Caroline était née avec ça dans le sang.

Le sport, c'était toute sa vie. Sa jeune vie.
Dans ses gènes, au plus profond de son être, ça débordait.
Jusqu'à son prénom, d'origine germanique, signifiant force et vigueur.
Et l'adolescente, belle et élancée, n'en manquait pas.

• Elle est faite pour ça ! disaient les gens autour d'elle.

Chaque jour, le même rituel : elle nouait avec soin sa longue chevelure couleur ébène, s'agenouillait pour lacer fermement ses baskets, inspirait profondément... et rejoignait la piste.
Son quotidien n'était autre que la terre battue.

Mais à force de tourner autour, elle avait commencé à ressentir un léger vertige.
Comme un vieux disque rayé, elle tournait inexorablement en boucle.
Depuis quelque temps, elle restait statique, préférant le javelot, même s’il refusait obstinément de se planter dans cette satanée pelouse.

Mais qu'est-ce qui lui arrivait ? Était-elle en train de perdre pied ? Le poids de la compétition était-il devenu trop lourd à porter ? Où était donc passé sa confiance inébranlable ?

Cette barre, fixée bien trop haut par son père, était-elle vraiment atteignable ?
Avait-elle seulement songé, ne serait-ce qu’un instant, à ses propres aspirations ?

La réponse était non.
Et depuis, le doute s'installait. Insidieux.
Au grand dam de son paternel.
Ce patriarche, imposant et froid, telle une ombre au-dessus de ses épaules devenues frêles.

Malgré toutes les médailles, les coupes, la renommée... cela n'avait jamais été assez.
Elle avait toujours couru après quelque chose qu'elle savait inatteignable.
Le cœur de son père était scellé à double tour.

Il était temps pour elle de se réveiller. De vivre pour elle.

Elle retroussa ses manches, affûta sa plus belle pointe — celle de son crayon — et commença à écrire sa propre histoire.

Dès lors, un nouveau protocole prit place.
Un championnat intime.
Une course vers elle-même.