XII

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 Je reprends; pas la peine d’être discret, je suis simplement sorti des bois et me suis dirigé vers lui. On se connaissait alors j’ai simplement dit que je venais voir une parcelle nous appartenant et que, les ayant vus bosser, je m’étais approché pour saluer. Je te passe les détails, pas besoin de faire dans le gore, mais une poussée au bon moment et dans la bonne direction et hop, de la soupe d’humain. C’est que ces machines sont un peu, pour nous les hommes, comme des mixeurs géants. Bref, après ça il s’agissait de ne pas trop traîner dans les parages; la pire chose quand tu fais ce que je fais, c’est les imprévus. Imagine quelqu’un qui débarque à ce moment précis. Autant te dire que j’aurais eu du mal à expliquer pourquoi j’étais à côté d’une bouillie sanguinolente.

Comme tu peux l’imaginer, c’était le branle-bas de combat dans le bled. Un accident tragique, inimaginable! Il travaillait avec cette machine à longueur de journée, il la connaissait par cœur. Son père ne s’en remettrait jamais, sa mère perdrait la tête, il avait suffi de quelques minutes au bord de la rivière pour que le petit… Et puis, comment il avait fait son compte? La fourche était par terre à côté de lui et ne semblait pas abîmée, alors comment il avait fait pour tomber et se coincer dedans?

C’était une erreur de ma part, de l’inexpérience. J’aurais dû, en effet, penser à coincer un peu la fourche pour que l’effet accident ne pose aucun doute. Ça m’a servi de leçon pour la suite; penser à chaque détail. Le diable se cache dans les détails, comme disait je ne sais plus qui. Un de tes potes peut-être, non?


Bon, l’un dans l’autre, les choses se sont assez vite tassées. Accident, drame, famille détruite, enterrement multitudinaire, - à notre niveau s’entend, une centaine de paysans- et puis, a otra cosa mariposa. Tu ne comprends pas? C’est de l’espagnol, l’équivalent de see you later aligator tu vois? Tu vois pas? Franchement, tout un bordel avec le latin mais capter deux mots d’anglais? C’est un de vos gros problèmes, vous gérez beaucoup mieux tout ce qui est mort. Tu peux au moins goûter à ton whisky; 16 ans qu’il est mort et embouteillé!

J’ai un souvenir très vif des jours qui ont suivi sa mort, tu sais. Je me suis senti pas très bien. Tu comprends, l’autre petit con était un sadique mais lui, c’était un gentil gars, il avait juste clairement dit qu’il voulait mourir. Je crois que j’en ai déjà parlé mais, bordel, j’aurais vraiment dû creuser et comprendre pourquoi!

Monsieur le représentant de la vie après la vie et la mort était là, l’œil humide, la voix tremblante et l’affliction suintante. Qu’un si grand malheur arrive dans notre petit village, qui aurait pu prévoir ça? Bah toi mon cochon, toi tu savais! Tu n’as juste rien dit, pas plus le jour de sa confession que maintenant qu’il était mort de manière accidentelle mais un peu suspecte quand même. Secret professionnel c’est ça?

Bref, je vais pas t’accabler pour rien. Moi je me ressers un peu de gnôle, si ça ne te fait rien. Mais si tu continues à bouder les bonnes choses que je te propose, ça finira par me vexer.

Nous allons bientôt arriver à une période charnière de mon histoire; je quitte mon village et j'atterris dans une petite grande ville. Il va me falloir un peu de temps pour que tu comprennes le choc absolu que ça représente dans la tête et la vie d’un ado habitué au confort douillet d’un trou du cul du monde. Je t’avais prévenu qu’on en aurait pour la journée, donc, bois!  

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