Chapitre 10 : Harry Styles

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Je reste paralysé face à ces visages levés vers moi. Je croise le regard de Harry Styles qui m’accueille avec un sourire, sonné par cette attention, je me sens rougir.

Mrs Avery a l’air vraiment contente que je sois bien là et à ma grande surprise Mrs Welsh également. Mon cerveau ne fait qu’un tour.

- Jordan bonjour ! dit Mrs Avery tout sourire.

- Bonjour à tous, je réponds nerveusement.

Je suis en train d’attirer l’attention de chaque personne dans cette pièce, y compris celle d’une star internationale. A quel point ma vie m’avait offert de quoi briser ma routine ?

Chacun me salue, le plus intimidant en dernier. Pour la seconde fois, il me parle :

- Tu as fière allure, me lance Harry Styles avec un clin d’œil.

Je le remercie d’une voix intimidée. Difficile de ne pas perdre la tête face à cette situation, je commence à comprendre les gens qui deviennent hystériques lorsqu’ils se retrouvent en présence de ce garçon. Je n’ai cependant pas envie de me comporter frénétiquement, ce n’est absolument pas le moment pour ça.

Je remarque cependant à quel point il est beau. Effectivement, l’image que j’avais eu de lui durant ces dernières années était foncièrement erronée. Ses cheveux courts sont ce qui contraste le plus évidemment, il reste tout de même habillé avec un style particulier. Ses ongles sont tous recouverts d’un vernis noir, un collier de perle repose autour de son cou et ses doigts sont tous décorés de bagues massives, de quoi couler directement au fond de l’eau. Je n’ai jamais été fan de lui, je n’ai jamais écouté ses musiques, ne me suis jamais renseigné sur ses idéologies et croyances… est-ce hypocrite de ma part d’être complètement charmé en cet instant ?

Je m’efforce de rester zen. Ce tourbillon de pensées ne m’avait ravagé que durant deux secondes. Je sers la main de toutes les personnes présentes. Je remarque Francis Lawrence, le réalisateur du film. Impressionné je le salue avec chaleur, je suis un peu familier avec son travail et j’aime beaucoup son palmarès.

Je me sens petit, fragile, beaucoup trop peu à l’aise pour me fondre dans la masse et prouve que j’avais difficilement ma place parmi ces gens.

- Nous sommes ravis que vous ayez pu venir ! reprend Mrs Avery.

- Vous avez bien voyagé ? me demande Mrs Welsh.

Etonné par sa soudaine courtoisie envers moi, je lui assure que tout va bien. Lorsqu’ils en viennent à parler tous ensemble de ma première audition, le fait que j’ai été gracieusement invité par Mrs Avery ne reste pas un secret, mais avant que Mr Lawrence ne réprimande celle-ci, Harry Styles intervient :

- C’est moi qui ai insisté pour qu’elle le fasse, dit-il d’un air défenseur.

Le directeur le regarde avec des yeux ronds, mais n’ajoute pas un mot. Harry plonge ses yeux dans les miens.

- J’ai vu Jordan chez Mrs Bailey et je me suis dit que physiquement il serait parfait et que ce serait dommage de le laisser filer. Je suis désolé si j’ai dépassé les bornes.

Il n’avait pas cessé de me regarder, le directeur lui, expire bruyamment. Soudainement mal à l’aise par ce signe d’agacement, il me dit vivement :

- Oh ! Je suis désolé jeune homme, ce n’est pas du tout contre vous ! C’est juste que les règles n’ont pas été respecté et qu’il y a eu du favoritisme, ce n’est pas très juste.

- Je comprends très bien, je réponds nerveusement.

Je sens le poids du monde s’abattre sur mes épaules, rien d’autre ne me vient en tête excepté la déception.

- Ne faites pas cette tête Jordan ! ajoute Mrs Avery. Vous n’êtes pas écarté pour autant.

- Bien sûr que non ! s’écrie Mr Lawrence les mains levées comme s’il cherchait à se dédouaner de mauvaises paroles. Pas après votre long voyage. De plus… il est vrai que vous ressemblez à Magnus.

- Magnus n’a pas de physique précis, rétorque Mrs Welsh en grimaçant.

Je me force à ne pas dévisager Harry Styles du regard, celui-ci ne partage pas le même effort à mon égard : je sens ses yeux posés sur moi. Je me sens terriblement gêné. Je profite de leurs derniers mots échangés pour me concentrer sur le reste de leur équipe. Trevor n’est plus là, je ne reconnais qu’une seule autre tête, une jeune femme qui était là lors du premier tour et qui n’avait quasiment rien dit. Les deux visages restants me sont inconnus.

