CHAPITRE 3

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« C'est si secret que ça pour que tu ranges brusquement ton carnet ? Tenta de plaisanter Leah.

– Et alors ? En quoi ça te regarde ? Tu es de la CIA ? lui répondit sarcastiquement Raphaël.

– Non mais...

– Fin de la discussion, coupa sèchement le jeune homme. Laisse-moi tranquille, j'ai l'impression d'être tout le temps suivi avec toi.

Leah n'eut pas le temps de répliquer qu'il était déjà parti. La scène n'a duré que quelques secondes mais c'était comme si elle avait duré une éternité.

La jeune fille resta hébétée quelques instants puis rentra chez elle. Une fois arrivée dans l'appartement, elle appela sa mère. N'obtenant aucune réponse, elle en déduisit qu'elle devait se trouver au bureau et qu'elle allait passer de nouveau une soirée en tête à tête avec elle-même. Elle soupira avant de se diriger vers la salle de bain pour prendre sa douche. Une fois arrivée dedans, elle alluma la lumière et regarda son reflet dans le miroir. Sa propre image l'effrayait. Les boucles de ses cheveux châtains étaient tellement emmêlées qu'elle dû forcer avec son peigne pour les démêler. Elle avait le teint cadavérique si bien qu'elle se demandait si un vampire n'avait pas pris possession de son corps.

Leah ne ressemblait en rien à ses parents. Sa mère avait quelques rondeurs, qu'elle essayait de camoufler avec des vêtements bien trop larges pour elle. Elle dépensait tout son argent en soins pour les cheveux et en cosmétiques. Leah était à son opposé. Chaque matin, avant de partir au lycée, elle vérifiait simplement si ses cheveux étaient en place et passait un simple coup de mascara sur ses yeux verts puis elle était prête à partir. Quant à son père, il était assez grand alors que la jeune fille était de petite taille. Elle avait peu de nouvelles de ce dernier. Ses parents ont divorcé lorsqu'elle avait seulement huit ans. Son père est parti vivre sa carrière d'avocat dans le sud du pays avec sa nouvelle femme, également avocate. Leah n'a jamais eu l'occasion de la rencontrer et elle ne s'en portait pas si mal. Elle n'arrivait toujours pas à pardonner son père d'avoir quitté le domicile familial du jour au lendemain laissant Leah et sa mère. La jeune fille est par ailleurs persuadée que si sa mère s'acharnait autant au travail, c'était bien pour oublier ce passé qui continuait de la hanter. Elle semblait se prouver à elle-même qu'elle pouvait très bien se relever après cette épreuve.

L'eau chaude coula le long du corps frêle de la jeune fille et s'infiltra dans ses cheveux. Leah ferma les yeux et apprécia cette sensation de bien-être. Elle sortit de la douche une dizaine de minutes plus tard et enfila son pyjama. Elle s'écroula sur le canapé du salon et alluma la télévision. Alors qu'elle zappait de chaînes, son téléphone portable se mit à vibrer. Elle avait reçu un message d'Emma. Elle sourit à la vue de ce dernier. Son amie expliquait qu'elle était en train de pourchasser son petit frère qui ne voulait pas faire ses devoirs.

Leah regarda l'heure et se leva pour aller se faire à manger. Elle sortit un bout de pizza entamée dans le frigo et le fit réchauffer au micro-onde.  En mangeant son repas au bord de la fenêtre, elle observait le calme de la nuit. Le ciel avait retiré son manteau nuageux pour dévoiler ses étoiles. La clairière qui faisait face à son immeuble l'avait toujours impressionnée. Lorsqu'il faisait nuit et que l'obscurité avançait petit à petit, ce bois se transformait en forêt effrayante.

Une heure plus tard, épuisée par sa journée, elle s'endormit d'une traite.

Le lendemain, elle fut réveillée par sa mère qui faisait un vacarme pas possible. Elle ouvrit un œil. 7h40. Elle n'avait plus que vingt minutes pour se préparer ! Elle attrapa des vêtements au hasard puis se précipita dans la cuisine pour prendre une pomme et fit un au revoir rapide à sa mère qui eut à peine le temps de la remarquer, concentrée sur son appel téléphonique.

Ratant le bus de quelques minutes, elle enfourcha son vélo et pédala aussi vite qu'elle pouvait. Le vent s'engouffrait dans ses cheveux et lui fouettait le visage.

