Chapitre 2 : Monstre de foire

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// INFO : La moitié de ce chapitre est un monologue de Louise. Je n'ai pas ajouté des tirets à chaque fois, mais j'ai préféré espacer. Je précise pour éviter les incompréhensions ;) //

*

— De toute ma vie, commença Louise d'une voix appliquée, je n'ai connu que les grilles d'une cage trop petite. Depuis mon plus jeune âge, je voyageais de marchand en marchand. Au début, j'ai vécu dans un orphelinat provisoire. La seule chose qu'il y a de marqué sur mes fiches, c'est un prénom sans nom de famille. Je suppose que je leur faisais peur, et qu'ils m'ont abandonnée. Mais à ce qu'il parait, ma "maladie" est héréditaire, ce qui voudrait dire que ma mère était aussi une... Maledictus.

Notre cirque se nommait Le cirque des horreurs, continua-t-elle. C'était un cirque ambulant, qui bougeait et voyageait sans cesse dans beaucoup de pays. Je n'étais pas la seule "créature", il y avait toutes sortes de monstres, allant de simples lutins à des démons des eaux.

J'étais l'attraction numéro dix-sept, la femme-loup, dite monstre de foire. Cornelus, le directeur, m'avait achetée sur un marché, illégal, je suppose. Je ne devais pas avoir plus de sept ans. Il a marchandé très fort contre d'autres personnes, toutes aussi malhonnêtes que lui. L'une voulait me mettre dans une sorte de zoo, je crois, l'autre dans un cirque également.

Cornelus a gagné. Il m'a attachée avec des chaînes et m'a trainée pendant des jours. Pendant le voyage, il y a eu une nuit de pleine lune. Il m'a attachée solidement à un arbre, ainsi quand je me suis transformée, je ne l'ai pas atteint. Après une semaine de marche, nous sommes enfin arrivés au cirque. A cette époque, ce n'était qu'une vulgaire charrette avec quelques attractions. Les marques des chaines sont restées sur ma peau pendant des mois, ainsi que les brûlures.

Cornelus a monté un spectacle avec une autre jeune fille et moi. C'était une animagus, capable de se changer en lion. Nous devions nous battre jusqu'à ce que l'une meurt. C'était l'attraction "la plus grande de tout le cirque". Nous refusions d'y participer. Elle était extrêmement gentille, c'était la seule personne à m'apprécier. Un soir, nous n'avons pas pu nous révolter et nous avons dû entrer en scène. Cornelus avait choisi un soir de pleine lune. Elle se contrôlait, moi non. Il nous a trainées sur la piste. Elle était paniquée et tremblait.

Mon dernier souvenir est la lumière aveuglante de la lune sur mes yeux. Après c'est le trou noir. Quand je me suis réveillée, c'était déjà trop tard. Elle gisait à côté de moi... sans vie. Ses yeux... Ses yeux étaient en larmes. Figés. C'était mon amie, et je l'avais tuée. En fin de compte, j'étais vraiment un monstre.

Les jours suivants, tout le monde me dévisageait du regard. Je passais mes journées dans la cage avec pour seule nourriture du pain rassis. Je ne savais plus quel jour nous étions, ni même quelle année. J'étais pourtant sûre d'une chose : j'étais une criminelle. Elle était bel et bien morte. Par ma faute. Mon cœur se déchirait un peu plus en y repensant. Nous aurions pu nous enfuir, elle et moi. Et pourtant nous n'en avions pas eu le temps. Ou plutôt pas la force. Je pleurais jour et nuit, ne m'arrêtant que lorsque mes yeux étaient à sec. J'étais une meurtrière, et je le resterais toute ma vie.

Et puis quelques jours plus tard, du moins ce que j'en ai su compter, Cornelus est revenu me voir. Il m'a seulement changée de cage; nous venions d'acheter le grand cirque. De nouvelles attractions s'étaient créées pendant que j'étais enfermée. Il avait monté un nouveau spectacle pour moi, tout simple, où je devais simplement me transformer devant des gens. Si je refusais, il me battait. C'est ce qu'il a fait de nombreuses fois.

Un jour, une aurore est arrivée au cirque. Elle a prétendu être une simple spectatrice, comme vous. Elle a aidé de nombreuses créatures, mais elle ne s'est jamais tournée vers mon cas, trop particulier, disait-elle. Cornelus risquait de fermer, suite à toutes ces disparitions de créatures et surtout, il devenait recherché. Mais pour autant il ne s'était pas résigné, et nous avons quitté la France pour aller en Angleterre. Son cirque était son seul travail, il ne pouvait pas abandonner. Et s'il l'avait fait, aurais-je été libre ? Ou aurais-je encore été à vendre ?

En tout cas, c'est grâce à cela que vous m'avez découverte. Je m'en souviens très bien. C'était un vendredi, un soir de pleine lune, en plus. Le public était nombreux, c'était rare avec les temps qui couraient. Ils criaient et me jetaient des fruits, ou des légumes, je ne sais pas. C'est au milieu de tout ça que je vous ai vu. Vous ne jetiez rien, vous ne riiez pas de la souffrance des autres, vous ne regardiez presque pas le spectacle, d'ailleurs. Vous analysiez. Les hommes, les créatures, mais surtout le directeur. Et puis, après le spectacle, vous êtes venu dans la loge. C'est là que vous m'avez vue. C'est à partir de ce moment là que vous avez tout décidé.

Louise se tut. Elle venait de finir. Elle avait raconté tout ce qu'elle pouvait. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était suffisant. Maintenant, elle se tairait. Elle ne la raconterait plus. Ou peut-être un dernier jour, avant que le destin ne frappe. Oui, à ce moment-là, elle raconterait. Elle se le promit.

Elle essuya les quelques larmes qui avaient coulé involontairement et se leva. Oh non, elle ne venait pas de tout dire, pas du tout. Mais le reste était secret. Même pour lui. La suite, il la connaissait déjà, il y était présent.

  • Merci, murmura-t-il.

Pendant son récit, il avait pris de précieuses notes sur un carnet. Le ministère serait content de lui. Il rentrerait, il rendrait ses notes, et il repartirait surement pour une nouvelle mission. Mais il ne révélerait pas tout sur cette affaire, lui non plus. Il ne parlerait à personne de Louise. Pas même à sa famille. Cela restera entre elle et lui. À jamais.

Ça n'était pas un problème, il n'était pas marié et n'avait pas d'enfants. Il était toujours pris par son travail et voyageait de pays en pays. La mission du cirque ambulant ne lui était pas destinée au départ, il avait même réfléchi avant de l'accepter. Mais en étudiant un peu plus le dossier, il avait fini par céder. Une chance, car sinon la pauvre Louise serait encore derrière ces grilles à l'heure qu'il était.

Mais maintenant, ce n'était plus derrière les grilles qu'elle se trouvait. C'était là, face à la fenêtre blanche de l'hôtel. Face au monde.

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