- On peut y aller ? demande Mr Lawrence.

Je hoche la tête, un sourire probablement peu convaincant dessiné aux coins de mes joues. J’y suis, je dois me calmer davantage. Le directeur allume la caméra qui reposait sur un trépied derrière leur bureau, braquée vers moi, elle me filme en train de rougir comme une pivoine. Harry m’offre un sourire encourageant. Je me tiens là, immobile, à attendre leurs instructions.

- Nous allons vous demander de faire cinq pages de dialogues Monsieur, annonce une des personnes inconnues de manière neutre.

Mon estomac se retourne et ma gorge se coince lorsque j’avale ma salive. Abasourdi par la tâche à venir, je m’efforce de leur faire face avec dignité. J’acquiesce face à l’information. On me donne cinq feuilles, chacune comportant une scène différente, mes yeux ne savent plus sur laquelle m’attarder.

- On va commencer par la première, dit Mrs Welsh. Il s’agit d’une scène non pas avec Magnus, mais avec Luther. D’ailleurs concernant ce personnage, il faut qu’on vous annonce quelque chose…

Je reste immobile en attendant le reste, tandis que toutes les têtes levées vers moi me regardent avec intérêt, visiblement curieux de connaître ma réaction.

- Je vous écoute.

- Pendant longtemps le rôle de Luther, qui est le frère jumeau de Magnus et qui se trouve être le méchant de l’histoire, devait être casté avec un autre acteur, mais on s’est tous mis d’accord au final, que ça aurait plus d’impact si Magnus et Luther étaient identiques…

Bouche bée, je les observe le temps que je digère l’information. Ils me regardent en attendant une réaction de ma part. Mon filtre anglais me fait-il défaut à cause du stress ? Ais-je réellement bien compris ce qu’on me disait ?

- Donc vous voulez dire… que j’auditionne pour deux personnages ? Le héros et le méchant…

- Tout à fait, reprend Mr Lawrence. C’est idiot de notre part vraiment. C’est une décision de dernière minute, surtout qu’on allait bientôt ouvrir les castings pour Luther. Mais après relecture du script, ça nous posait problème au fond que les deux frères ne soient pas de vrais jumeaux. L’impact de leur différence sera plus grand s’ils se ressemblent.

- Je suis d’accord, approuve Harry qui est assis de manière plus que décontractée.

J’avais presque oublié sa présence tant le choc de cette annonce m’était lourdement tombé dessus.

- Ça n’a pas posé de problème aux autres finalistes, si ça vous pose problème vous avez le choix de…

Je ne laisse pas le temps à Mrs Welsh de poursuivre sa phrase :

- Bien sûr que non, je rétorque aussitôt. Aucun problème !

- Très bien. Nous pouvons poursuivre.

Mes yeux s’attardent sur la première feuille qui se trouve dans ma main, je lis rapidement. Le frère de Magnus n’entretient apparemment pas une bonne relation avec lui, de ce que je lis il a l’air froid, amer et d’être toujours en train de faire culpabiliser Magnus. La scène se passe entre le jeune homme et son père.

C’est bien différent de la chose que je devais jouer la dernière fois, loin de ma zone de confort. Cette fois je devais être bourru, presque insolent. C’est bien différent de la façon dont j’avais l’habitude de me comporter de manière générale.

- Tu lui as parlé ? dis-je sur un ton brusque

- Pas encore, répond Mrs Welsh, les yeux rivés sur sa propre feuille.

- Il est temps qu’il se bouge maintenant ! Le bois ne va pas se chercher tout seul !

- Il a l’air ailleurs en ce moment.

- Il est toujours ailleurs ! Des fois j’ai tellement envie de le secouer un bon coup !

- Ne vous battez pas comme la dernière fois !

Il est drôle d’entendre la voix neutre de Mrs Welsh réciter les répliques d’une voix si neutre, presque ennuyée. Quant à moi je décide d’hausser le ton, il me parait évident que ce Luther parle de manière forte et extravagante. J’affiche des grimaces, plisse le nez chaque fois que le nom du héros est prononcé. La scène se passe sans embûche, bien que je panique plus intérieurement que lorsque je jouais Magnus. J’essaie de me gonfler de sentiments négatifs, m’aidant grâce à des souvenirs personnels, cherchant à retrouver ses émotions que je n’aime pourtant pas ressentir.

La fin de cette première scène finit par arriver. Ignorant la qualité de ma performance, nous passons rapidement à la suite. Personne, y compris Harry Styles, n’a l’air gêné par ce premier essai en tant que méchant de l’histoire. Le regard du chanteur reste perçant à mon égard, naturellement, je fuis ses yeux insistants.

