Jean enjambe les monticules de culottes qui traînent sur son plancher. Depuis le décès de sa femme, il n'est pas d'humeur à faire le ménage. Il balance sur le buffet les trois lettres qu'il vient d'aller chercher, les fixe un moment avant de prendre son souffle, comme si cette épreuve était pour lui difficilement surmontable. Il ouvre la première. Il est question d'une facture d'électricité exorbitante, pour autant, Jean n'a pas l'air de prendre ça comme un coup dur porté à ses finances, au contraire, son visage s'illumine et il paraît étonnement soulagé. Il la jette par terre et se munit de la seconde. Son visage redevient noir et l'inquiétude qui venait de s'évaporer refait surface. Il ferme les yeux et implore le seigneur pour enchaîner sur une autre bonne nouvelle, pousse un cri de motivation et se lance:
C'est une invitation pour la cérémonie des Césars. On lui apprend même qu'il est nominé dans plusieurs catégories. Bordel. Ses yeux se plissent et virent au pourpre, ses mains se crispent, finissent par transformer l'invitation en un vulgaire bout de papier. Il crie toute sa rage et dans un élan de désespoir demande au ciel pourquoi ce dernier ne l'entends jamais, ses sanglots s'égouttent sur le buffet où la dernière lettre l'attend.
Celle-ci et parfumée et ça, c'est de très mauvaise augure, cela lui est arrivé une centaine de fois, et si son contenu est bien ce à quoi Jean pense, alors ce serait pour lui le coup fatal. Il l'attrape d'un geste brutal et la déchire avec les dents.
C'est une culotte, une de plus.
NON! NON!! NON!!!! PUTAIN DE DIEU MAIS ÇA NE S'ARRÊTERA DONC JAMAIS!!!!
Non Jeannot, pas tant que le cinéma et les culottes existeront.
C'est pas tous les jours facile de s'appeler Dujardin.