13 - De découverte en découverte

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Athaliel n'arrêta sa course que lorsque le cabanon se trouva à trois mètres devant lui. Il n'osait pas s'approcher plus, de peur qu'on puisse l’apercevoir depuis la fenêtre.

La cabane était une petite case carrée, qui semblait ne pas être assez grande pour loger une personne. Pourtant, c'était là que vivait Le maître des doubles, et ce depuis très longtemps. Les autres enfants arrivèrent, quelques secondes après Athaliel, et se placèrent, essoufflés, en demi-cercle derrière lui. Tous attendaient de savoir pourquoi il les avait fait courir. Maggie était tout rouge, et pas que de sueur ; une goutte de colère perla sur son front et alla s'écraser sur l'herbe. La touffe de cheveux de la fillette lui donnait bien chaud en été et cette course lui causait quelques soucis de transpiration de la nuque et du front.

« Qu'est-ce qu'il y a ici ? Pourquoi tu nous as fait venir là ? commença-t-elle d'un ton presque agressif. »

Elle détestait ne pas être celle dont les idées provenaient.

« Cette nuit, durant mes lectures, je suis tombé sur un ouvrage composé de plans divers et variés. Il y avait aussi une quantité non-négligeable de notices pour tout type d'appareils. »

Il jeta un bref coup d'œil à son auditoire. Maggie tapait du pied, Kanako levait les yeux au ciel et Gédéon tremblait encore de la course, son corps étant peu habitué à produire quelque effort.

« La plupart auraient du être jetés depuis longtemps. Mais, alors que j'allais refermer le classeur, je suis tombé sur une page pliée en deux qui représentait une drôle d'habitation. Elle m'a tout de suite intriguée car elle était accompagnée d'une photo que j'ai immédiatement reconnue comme étant cette cabane. Alors, je me suis un peu plus penché sur le plan et voici ce que j'ai découvert... »

Il laissa sa phrase en suspense, ménageant un effet de surprise. D'un geste de la main, il invita sa petite troupe à le suivre. Ensemble, ils firent le tour de la cabane – ce qui fut rapide au vu de sa taille.

« Vous ne remarquez pas quelque chose ? »

Il y avait une telle ressemblance entre l'expression du petit Athaliel et celle de Lady lorsqu'elle interrogeait quelqu'un que Léocadia ne put s'empêcher de lever la main dans l'attente qu'il l'interroge.

« Il n'y a pas de porte, annonça-t-elle finalement. »

En premier lieu, personne ne la crut. Convaincus d'avoir raison, Athaliel et Léocadia regardèrent leurs camarades refaire un tour de la cabane et revenir vers eux, incrédules.

« Mais, mais... disait Gédéon qui n'y comprenait rien. »

À vrai dire, aucun des enfants n'y trouvait un sens, même Athaliel qui, pourtant, avait fait cette découverte le premier et avait eut la journée pour y songer.

Ils revinrent donc vers le Manoir, à demi-joyeux d'avoir déniché quelque chose, à demi-abattus de ne pas savoir à quoi cela menait.


Ils mangèrent vite et allèrent ensuite se coucher, comme Lady le leur ordonna. Mais Léocadia avait une autre idée en tête. Lorsqu'elle entendit les talons de Lady disparaître dans l'escalier, elle fit un signe de la main à Athaliel pour lui demander de ne pas faire de bruit et s'évanouit dans le couloir. Elle revint, quelques minutes plus tard, suivie de Maggie et Gédéon qui ne cessaient de se disputer à voix basse. Soit-disant que l'un avait fait trop de bruit et que cela risquait d'alerter tout le Manoir.

« Kanako et les jumeaux ne viennent pas ? demanda Maggie lorsqu'elle se fut enfin calmée et que la chamaillerie avec son camarade se fut envolée.

Athaliel et Léocadia échangèrent un regard lourd de sens. En réalité, cette réunion clandestine n'était pas le fruit du hasard : les deux camarades de chambrée en avaient débattu en aval durant de longues minutes. Il en avait résulté que la présence de Cosmo, Estrella et Kanako n'était ni nécessaire, ni sûre. Bien qu'ils aient tous les deux eu du mal à l'avouer, ils n'avaient pas vraiment confiance en ces trois-là. Sans savoir pourquoi, tout comme Gédéon l'avait pressenti depuis le début, ils leur fichaient une frousse bleue.

« Je voulais qu'on se réunisse ce soir pour parler et partager nos découvertes. Je pense que c'est le seul moment où personne n'est là pour nous surveiller même si on ne peut être sûr de rien. »

Léocadia s'interrompit et jeta un coup d'œil à Athaliel qui comprit que c'était à son tour de parler.

« J'ai vérifié toutes les pièces, même la salle de bains. On a déplacé les meubles et il n'y a aucun portrait ici. – Il fut une courte pause, comme s'il hésitait à se dévoiler totalement. – La seule chose qui pourrait s'en rapprocher, reprit-il finalement, c'est une photo que j'ai prise avec moi. »

Il sortit la feuille semi-rigide de sous son lit et la montra à ses amis. C'était un portrait en-pied, à l'ancienne. Les trois enfants que l'on voyait là posaient, l'ombre d'un sourire dans le regard. Léocadia reconnut tout de suite Athaliel. Il se tenait debout, derrière les fillettes assises sur une chaise, le dos droit, le menton levé, ses lunettes remontées contre son nez. Il portait un joli costume, sans doute loué pour l'occasion, et ses mains tombaient le long de son corps comme s'il craignait de le froisser. Athaliel semblait plus jeune d'un an ou deux sur le cliché. Au premier plan, deux jeunes filles, un peu plus âgées que lui fixaient l'objectif. Leurs robes de dentelle blanche couvraient leurs genoux comme un pétale d'innocence. Chose troublante cependant, elles portaient exactement la même paire de lunettes ronde que le petit garçon. Un an ou deux seulement devaient les séparer toutes les deux. Sans paraître être d'identiques sœurs jumelles, elles avaient des traits en communs, comme dans l'expression de leur regard, qui suggéraient leur lien.

« Ce sont tes sœurs ? s'enquit Léocadia après avoir pu tirer toutes les conclusions possibles de la photographie.

— Oui, répondit Athaliel en reprenant le cliché des mains de Maggie. À droite, c'est Elaïs et à gauche, Castille. »

Un silence presque gêné s'installa dans la chambre. Tous savaient ce qu'impliquait la présence d'un portrait dans leur lien de rendez-vous. Bien qu'ils ne puissent pas être sûrs et certains qu'à l'instant où ils parleraient, Sir les observeraient, ils ne voulaient pas prendre le risque.

Un soupçon de larme dans les yeux, Athaliel comprit ce qu'il avait à faire. Sans prononcer un mot, il se leva de son lit et traversa la chambre. Puis, comme si son regard ne pouvait se détacher de ses sœurs chéries, il ouvrit la porte sans quitter la photographie des yeux.

Lorsqu'il revint, un demi-quart d'heure plus tard, ses mains étaient vides, ses ongles cerclés de terre et son regard absent. En plus de passer l'année loin d'elles, il avait été forcé de les enterrer.

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