La deuxième scène est plus rapide : il s’agit d’un moment plus calme entre Magnus et sa tante, une femme vivant sous son toit du nom de Dorothea. Rien de cette scène n’exige de moi un effort quelconque, cependant il est clair que les deux personnages sont liés et complices, je me borne juste à adopter un visage très tendre lorsque je récite les mots de Magnus. Quoique je fasse, je ne lâche pas mon interlocutrice des yeux. Mrs Avery sourit à la complicité que j’essaie de tisser avec sa collègue. Celle-ci garde ses yeux dans sa feuille.

- Troisième scène entre Magnus et Harvey !

Tout le monde se redresse sur son siège, c’est le moment crucial : celui où ils pourront voir si Harry et moi développons une bonne chimie, voir si nous passions bien à la caméra ensemble. Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que mon partenaire se lève pour venir à ma rencontre. Ce moment est crucial, j’en ai conscience, tellement que ma tête se met à tourner. Je le vois s’approcher au ralenti, ses fossettes se creusant dans ses joues tandis qu’il me sourit. Je parviens difficilement à soutenir son regard et lorsqu’il est enfin en place à côté de moi, je prends connaissance de notre scène. Bon sang, une scène d’amour. Après tout ça aurait pu être un simple dialogue entre les deux personnages, or je vois beaucoup de description qui indique un rapprochement indéniable entre Magnus et son prince.

- Tu es prêt ? me demande Harry dans un gloussement.

- Non, enfin si, heu… je veux dire oui.

Un silence pesant s’installe, les autres nous regarde avec la plus intense des concentrations, même Mrs Welsh semble palper l’anticipation. Francis Lawrence, lui, nous observe avec de grands yeux, et semble prêt à prendre des notes. Après un dernier sourire, Harry Styles change complètement de comportement, son air est soudainement grave.

- « Je n’ai rien dormi de la nuit », dit-il avec son accent britannique

Je lis ma réplique, adoptant également un état sérieux.

- « Moi non plus, j’ai dû m’occuper de mon père, il a été soul toute la nuit ».

Mon partenaire laisse volontairement une pause s’installe. Un instant de réflexion où sa main se pose sur mon épaule. Ma respiration devient démesurée, son contact m’avait électrifié sur place.

- « Si tu savais à quel point j’aimerais qu’on soit loin de tout ça, de tout le monde ».

- « Qu’est-ce que ça changerait ? On ne sera jamais autorisé à… à se… »

- « Tu ne crois pas qu’un jour ça puisse être possible ? »

- « J’aimerais y croire en tous cas ».

- « Je crois en toi, c’est le plus important ».

Son autre main se dépose sur ma joue, son contact est frais et léger. J’aimerais être assez assuré que lui pour me lâcher totalement, j’ai tellement l’habitude de me fermer aux garçons que je n’arrive plus à faire la différence entre la réalité et l’acting. Chaque fois qu’un garçon m’a plu, je prenais l’habitude de baisser les yeux et d’afficher un air indifféremment, sur la défensive même. Il est temps de lâcher prise.

Je commence par le regarder bien droit dans les yeux. Cet échange de regard résulte à une électricité puissante qui se déploie entre nous.

- « Pourquoi ai-je tant envie de toi ? » je demande sur un ton réellement préoccupé. « Ça n’a aucun sens ».

J’imagine qu’à cette époque, les homosexuels étaient effectivement un minimum préoccupé de ressentir ce genre de sentiments. Ma main rejoint la sienne qui repose toujours sur ma joue. Nous sommes proches l’un de l’autre maintenant, sa respiration entrant en contact avec la mienne. L’envie que j’avais de l’embrasser était-elle celle de Magnus ?

J’imagine que non pas entièrement, malgré l’environnement, il est clair que le charme de mon partenaire est efficace. Il a beaucoup de prestance, sa présence si proche de la mienne me donne la sensation d’être en sécurité, son odeur masculine et légère me chatouille les narines.

- Tu me plais beaucoup, ajoute-t-il en se rapprochant davantage.

Je regarde de nouveau le script, ce n’est pas la réplique suivante…

- Heu… tu t’es trompé.

Sa main se plaque contre ma nuque, son visage à quelques centimètres du miens s’immobilise deux secondes, attendant de voir si j’allais le rejeter. Je ne bouge pas. Ses lèvres finissent par rencontrer les miennes et j’entends le jury haleter de surprise, leur étonnement restant suspendu dans l’air.

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