dire bonne nuit à Victoria. Celle-ci m’ignora complètement. Elle n’avait pas dû apprécier que je la remette à sa place. Tant pis pour elle, si elle croyait que ça m’empêcherait de dormir, elle se trompait.

Un hurlement interrompit mon sommeil. Je me levai en sursaut et fonçai en caleçons dans le salon, me demandant ce qu’il se passait. C’est lorsque je vis sortir Victoria furieuse et toute bleue de sa salle de bain que je compris. Elle avait découvert ma petite blague.

J’explosai de rire, je me tenais le ventre tellement je rigolais, et de petites larmes se formèrent au coin de mes yeux.

— Tu te fous de moi, Thomas ? Tu trouves ça drôle ?

— Plutôt oui, réussis-je à articuler entre deux crises de rire.

— Tu as trafiqué mon gel douche ! Je suis toute bleue ! Comment vais-je faire pour aller travailler ? Non mais regarde-moi !

Je la détaillai plus attentivement. Je remarquai enfin qu’elle était en serviette. Ses cheveux goutaient sur le haut de sa poitrine, la serviette couvrant à peine le haut de ses cuisses, me donnant une vue parfaite sur ses jambes. Si on oubliait le fait qu’elle était toute bleue, bordel ce qu’elle était bandante.

Lorsque je relevai les yeux vers les siens, je remarquai qu’elle aussi me détaillait du regard, ce dernier s’attardant sur mes abdos.

— Écoute Schtroumpfette, je sais que je suis un dieu vivant, mais je ne sors pas avec les filles toutes bleues. Qui plus est, tu devrais te dépêcher, je ne voudrais pas arriver en retard. Regarde le bon côté des choses cette semaine, on travaille dans mon entreprise, tout le monde te jugera encore plus.

— Tu n’es qu’un sombre connard, hurla Victoria en me jetant sa brosse à cheveux dessus.

J’explosai de nouveau de rire devant son air furieux en esquivant l’objet. Je lui fis un clin d’œil la faisant crier de rage et partis dans la cuisine, toujours hilare. Une fois calmé, je finis par me rendre compte que c’était la première fois que j’entendais Victoria être vulgaire. Elle devait vraiment être furieuse.

J’essayai enfin mon nouveau bijou et goûtais à ce délicieux café. Aucun doute, cette machine était une merveille. Après une bonne tasse, j’étais d’attaque à tout affronter. Sans compter ce début de matinée agréable, je sentais que je passerais une merveilleuse journée.

— Tu n’as pas acheté une nouvelle cafetière quand même ?

— Si Schtroumpfette.

— Tu sais que je déteste cette odeur, je te l’ai dit.

— Je m’en moque royalement, je ne peux rien faire tant que je n’ai pas eu mon café du matin. Si tu n’es pas contente, retourne dans ton village, tu as la taille et maintenant la couleur.

— Je te déteste. Je te déteste profondément. Noie-toi dans ton café.

— Ne dis pas ce genre de choses, je sais que tu me regretteras.

— Même pas en rêve.

— Que comptes-tu faire ? Tu es toujours toute bleue.

— Sans blague ? Alors là, merci de me le dire, ironisai-je.

Je finis mon café et partis me doucher en faisant attention à quel gel douche je prenais. On ne sait jamais, Victoria aurait pu enfreindre les règles pour se venger. Il serait dommage que je finisse bleu aussi. Même si je suis sûr que je resterais magnifique. Je me rasai rapidement et je fus enfin prêt.

— Tu comptes venir ? Demandai-je à Victoria lorsque je l’aperçus mettre ses chaussures.

— Bien sûr que oui. Mais, je t’assure que je me vengerai.

— Ça m’étonnerait fortement.

— On fait le trajet ensemble ?

— Tu es folle ? Je ne veux pas qu’on m’associe à toi.

Victoria et moi arrivâmes simultanément. Lorsqu’elle descendit de la voiture, tous les regards se braquèrent sur elle, de nombreux murmures et rires se firent entendre sur son chemin. Je ne pus m’empêcher d’être encore plus fier de moi. Tout le monde devait la prendre pour une folle. Si avec ça elle n’abandonnait pas, c’était qu’elle était plus coriace que je ne le pensais.

Je me dirigeai vers mon bureau, ma bonne humeur grandissante. Ma secrétaire se leva en me voyant et me tendit un café.

— Merci beaucoup.

— Euh, il n’y a pas de quoi monsieur.

J’étais tout aussi surpris qu’elle, je n’avais pas pour habitude de la remercier. J’estimais que c’était son travail, personne ne me remerciait lorsque je faisais correctement le mien, pourquoi je devrais le faire pour les autres ?

Je fis comme si de rien n’était et repris mon chemin.

J'espérais passer une bonne journée, surtout avec mon début de matinée, cependant c'était sans compter sur l'appel de mon directeur, chargé de gérer nos énergies renouvelables. Je précisai bien "charger" car ce crétin venait peut-être de nous faire perdre un contrat de plusieurs dizaines de milliers d'euros. En effet, il avait omis de signaler qu'une ligne entière de panneaux solaires était hors service et avait promis au client que sa commande serait honorée. Malheureusement, elle était bien trop volumineuse et nous ne pouvions pas la fournir entièrement. Le client menaçait donc d'annuler sa commande.

J'appelai Victoria, pensant qu'elle voudrait sûrement venir, mais elle ne répondit pas. Tant pis pour elle, je laissai un message à ma secrétaire pour elle avant de partir.

Le directeur m'attendait devant l'entrée du bâtiment et me fit un récapitulatif de la situation. Une situation qui aurait pu être évitée s'il avait fait preuve d'un minimum d'intelligence.

— Si j'étais vous, je prierais, car si je n'arrive pas à régler ce problème et à récupérer le contrat, vous êtes viré.

Après deux heures de négociation, je parvins finalement à le convaincre de ne pas changer de fournisseur en acceptant une réduction de cinquante pour cent. Je soupirai, soulagé, il restait l'un de nos plus grands clients.

Je rejoignis le directeur devant la porte d’entrée et l’informai de la situation.

— Je suis de bonne humeur, donc, pour aujourd’hui, je tolérai votre manque de capacité, mais refaites moi un coup comme ça et vous pouvez dire adieu à votre carrière.

Je partis sans lui laisser le temps de répondre. J’appelai ma secrétaire pour savoir où était Victoria, car je n’avais pas de nouvelle d’elle malgré le message sur son répondeur, mais elle non plus ne l’avait pas croisée.

J’arrivai chez moi, en espérant qu’elle n’y soit pas. Cela voudrait dire qu’elle avait craqué et était repartie chez elle.

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