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Tip-tappa-tip, la pluie ça donne soif.
Et la soif ça permet d’oublier la petite sœur qui pleure et qui veut partir elle aussi.
Ça permet aussi d’oublier la mère qui se meurt du cancer.
Le père lui rappelle sans cesse à quel point il est un bon à rien, et qu’il ne fera jamais rien de sa vie.
Ouais, un jour il partira.
La nuit se déploie sur la forêt, il est assis sur le ponton et les cadavres de canettes s’entassent dans sa glacière.
Il ne veut plus penser, mais impossible de faire taire les voix dans sa tête. Cette angoisse ne le lâche plus.
Un bruit derrière lui le fait sursauter.
Qu’est-ce que l’ange vient faire au lac, à cette heure, en plein milieu des bois ?
Elle n’ose approcher. Il lui fait signe.
- Alors, on veille tard ?
Sans un mot, elle vient s’asseoir à côté de lui. Il lui tend une de ses bières :
- Tiens prends-en une, elles sont fraîches.
Le silence se prolonge.
Il regarde devant lui, et avant même de le réaliser, il se met à parler :
- Bah… La vie… Tu n’as jamais cette sensation, tu sais, que quoi que tu fasses, tu es condamné à échouer ? … Un peu comme si tu étais au fond d’un immense gouffre… Si profond que tu ne peux même plus voir la lumière du jour ?
Il soupire :
- J’ai juste l’impression que quels que soient mes efforts… Nope… Je ne serai jamais assez fort pour me sortir de ce trou…
Il regarde sa bière. L’ange boit la sienne.
- T’as une bonne descente, hein ? Une femme comme je les aime… Mais que cela ne devienne pas une habitude. Toi, tu as encore un futur qui t’attend…
Il lui lance un regard en coin. Elle l’observe intensément, sans sourire. Son regard est triste.
A-t-il trop parlé ?
- Arr… Mon foie me donne un coup d’arrêt. Mieux vaut en rester là pour ce soir. Allez, à la revoyure Mary…
Il se lève et prend sa glacière pour retourner chez la tante Marnie.
Avant de partir, il se tourne une dernière fois.
L’ange est toujours là, assise sur le ponton, elle regarde l’horizon songeuse.
A suivre…
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