Chapitre 10 – L’Épreuve de l’Essence (Fragment IV : Le Désir dévorant)
Le silence se fit… mais ce n’était pas la paix.
Azraël se retrouva dans un espace luxuriant, fait de soie, de parfums sucrés, de murmures séduisants. La lumière y était dorée, chaude… étouffante.
Partout, des reflets de lui-même. Des Azraël multiples, riants, acclamés, admirés. Certains portaient des couronnes, d’autres étaient entourés d’êtres qui l’adoraient, le touchaient, le désiraient.
Et au centre de cette illusion mouvante… Désir.
Un double d’Azraël à la beauté surnaturelle. Même chevelure d’argent, mais des yeux fendus, brillants comme des gemmes liquides. Sa voix caressait l’air comme une promesse.
"Tu m’as toujours caché. Mais tu m’as toujours écouté. Je suis ton feu intérieur. L’ambition, la faim, le besoin de briller… et d’être possédé."
Azraël avança, prudemment. Chaque pas le faisait traverser une vision de lui-même triomphant : aimé, vénéré, obéi. Il sentit son cœur s’accélérer.
"Je t’ai protégé du rejet. Je t’ai poussé à séduire, à mentir, à paraître. Tu veux qu’on t’aime. Tu veux qu’on te craigne. Tu veux être plus que ce que tu es."
Il se vit… embrasser, dominer, consumer. Il se vit accepté par tous ceux qui l’avaient autrefois ignoré.
Mais une nausée monta.
Car ce n’était pas lui.
C’était un masque. Un vide doré.
Il recula.
"Je ne suis pas une idole. Je ne suis pas un dieu. Je suis… moi."
Désir sourit, s’approcha.
"Tu mens. Même ici, tu mens. Tu veux qu’on t’admire, même dans ta douleur. Tu es prêt à te sacrifier… mais tu veux qu’on s’en souvienne."
Azraël ferma les yeux. Il sentit… une scène ancienne. Un souvenir oublié.
Il avait dix ans. Il avait sculpté un petit talisman dans l’écorce, pour le déposer anonymement devant la chambre d’une prêtresse blessée. Personne ne l’avait su. Personne ne l’avait remercié.
Mais il avait souri. Parce que ce n’était pas pour être vu.
Il rouvrit les yeux.
"Tu n’es pas un poison. Tu es une faim. Et moi… j’ai appris à avoir faim sans me perdre."
Désir le fixa. Longtemps.
Puis il rit. Lentement. Et ses traits se mirent à fondre. Il devint flamme. Puis lumière. Puis chaleur dans le ventre.
Azraël sentit une pulsation dans sa hanche. Ses muscles se redessinèrent. Son sang reprit son cours.
Et la Trame murmura :
"Un quatrième fragment a été intégré. L’enfant masqué a retrouvé sa vérité."
Note d’auteur – Chapitre 10 : Le Désir dévorant
Merci d’être arrivé jusqu’ici. Ce dixième chapitre marque une étape charnière dans le voyage d’Azraël — non plus une confrontation avec le monde extérieur, mais avec un adversaire bien plus intime : son propre reflet.
Le Désir est ici personnifié comme une force douce, presque amoureuse, mais profondément dévorante. Il incarne cette soif de reconnaissance, d’amour, de domination qui sommeille en chacun de nous. Ce n’est pas un démon, c’est une part de soi — familière, séduisante… et dangereusement persuasive.
Mon intention avec ce fragment était de traduire ce moment de bascule où l’on comprend que le besoin d’être vu peut nous éloigner de ce que l’on est vraiment. Azraël traverse ici un miroir d’illusions pour retrouver une vérité oubliée : celle du geste gratuit, non vu, mais pleinement sincère.
Avec l’intégration de ce quatrième fragment, Azraël s’affranchit d’un masque subtil : celui du héros admiré. Il apprend à avoir faim sans se perdre. C’est une victoire intérieure, discrète mais essentielle. Et pour lui… comme pour nous, elle change tout.
J’ai choisi de débuter les notes d’auteur à partir de ce chapitre, car je considère qu’un seuil a été franchi — à la fois dans le récit, et dans l’expérience de lecture. Si vous êtes encore là, c’est que quelque chose vous parle dans cette traversée. Merci pour cela. La suite s’annonce encore plus intime, plus brûlante, plus vraie. Et j’ai hâte de la partager avec vous.
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