Chapitre 9 – L’Épreuve de l’Essence (Fragment III : La Souffrance niée)
La lumière blanche se dissipa.
Le sol se craquela sous ses pieds. Et Azraël chuta une nouvelle fois.
Mais cette fois, il ne tomba pas dans l’oubli. Il tomba dans la chair.
Des crochets d’os l’agrippèrent par les bras.
Des chaînes gluantes s’enroulèrent autour de sa cage thoracique.
Une chaleur acide le brûla de l’intérieur.
Et il vit Souffrance.
Un cadavre à demi-vivant. Une carcasse aux yeux rouges, aux plaies béantes. Une silhouette recouverte de lames, de clous, de blessures non refermées. Elle boitait, traînant ses chaînes… mais avançait avec une lenteur implacable.
"Tu m’as enfermé dans le noir. Tu as fermé les yeux chaque fois que je saignais."
Autour d’eux, un champ de scènes s’anima. Des souvenirs réels, crus, viscéraux.
Azraël, âgé de onze ans, les genoux en sang après une séance de méditation punitive, à genoux sous le soleil pendant trois heures. Personne ne lui avait dit pourquoi.
Azraël, dix ans, recousant seul une plaie sur sa cuisse, car les prêtres du clan avaient reçu l’ordre de ne pas intervenir sans permission.
Azraël, treize ans, frappé par un ancien pour avoir répondu, sans jamais répondre en retour.
À chaque souvenir, une lame s’enfonçait dans son dos.
Souffrance posait les mains sur lui, une à une.
"Chaque douleur non reconnue devient un poison. Tu as cru qu’en m’oubliant, tu te sauverais. Mais je suis restée."
Il hurla.
Pas un cri de rage. Un cri de rupture.
Il s’effondra. Les chaînes le tirèrent vers le sol, le clouant au sol comme un sacrifice muet.
Il cria :
"Je ne voulais pas… souffrir seul… Je ne voulais pas… ignorer… mais je devais… avancer !"
Souffrance s’agenouilla. Pour la première fois, elle posa ses mains sur ses joues. Non pour frapper. Pour toucher.
"Tu n’as jamais été seul. Tu m’as toujours eue. J’ai été ta mémoire. Ton épreuve. Ton signal d’alarme."
Une autre scène surgit.
Il avait douze ans. Seul, blessé, allongé dans l’herbe, il avait vu une luciole danser au-dessus de sa main. Il n’avait pas compris pourquoi, mais il avait souri, malgré la douleur. C’était lui qui avait survécu.
Et ce souvenir s’illumina.
Souffrance retira les chaînes. Elle les lui tendit.
"Elles t’appartiennent. Mais tu peux en faire un manteau. Ou un fouet. Ou une armure. Tu choisis."
Azraël prit les chaînes. Elles s’enroulèrent doucement autour de son torse, devenant une parure sombre, mais silencieuse.
Et dans cette douleur admise, quelque chose guérit.
Son dos se reforma. Sa colonne vertébrale. Sa nuque. Son souffle profond.
Et la Trame murmura :
"Un troisième fragment a été intégré. L’enfant martyr est devenu mémoire."
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