6 - Les inhabituellement extraordinaires

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Après le petit maigrichon à lunettes – qui portait en fait le prénom d'Athaliel – ce fut enfin le tour de Léocadia de s'engager dans le couloir des Imagio. Sans se retourner, elle posa un premier pied sur le sol du couloir. Il ne se passa rien. Rassurée, elle en avança un second. Toujours rien. Sa curiosité la prit en traître et elle se mit à marcher plus vite, comme si une chose invisible l'attirait vers l'avant. Elle traversa la couloir sans entendre une syllabe provenant de Bell. Il n'y avait que le souffle de la jeune fillee se répercutant contre les murs. Arrivée au fond du couloir, elle fit demi-tour et retraversa le corridor dans l'autre sens. Peine perdue : la cloche ne voulait pas résonner.

Son cœur commençait à battre la chamade. Et si elle n'était pas vraiment une Imagio ? Ou peut-être que Bell était déréglée. Peut-être le "contrôleur" s'était-il trompé de fillette à réveiller dans le train.

Après un autre aller-retour sans grand résultat, elle décida de s'immobiliser face à la vitre. À sa grande surprise, Bell se mit à discourir.

« Léocadia Anabelle Hazeline Nikolaïovna Batscherski Lysistrata, Imagio Suprême. »

Soudain, la faible lumière qui éclairait le couloir s'éteint. Dans le vestibule, Lady la regardait avec deux gros yeux ronds et la bouche ouverte. Elle battit des cils, comme éblouie puis la lumière revint. D'un geste précipité de la main, elle la fit revenir dans le vestibule. Ses deux mains sur les épaules de la fillette, elle la fit répéter lentement :

« Peux-tu me dire ce que tu as entendu exactement ? »

Leocadia rougit mais soutint son regard.

« Bell a dit : Léocadia Anabelle Hazeline Nikolaïovna – elle buta sur ce mot-ci mais réussi néanmoins à le prononcer en entier – Batscherski Lysistrata, Imagio Suprême. »

Lady secoua la tête : elle avait une excellente mémoire, c'était là un des signes.

« N'as tu entendu rien d'autre ?

— Il y avait... une autre voix qui murmurait que j'étais l'élue, avoua-t-elle à mi-voix en baissant enfin les yeux sous le regard insistant de Lady. »

Tandis qu'elle soufflait ces mots, un tourbillon faisait rage dans sa tête. Des questions qui tournaient à la vitesse de l'espoir, arrachant toute certitude. Pourquoi Bell n'avait-elle pas énuméré son arbre généalogique comme avec les autres ? Était-elle la première dans sa famille ? Que signifiait Imagio Suprême ? Même si sa tante le lui avait toujours interdit, à cet instant, elle avait diablement envie de jurer.

Elle releva les yeux et surprit le regard brillant de Lady. Il scintillait d'une lueur inhabituelle. Soudain, la voix de Bell se mit à résonner de nouveau. Sans que ni Lady, ni les autres enfants ne s'en rendent compte, Boule-de-cheveux s'était glissée dans le couloir est attendait devant la vitre, presque impatiente.

« Descendante de Paulin Claude Bottolier, Maître-Imagio des bûches. »

« Petite-nièce de Florence Lagrange, Imagio des chiens. »

« Margueritte Aleeca Julast-Cuntact, Imagio de Gédéon Petadennis. »

Boule-de-cheveux plissait les yeux de l'autre côté de la vitre. Visiblement, elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait. Elle revint dans le vestibule et interpella Lady :

« Madame, je...

— Lady, la coupa celle-ci. »

Boule-de-cheveux leva les yeux au ciel.

« Madame Lady – cette fois-ci, Lady ne prit pas la peine de la reprendre – qu'est-ce que c'est que ce charabia ? »

Elle pointa du doigt Blaise/Gédéon/Grassouillet qui s'était reclu dans un coin de la pièce lorsque son nom avait résonné.

« Comment je peux être Ima-machin de lui ? Je croyais que ça ne marchait qu'avec les choses.

— En réalité, répondit Lady très calmement, c'est seulement un cas de figure très rare. Nous irons voir les archives plus tard et je pourrais vérifier. Je pense – je ne voudrais pas dire de bêtises – que ce cas de figure n'a eu lieu que trois fois.

— Et moi ? demanda Léocadia, qui s'était subitement rapprochée. »

Lady lui lança un regard qui ne pouvait signifier que deux choses : soit Lady n'en avait jamais entendu parler, soit la réponse était non. Le claquement des paumes de la femme la surprit.

« Il nous reste encore deux à passer. Ne traînons pas ! »

Elle poussa presque le jumeau, déliant avec difficulté sa main de celle de sa sœur, dans le couloir et claque la porte derrière lui.

« Arrière-arrière-petit-fils de Celia Boréalis, Maître-Imagio des Météorites. »

« Cousin éloigné de Maria Loustan, Imagio des Nuages. »

« Cosmo Guillermo Del Lide Sautens, Imagio de la Lumière. » récita Bell.

À peine ceci dit, le jumeau se précipita à l'intérieur et aimanta sa main avec celle de sa sœur.

Il ne restait plus que la grande blonde à la peau sombre vers qui tout le monde se tourna. Les yeux baissés vers le sol – elle essayait de disparaître, sans succès – elle se résigna à faire un pas en avant. La porte lui était grande ouverte et elle s'aventura dans le couloir.

La journée avait été longue pour les enfants. Ils n'avaient tous qu'une envie, se jeter dans un lit. Ils n'écoutèrent que d'une oreille les paroles de Bell. L'arbre généalogique fut oublié, aussitôt énuméré. Tout comme son nom de famille, trop long pour leurs oreilles épuisées. Tout ce qu'ils retinrent se résuma à :

« Kanako... Imagio des Araignées... »

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