L'amour, la mort (Dan Simmons)

3 minutes de lecture

(Pocket, 1993, 505 pages)

J’adore Dan Simmons : il figure dans mon top 10 d’auteurs favoris. Et puis ce thème, ces nouvelles qui tournent autour d’Éros et de Thanatos ! Du sexe et du macabre, vous allez en avoir dans ce recueil de nouvelles, soyez prévenus.

Toutes les nouvelles n’ont pas eu la même résonance pour moi. Mais elles sont toutes extrêmement intéressantes. Là où Simmons est à son top, selon moi, c’est :

1) quand il intègre du surnaturel

2) quand il parle de survie

3) quand il décrit une guerre

Et, surprise, les trois meilleures nouvelles du recueil s’inscrivent dans ces thèmes.


Les nouvelles :


Le lit de l’entropie à minuit

Si vous êtes angoissé et que, comme moi, vous pensez que le pire doit toujours arriver, alors, sautez cette nouvelle. Elle vous donnera des sueurs froides. On suit ici les réflexions d’un ancien courtier en assurances qui s’apprête à faire un tour de luge d’été avec sa fille de six ans. Accidents de voiture et coups de malchance à la limite du comique se mêlent aux réminiscences d’une douloureuse tragédie familiale, tout en jouant avec les nerfs du lecteur qui comprend, lentement mais sûrement, dans quelle nouvelle catastrophe l’auteur risque de les embarquer.

Mourir à Bangkok

Dan Simmons a le chic pour décourager les voyageurs. Il nous avait déjà donné une peinture de l’Inde particulièrement noire (Le Chant de Kali), et vaccinés pour toujours de l’idée de partir en vacances en Roumanie (Les Fils des Ténèbres). Voilà maintenant qu’il s’attaque au tourisme sexuel en Thaïlande, en faisant planer la menace d’un nouveau type de vampire (à mi-chemin entre la Dakini acolyte de Kali et les Roumains suceurs de sang en bande organisée de ces précédents romans). Mince alors, où allons-nous pouvoir partir en vacances, je vous le demande !

Coucher avec des femmes dentues

Le mythe de la vagina dentata, qui en mêlant la crainte de la castration au sexe incarne les pires cauchemars des détenteurs de pénis, figure dans de nombreuses légendes folkloriques. Ici, un jeune Sioux libidineux et bon à rien, forcé par sa communauté à se positionner sur son avenir, part seul en quête initiatique. Il reviendra sous la forme d’un chamane clairvoyant ou ne reviendra pas. Mais gare aux mauvaises rencontres… J’ai beaucoup aimé cette nouvelle qui prend place chez les Sioux du 19° siècle, et donne – volontairement – d’eux une image à contrepied de Danse avec les loups (que l’auteur, par la bouche de son narrateur, fustige). Comme d’habitude chez Simmons, c’est cruel, sanglant, mais aussi, plein de vie et d’érotisme.

Flash-back

L’unique nouvelle SF du recueil est celle que j’ai le moins aimée, car elle met un peu de temps à démarrer. L’idée d’une substance chimique qui permet de revivre ses meilleurs moments en mode jeu-vidéo et fait s’effondrer la société en transformant les humains en zombies – hormis un criminel n’ayant que de mauvais souvenirs - est pourtant intéressante. L’histoire s’articule autour d’une famille dysfonctionnelle dans une Amérique déclassée et obligée de fournir l’Asie et l’Europe en soldats. Outre la critique de certains choix politiques états-uniens, elle propose une réflexion sur la mémoire et sa fiabilité. Comme toujours, les questions et les enjeux soulevés par l’auteur à partir d’une toute petite variable – que se passerait-il si une drogue permettant de revivre sa vie existait ? - sont vertigineux. Et souvent horribles !

Le Grand Amant

Un soldat anglais, qui, par un concours de circonstances inouï (et une grande malchance), se retrouve plusieurs fois en première ligne sur le front et en sort à chaque fois blessé pour mieux y revenir, entame un flirt dangereux avec une mystérieuse « dame » apparue de nulle part… Magistrale peinture de l’horreur des tranchées de 14-18, cette nouvelle m’a hanté pendant des jours, bien après la fin de la lecture !

Bilan

Ce recueil était encore un excellent Dan Simmons. L’auteur y exprime une fois de plus sa vision de l’existence plutôt nihiliste et pessimiste (rien ne fait sens, tout est hasard), mais, également, cette idée que la vie est une force qui nous dépasse, et ne fait que transiter – momentanément – par nos corps. Le tout, associé à une plume solide et une narration efficace, confère à ses histoires ce « sense of wonder » si apprécié des lecteurs de SF. Je recommande chaudement !

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