Dix minutes plus tard, elle arriva au lycée. Elle déposa à la va-vite son vélo puis courut dans les couloirs pour arriver à sa classe. Le cours avait déjà commencé. Une fois arrivée devant la porte, elle frappa timidement qui fut accueilli par un "ENTREZ" tonitruant. Pas de doute, c'était bien la prof d'Anglais, que Leah surnommait le dragon. Les élèves allaient à son cours, la peur au ventre. La jeune fille ouvrit la porte et une vingtaine de paires d'yeux se fixa sur elle. Elle voulut à ce moment-là disparaître. Elle avança jusqu'à sa chaise et son regard croisa celui de Raphaël. Ce dernier baissa ensuite le regard en secouant la tête avec un petit sourire en coin. Leah serra le poing. Il était clairement en train de se moquer d'elle. Le cours reprit. La prof parlait de l'art anglo-saxon ce qui intéressait pour une fois Leah. À la fin du cours, au moment où la sonnerie retentit, la prof tapa dans ses mains pour demander le silence.

– Je n'ai pas eu le temps de vous demander si vous aviez pu constituer vos groupes pour l'exposé. Pouvez-vous me les donner ?

Leah mit sa main devant la bouche. Elle avait complètement oublié cette histoire d'exposé. Elle chercha du regard Rachel mais cette dernière avait déjà constitué un groupe avec sa voisine de table. "Traîtresse" pensa-t-elle.

Alors qu'elle cherchait un partenaire, quelqu'un chuchota à son oreille :

– Visiblement, personne ne veut ni du nouveau ni de la fille rejetée.

Raphaël se tenait devant Leah, les bras croisés et toujours son sourire en coin. Leah jura un jour qu'elle lui ferait manger.

– Je ne suis pas rejetée de la classe, il n'y a simplement plus de groupes disponibles, répondit-elle sèchement.

– Si tu veux te persuader de cela...

Leur conversation fut interrompue par la prof.

– Leah et Raphaël, vous travaillerez sur l'artiste William Turner.

Sans leur laisser le temps de protester, la prof repartit à son bureau.

Les épaules de Leah s'affaissèrent. Comment avait-elle pu se retrouver à faire cet exposé avec son voisin qui l'horripilait au plus haut point ?

- Ça tombe bien, j'adore ce peintre, s'exclama Raphaël.

Leah le foudroya du regard. Comment pouvait-il se réjouir de cela ?

– Pas moi, répondit-elle sèchement.

Alors que tous les groupes étaient constitués, la prof frappa de nouveau dans ses mains pour attirer l'attention de ses élèves.

– Pour faire vos exposés, nous nous rendrons demain au Musée des Beaux-Arts, cela vous permettra d'étayer votre argumentaire.

Pour annoncer que le cours était terminé, l'enseignante fit un geste de la main en désignant la porte. Toute la fatigue se lisait sur son visage.

Alors que Leah avançait dans le couloir pour se diriger vers la cours du lycée, elle sentit une main se poser dans son dos. La jeune fille fit volte-face et tomba nez à nez sur une Rachel émerveillée.

– Alors qu'est-ce que cela fait de se retrouver avec le nouveau ? S'exclama-t-elle

– Traîtresse ! Lui répondit Leah, le regard plein d'éclairs.

– Je ne suis pas obligée d'être tout le temps collée à toi voyons !

Rachel se plaça à la droite de Leah et lui lança un clin d'œil espiègle.

Les deux adolescentes allèrent s'asseoir sur leur banc préféré et discutaient de leur journée. Le vent estival faisait danser les dernières feuilles encore accrochés aux arbres de la cour de récréation. L'été laissait bel et bien place aux couleurs orangeâtes de l'automne. Tandis que Rachel se plaignait sur un énième problème entre ses parents, Leah observait son étrange voisin. Il avait de nouveau sortit son carnet et écrivait frénétiquement à l'intérieur. Ce cahier intriguait Leah. Que pouvait-il noter de si aussi important pour le cacher ?

La sonnerie de la fin de la récréation la sortit de ses pensées. Rachel et Leah revenaient dans la salle de classe et la journée s'achevait aussi rapidement qu'elle avait commencée.

Le lendemain, la classe arrivait devant le musée en début d'après-midi. Une file d'attente assez conséquente s'était déjà constituée mais la prof d'Anglais avait un pass coupe-file.

– Nous voici arrivés au Musée, annonça la professeure d'Anglais. Mettez-vous par binôme d'exposé pour commencer vos recherches, poursuivi-t-elle. Les élèves se répartirent et commencèrent leurs recherches. Leah et Raphaël déambulèrent dans les différentes salles du Musée représentant les divers styles d'art. Leah remarqua une statue d'ange qui semblait la fixer. Elle poursuivit son chemin. Le Musée était assez bondé, plusieurs groupes de touristes suivaient des guides conférenciers. Tandis que certains visiteurs étaient absorbés dans leur visite, d'autres étaient beaucoup plus distraits, avaient le nez plongé dans leur téléphone portable ou parlaient de manière assez forte.

