Défi 22 : "Addiction & Echappatoire"
Je n’ai que très peu de souvenirs avec mon père.
En y réfléchissant, comme de mon enfance entière.
Déjà quand j’étais petite, je vivais avec son absence,
Et je me suis finalement habituée à cette carence.
Parcourant les routes pendant des jours et des mois,
Il ne rentrait que les weekends quelques fois.
Et c’est à la naissance de mon petit frère,
Qu’il décida de changer de carrière.
Mais finalement, même si son corps était auprès de nous,
Son esprit était torturé et s’échappé tous les jours.
Mon père est ce que l’on appelle un malade, un addict,
Un dépendant, un alcoolique d'après le verdict.
J’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence avec cet homme tourmenté,
Froid, fermé, distant, rouge et sentant mauvais.
Il ne savait qu'ignorer, crier et frapper,
Pas une caresse, pas un mot tendre, pas un sourire, pas un baiser.
Pour le voir être heureux, il avait besoin de cette bouteille de délice,
Il ne fallait pas le déranger, il devait avoir sa télé, son plateau de charcuterie et son calice.
Du silence dans la maison, ne rien lui demander, surtout ne pas être dans ses pattes.
Pendant qu'il dormait, pas d'amis, pas de bruit, le laisser faire sa vie d'automate.
L’année de mes quinze ans, il ne me souhaita pas mon anniversaire,
Ma mère essaya de le défendre, pauvre valétudinaire.
Ce fut pareil pour celle de mes seize ans, toujours trop ivre pour le faire,
C'est là que j'ai décidé que je n'allais pas continuer à supporter ce calvaire.
Notre relation est devenue invivable, conflictuelle,
Dès que je le pouvais, je l'attaquais pour le faire réagir, sans prendre de pincettes éventuelles,
Je jetais ses bouteilles, je les cachais, je les volais,
A mon jeune âge, je n'avais trouvé que ce moyen de le faire bouger.
Mais ça n'avait fait qu'envenimer les choses,
Je n'avais pas la bonne attitude face à sa névrose.
Et pour mes dix-sept ans, j’ai décidé de partir de la maison,
Ce fut un déchirement pour ma mère et mon petit frère, mon cocon.
Mais je ne supportais plus de voir cette loque sur le canapé,
Ses yeux rouges exorbités de sang et de sentir son haleine vinassée.
J'ai culpabilisé d'abandonner le reste de la famille,
Mais il fallait que je m'éloigne avant que je ne vacille.
Maintenant que je suis infirmière, je vois cette maladie sous un autre œil.
Même si je n’oublie pas ces années d’absence, de souffrance, j'en ai fais le deuil.
Je me dis qu’il a besoin d’être accro à quelque chose.
Si ce n’était pas l’alcool, ça serait n’importe quelle drogue ... ou plus grave, une cirrhose.
Il a manqué d'attention, d'amour ou d'autre chose dans son enfance,
Et il a besoin de se raccrocher à une aide, une assistance.
De se remplir, de se réparer, pour compenser.
Pour réussir à vivre au quotidien avec ces bagages un peu trop lourds et déformés.
Et parfois, je me surprends à être pareil :
J'ai manqué de son amour et j’essaie de me remplir avec des achats compulsionnels.
Mais j’essaie de travailler sur moi et mes excès,
Mes secrets, mes regrets, mon besoin d'être sans cesse rassurer.
J’ai arrêté de boire de l’alcool, au début clamant que c’était par dégoût,
Aujourd’hui me rendant compte que je ne supporte pas de perdre le contrôle comme il a pu le perdre avec nous.
Car c’est aussi ça qu’il recherche, une évasion, un échappatoire.
Moi j’ai trouvé le mien, c’est l’écriture, mon exutoire.
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