Sam

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On l'appelait Sam, le pote que l'on cherche tout le temps, celui qu'on ne regarde pas. Celui qui nous fait rire pour tout ce qu'il n'est pas. Tu te rappelles de lui ? Peut-être ou peut-être pas.

C'était Sam, le gars qu'on t'avait présenté une soirée, qui t'avait regardée et qui t'avait souri. Tu te souviens pas pourquoi, mais toi aussi, t'avais été obligée de lui esquisser un sourire et ça ne te ressemblait pas.

C'était Sam, le gars qui t'avait invitée à boire un café, un soir où tu étais pressée de te rendre à un rendez-vous qui n'existait pas.

T'avais bu deux ou trois chocolats pendant qu'il sifflait ses bières et te causait de toi.

C'était Sam et tu n'y coupais pas. T'avais le regard fuyant. L'imaginer tout près, te prendre dans ses bras, c'était ridicule et tu ne l'osais pas.

Sam, une espèce de fantôme, l'humeur d'un homme que l'on ne saisit pas. Il te laissait partir comme tu voulais et revenir mais à chaque fois, il était sur le quai pour prendre les paquets ou t'accompagner là-bas.

C'est bizarre, tout ce que l'histoire oublie, cette mémoire des autres qu'on pense si importante et finalement ne l'est pas. On se balance des conneries, on se lance des défis, on se fait des promesses de l'instant auxquelles on croit. Et en définitive, il ne reste pas grand chose, que des photos ratées et le souvenir des ecchymoses.

Sam, c'était le mec à qui l'on promet qu'à trente ans, si l'on n'a rien résolu, si l'on n'a ni copain, ni chien, ce sera lui.

Sam, c'est le mec à qui on dit « ouais » parce que on peut pas dire « oui ». Sam, ça sera le père des enfants qu'il n'a pas, le père, le frère, l'amant de celles qui n'en ont pas. Sam n'est rien, qu'une ombre qui se vide à chacun de ses pas.

Sam, tu sais tout de lui même si lui n'en sait rien. C'est comme un paquet kleenex qu'on oublie au fond de son sac, tant qu'il est pas temps de le tenir entre ses doigts.

Mais Sam, il est comme tout le monde. Il t'aime mais il ne te désire pas. Il comble la musique que tu ne lui joues pas.

On l'appelait Sam comme on l'aurait appelé John. Le nom importe peu dans ce genre de cas.

Et à l'aube de tes trente ans, tu l'as appelé Sam.

Il n'était plus là.

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