– Tu sais où tu vas au moins ? Demanda Leah à Raphaël qui avançait d'un pas rapide en se faufilant à travers la foule.

– Bah oui, pourquoi perdre du temps dans ces salles, on recherche la période du XIXème siècle. Tu n'as même pas fait l'effort de te renseigner un minimum sur le peintre ? Répondit le jeune homme, d'un air las.

Leah préférait ne pas relever, elle était partisante de la philosophie du "l'ignorance est le meilleur des mépris". C'était sa meilleure arme lorsqu'elle n'arrivait pas à contrer son interlocuteur. 

Quelques minutes et une cinquantaine de coups de coudes plus tard, le binôme arriva dans la salle qu'ils recherchaient. Plusieurs peintures de différents artistes étaient exposées, cela allait de Van Gogh à Manet en passant par Degas. Leah fit le tour de la salle et s'arrêta devant un tableau. Elle lut le descriptif s'y rapportant : "Le Naufrage". L'œuvre correspondait bien à Turner, cet artiste semblait passionné par le thème de la mer. Les couleurs sombres de la peinture reflétaient bien cette ambiance chaotique qui régnait sur cette scène. Turner avait réussi à peindre avec un réalisme troublant la panique sur les visages des naufragés. La hauteur des vagues dissipait tout doute sur le devenir de ces personnes. Elles allaient bientôt rejoindre les bas fonds des mers. Leah réprima un frisson à cette idée. 

- Cette peinture montre à quel point, nous les humains, ne sommes rien face aux éléments, dit Raphaël d'une voix basse.

Le jeune homme fixait la toile, son regard était vide. 

- Nous avons quand même réussi à dompter la Nature plus d'une fois, répondit Leah.

Raphaël dévia son regard pour s'ancrer dans celui de Leah. Une lueur indescriptible apparut dans ses yeux gris. 

- Mais elle a toujours réussi à se venger, un simple tsunami et hop, une ville est rayée de la carte.

- Tu arrives à bien gâcher l'ambiance dis donc, tenta de plaisanter Leah, gênée par la tournure de la conversation.

- Pourquoi te crispes-tu ? Un jour, les humains disparaîtront et la Terre ne s'en portera pas si mal.

Les deux adolescents se regardèrent puis se replongèrent dans la description du tableau ainsi que sur la biographie du peintre. Leah griffonnait quelques notes sur son cahier de cours.

Voyant Raphaël s'éloigner, la jeune fille l'interpella pour lui demander de l'attendre. Bon sang qu'il marchait vite ! Il avait des échasses à la place des jambes !

En voulant poursuivre son binôme, elle trébucha dans l'escalier et ses affaires dévalèrent les marches. Les personnes autour de Leah la dévisagèrent à cause du vacarme qu'elle avait causé. Rouge de honte, elle mit du temps à se relever.

– Tu n'es même pas capable de regarder devant toi, pouffa Raphaël.

Alors que Leah rassemblait ses affaires tombées dans l'escalier, le jeune homme blêmit et s'immobilisa.

L'adolescente le regarda et explosa de rire.

– Tu sais, les fantômes n'existent pas.

Sans répondre, Raphaël se rapprocha de Leah pour n'être plus qu'à quelques centimètres d'elle. Surprise par cette soudaine proximité, elle fit un pas en arrière.

– Où as-tu eu ce collier ? Demanda-t-il en pointant le cou de la jeune fille.

Désarçonnée par cette question, elle mit quelques secondes avant de répondre.

– Je ne sais pas, je l'ai depuis ma naissance, c'est un cadeau de mes parents.

Raphaël pris entre ses doigts le collier. C'était une pointe de cristal verte claire. Elle scintillait sous la lumière.

– Je peux voir le fermoir ?

– Il n'y en a pas.

Raphaël fronça les sourcils puis fut pris d'un tremblement. Sans dire un mot, il sortit de la salle. Abasourdie, Leah voulut le rattraper mais se cogna contre une fille de sa classe qui était venue les chercher pour leur signifier que la visite était terminée. Toutes deux partirent rejoindre le reste du groupe à l'entrée du Musée. Aucune trace de Raphaël. Leah interrogea sa prof. Cette dernière lui répondit que le jeune homme avait une urgence familiale.  

Durant le trajet de retour, Leah se remémorait la scène au Musée. Pourquoi Raphaël était-il parti à la simple vue d'un collier ? La jeune fille pris la pointe de cristal entre ses doigts. Y avait-il quelque chose qu'elle ignorait ?

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