8 - Petit-déjeuner

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Ceci fait, Lady les fit se relever.

« Je n'ignore pas à quel point vous êtes fatigués mais il vous reste une ultime chose à faire avant de dormir. »

Sur ces mots, elle se dirigea vers un coin de la pièce où elle ouvrit une porte jusque là dissimulée derrière les rayonnages. Elle dut presque pousser les enfants pour qu'ils y entrent, tant ils avaient du mal à faire un mouvement.

De l'autre côté du battant, dans ce qui semblait être un petit vestibule, une table avait été dressée. Sept couverts et des plats jusqu'à plus faim. Sans se faire prier cette fois-ci, ils s'installèrent et sur un signe de main de Lady, commencèrent à s'empiffrer.

Ils ne s'en étaient pas rendu compte plus tôt mais, alors que Lady les baladait dans tout le Manoir, leur estomac criait famine. À la vue de ces plats salés, sucrés, sucrés-salés, de ces boissons, gâteaux, et autres crudités, leur faim se réveilla et un concert de gargouillement se fit entendre.

En une demi-heure, il ne restait plus rien dans les assiettes en argent et les enfants, repus, se tenaient en arrière, une main calée sur le ventre.

Une fois encore, Lady les fit se remettre debout, les motivant en leur parlant de leurs chambres toutes proches. Pour y accéder, ils retraversèrent la Galerie des Portraits, montèrent un escalier, puis encore un autre, tournèrent au coin d'un couloir, remontèrent quelques marches, en descendirent deux et enfin arrivèrent dans le corridor où s'alignaient les portes de leurs chambres.

Malheureusement pour eux, ce fut Lady qui fit la répartition. Les jumeaux avec Kanako. Maggie et Gédéon/Blaise/Grassouillet. Léocadia et Athaliel/le Petit Maigre à Lunettes. Tout ce petit monde se dépêcha de rentrer dans sa chambre, pressé de trouver le sommeil, sans adresser autre chose qu'un bref « Bonne nuit » à leurs camarades. Leurs valises les attendaient sur le couvre-lit. Personne ne se posa la question de comment elle avait pu arriver là.

Léocadia et Athaliel ne prirent même pas la peine d'observer leur chambre, ils auraient bien la journée du lendemain pour le faire. Ils se couchèrent immédiatement et le sommeil ne tarda pas à les rattraper.

Un coup à la porte les réveilla huit heures plus tard. Il faisait déjà beau dehors. Le soleil ne les avait pas attendu pour se lever. Ils s'extirpèrent du sommeil avec difficulté, frottant leurs yeux encore endoloris de fatigue.

Lady les attendait au fond du couloir. Son être entier respirait l'impatience et pourtant, elle les accueillit d'un joli sourire. Gédéon – Léocadia avait finit par se décider, au milieu de la nuit, sur le nom qu'elle lui donnerait – fut le dernier à arriver. Il avançait d'un pas lent, comme un canard boité et la jeune fille se figura qu'il n'avait pas du recevoir son cota de sommeil.

Lady les fit redescendre et cette fois-ci, aucun ne prit la peine de retenir le chemin : ils avaient compris que la maîtresse de maison allait leur servir de guide. Première étape de la journée, attendue par bon nombre d'entre eux : petit-déjeuner.

Au détour d'une porte, une gigantesque salle à manger les cloua sur place. Marbrures au plafond, parquet grinçant, chandeliers, tout baignait dans le luxe. Assis en bout de table, un homme lisait le journal. Ou plutôt, il donnait l'impression de le faire.

Grand et sec, sa moustache était sa principale source d'attention que ce soit le matin – il passait une demi-heure à l'astiquer tous les jours – ou à n'importe quel moment de la journée – il la tortillait sans cesse du bout des ongles. Son costume était taillé avec le plus grand soin. Seul détail effrayant dans sa personne :  il n'avait pas d'yeux.

Enfin, ce n'était pas totalement vrai. Il avait bien deux yeux, placés au centre de la tête comme tout humain normalement constitué, mais ceux-ci étaient dénués d'iris, blancs comme la nappe.

Léocadia aurait voulu s'approcher de l'homme pour avoir un meilleur angle de vue sur ses yeux mais la main de Maggie la retint. D'un regard, elle lui fait comprendre de se tenir tranquille.

Lady s'avança vers lui et posa une main sur son épaule. En un clin d'œil – ce fut le cas de le dire – ses iris étaient revenus, comme par magie. Après la journée de la veille, on se demande comment les enfants ont encore pu être étonné. Mais ce fut le cas. Gédéon recula d'un pas, se cogna à Kanako, lui marcha sur le pied en essayant de s'écarter et, contrairement à l'image douce et timide qu'elle renvoyait, la fillette lui rendit un regard des plus effrayants. Gédéon se dépêcha de s’éloigner d'elle au plus vite.

Observant son camarade de chambre, Maggie se pencha vers Léocadia :

« Il ne m'a pas adressé la parole de toute la nuit. C'est à peine s'il m'a jeté un coup d'œil.

— Ça va s'arranger, la rassura Léocadia du bout des lèvres. »

En réalité, elle ne suivait que d'une oreille les propos de sa nouvelle amie. Ses yeux comme ses tympans étaient entièrement tournés vers le couple de l'autre côté de la table. Ils conversaient rapidement, sur le bout des lèvres et la jeune fille ne put rien saisir des paroles échangées. Tout ce qu'elle comprenait, c'était le mouvement frénétique de leurs lèvres, la vitesse à laquelle balayaient leurs yeux et la main de Lady cramponnée sur l'avant-bras de l'homme.

Tout le monde sursauta à nouveau lorsque Missy fit son entrée à travers la porte. À travers, car elle n'avait pas pris la peine de l'ouvrir pour pénétrer dans la pièce, se contentant d'user de son "pouvoir" pour passer le se dirigea directement vers Lady et son interlocuteur, claquant une bise sur chacune de leurs joues.

« Bonjour Maman, bonjour Papa, lança-t-elle en l'air d'une voix parfaitement réveillée. »

Léocadia en déduit que l'homme devait être Sir, l'époux de Lady.
Missy tourna brièvement la tête dans leur direction, observa leurs mines endormies, leurs vêtements froissés par le voyage dans la valise – à l'opposé, l'adolescente portait une robe de satin verte pâle, cintrée par une bande de dentelle blanche que Maggie jugea magnifique –, leurs exorbités par l'opulence et offrit à sa bouche une moue emplie de dédain.

« Salut les mioches, lâcha-t-elle avant de s'attabler à la gauche de son père. »

Elle se dépêcha d’attraper sa fourchette et piocha un petit pain dans la corbeille. Ce mouvement dut interpeller Lady car elle autorisa les enfants à s'asseoir à table et à manger. Sans se faire plus prier, ils se glissèrent sur les luxueux fauteuils, empoignèrent leurs couverts et se mirent à l'assaut de nourriture. Accaparée elle aussi par le remplissage de son estomac gargouillant, Léocadia en avait presque oublié la discussion animée entre Lady et Sir.

Presque car, lorsqu'elle releva la tête, elle croisa les sourcils froncés de l'homme qui la regardait intensément. Quelque chose le tracassait et, au vu de la direction de son regard, Léocadia ne devait pas y être étrangère.

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