I. 3 - Pas seule

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Une fois le campement monté, Antorn Chafferly, commandant, avait donné ses ordres à ses hommes. Il ordonna à quelques-uns de fouiller la cité pour y trouver du matériel, des informations… tout ce dont ils pourraient avoir besoin. Mis à part les plus grandes hordes, il était rare que celles-ci vivent pleinement des récompenses de contrat. Le plus gros du butin se trouvait dans les expéditions. Les hordes étaient les seuls à se lancer hors des routes principales de commerce, les seuls endroits, hors villes et villages, qui étaient sécurisés. Le monde était vaste, mais d’un danger extrême. Le principal danger se trouvait dans les nombreuses créatures qui peuplaient la quasi-totalité des terres. Géant scorpion cracheur de feu, singes agressifs aux multiples bras, tarentule plus grosse qu’une maison… les humanoïdes n’étaient pas en haut de la chaîne alimentaire. Pour les humains comme les célestes ou les sous-terriens, vivre en dehors des “Havres sécurisés” se révélait être un mirage. Alors, les hordes rassemblaient les déchus, les aventureux, les fous, les cherche-gloires… et disparaissent souvent dès la première quête.

Trynna n’était pas des aventureux, pas des folles non plus et encore moins une cherche gloire. Peut-être était-elle un peu déchue, mais pouvait elle dire cela si elle n’avait jamais vraiment eu sa chance ? Il y avait cette catégorie, dont la vie n’avait, de toute manière, que la saveur du sang et de l’horreur, à qui donc s’engager dans une horde ne faisait point peur. C’est de ceux-là qu’elle était, fille née dans un bordel de la capitale d’un duché d’Extrême Ouest…

Accompagnée de Gordar et de Fargast ainsi que de cinq bleusailles, l’Ouestrienne se faufilait dans une cavité étroite dans un mur de ce qui paraissait être une ancienne armurerie. L’entrée étant condamnée par un éboulement, sa minceur lui permettait de trouver une autre voie. Un garçon, tout jeune, recruté sur la route, décida de l’accompagner. Le pauvre était si maigrelet que Pat assurait qu’il pouvait faire de la musique en frottant un bout de bois sur ses côtes. Ils comptaient, à eux deux, trouver un autre chemin pour que leur petite escouade puisse pénétrer dans son entièreté dans le bâtiment.

Une fois à l’intérieur, Trynna, lipta bien en main – on ne sait jamais –, décrivait avec ses yeux des allers retours, droite-gauche, pour y déceler le moindre danger. De cela, elle n’en remarqua pas, cependant elle fut tout de suite submergée par d’autres informations. Le bleusaille qui l’accompagnait ne put s’empêcher de pousser une exclamation de surprise. Devant eux se trouvait une pièce magnifiée de mosaïque dorée, du sol au plafond, laissant pendre de grandes statues noires mats, représentant de terrifiantes bêtes, comme comptant les exploits guerriers des anciens locataires. Un grand vautour au triple bec, un rhinocéros à la corne massive et la queue de scorpion… des créatures que même Reynir ou Philae ne devaient pas avoir entendu parler.

" Vous croyez qu’elles sont en quoi ces statues ? "

Demanda le bleu, en ne baissant pas le ton de sa voix, Trynna s’agaça et lui fit comprendre d’un froid zieutage. La composition des lieux, les matériaux et même l’histoire lui importaient peu. Elle n’était pas là pour jouer à l’érudite, mais pour repérer toutes les armes ou armures utilisables, et une entrée pour ceux restés dehors, accessoirement.

" C’est quoi ton nom ?

— Reimben m’dame.

— D’accord Reimben, tu la fermes et tu montes par l’escalier là bas, voir s’il y a une issue. "

D’un hochement de tête, il s’exécuta face aux ordres de son supérieur. Dans une horde, selon le modèle le plus fréquent, popularisé par la Troupe d’Hiver, un commandant gérait trois lieutenants qui, à leur tour, se reposaient sur un certain nombre de sous-lieutenants – auxquels on attribuait une responsabilité fixe –. Quand un bleu, parmi la garnison, se faisait repérer par ses actions ou ses compétences, il était promu caporal. Trynna n’était pas passée par la phase “bleusaille”, entrant chez les Lames quand il n’y avait encore que peu de membres, si bien que les quelques recrues devenaient directement caporales.

L’Ouestrienne s’approcha de quelques ruines, au sol se trouvaient des parchemins, des restants plutôt, dont le contenu était dorénavant indescriptible, même pour quelqu’un qui aurait su lire le Saxate. Elle prit sa besace en main et sortit un petit bout de bois et une ficelle. Trynna ramassa quelques morceaux de parchemins encore en à peu près bon état et fabriqua, rapide et habile, une petite maquette de ce qui ressemblait à un moulin. Elle testa son fonctionnement en soufflant légèrement dessus et les hélices se mirent à tourner, avec une douceur qui… au fond… la réconfortait un peu. Elle se laissa prendre par ce doux spectacle, un court instant. Ses pensées s’éteignirent et laissèrent place à la légère brise tournoyant autour de ce petit modèle brasseur de vent.

De l’étage, juste au-dessus de sa tête, éclata un terrible cri. L’origine de celui-ci n’était pas un mystère pour l’Ouestrienne. Le réflexe, pour se rassurer, aurait été d’entonner le nom du bleu, mais Trynna savait : un cri, un seul, puis plus rien, cela ne pouvait signifier qu’une chose, elle n’était pas seule. Elle dégaina sa lipta et alla se terrer dans un coin sombre.

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