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Tip-tappa-tip, l’automne arrive en douceur.
Et la cérémonie approche à grands pas. Sa vie se remplit toujours plus de joie.
Mais parfois il doute encore.
Comment lui, peut prétendre à ce bonheur ? Lui qui a toujours tout gâché ?
Il n’arrive pas à en parler.
Un nuage passe sur son cœur.


Il remplit les rayonnages du JojaMart. Comme toujours.
Morris, son directeur, passe. Il se moque de lui. Comme toujours.
Est-ce que l'heureux fiancé va devenir homme au foyer après la noce ? Ou est-ce que Monsieur Mary viendra toujours faire de la remise en rayon ?
Il insiste.
C’est quand même fou qu’un raté comme lui ait trouvé une fille comme elle.
Il essaie de se fermer au flot de sarcasmes, mais ses épaules ploient sous le poids des insinuations.
Est-ce qu’il savait qu’il y avait des promotions sur la bière en ce moment ?
Il part en pause.
Il se sent mal.
La vieille douleur montre son visage.
Il ne veut pas la déranger mais il appelle malgré tout son ange. Il lui demande juste de le rejoindre là où elle sait. Ce n’est pas la première fois qu’il lui donne un rendez-vous clandestin durant son temps de repos.
Elle laisse tout tomber pour lui. Elle accourt.
Comme toujours.
Il s’en veut. Mais elle ne se doute pas des raisons qui l’ont poussé à la réclamer.
- Quelqu’un a commandé un câl…
Elle ne finit pas sa phrase.
Elle le voit assis par terre, prostré.
Il l’entend se précipiter vers lui et l’enserrer dans ses bras.
Foin coupé, fleurs sauvages et liberté.
Il a enfin l’impression de pouvoir respirer normalement. Elle veut savoir ce qu’il se passe.
Tout sort, en vrac.
L’ange essaie de remettre de l’ordre, de comprendre.
- Qui, il ?
- Morris…
Il la sent frémir. Il sait qu’il y a une personne dans cette ville qu’elle n’aime pas, et il vient de dire son nom.
- Je te jure Shane, je ferai tout pour le couler. Mais avec mes armes… Mes principes…
- N’en fait pas une affaire personnelle.
- C’est devenu personnel le jour où j’ai mis les pieds dans cette ville, Shane ! Je ne le laisserai pas pervertir la vallée au nom du soi-disant progrès. Ça n'a rien à voir avec toi. Mais là, tu me donnes juste une motivation supplémentaire… Tu savais qu’il faisait pression auprès de Lewis pour récupérer le vieux centre communautaire pour en faire un entrepôt ? Je me bats contre ce projet ! Je ferai tout pour l’en empêcher, quitte à le rebâtir moi-même s’il le faut ! Mon grand-père a tout donné pour cette communauté, c’est mon héritage d’en faire autant !
Il en reste sans voix. Tant de convictions, c’est beau.
Il aimerait être aussi fort qu’elle.
Il refuse de la regarder dans les yeux.
Il pousse devant elle un sac. Elle l’ouvre et trouve dedans l’alcool qu’il s’est acheté.
Il a tellement honte.
- Démissionne.
Il lève la tête et la regarde enfin.
- Quoi ?
- Démissionne. Dès aujourd’hui. Quitte ce job. Il pompe ton énergie inutilement.
Sur son visage nulle déception, ni colère.
Juste cette foi inébranlable.
Comment peut-elle croire en lui alors que lui-même en est incapable ?
- Et je deviens quoi ?
- Je…
Elle se mord la lèvre.
- J’attendais le mariage pour t’en parler. C’était mon cadeau…
Elle lui parle de son projet.
Elle est très intéressée par ses poules spéciales. Elle dit qu’elle a assez de ressources et d'argent pour l'aider à se lancer. Robine, son amie charpentière, lui a fait des plans pour un beau poulailler.
Elle dit aussi qu’elle va avoir besoin d’aide. La ferme marche bien. Très bien même. Les produits se vendent parfaitement. Et qu’il y a de quoi largement faire vivre deux personnes… À temps plein…
Il commence à comprendre.
Est-ce qu’elle lui propose de laisser tomber JojaMart pour venir travailler avec elle ?
Non. Ce n’est pas ce qu’elle veut. Elle lui propose plus.
Elle le veut comme partenaire. De vie et d'affaires.
Mais il objecte qu’il n’a rien à lui apporter.
Si, lui répond-t-elle. Sa force, son travail et son expérience. C’est déjà plus que ce qu’elle avait quand elle a commencé à retaper cette ferme.
Il hésite.
Elle lui montre les bouteilles d’alcool :
- Tu dois avancer. Tourner la page. Soit mon avenir, Shane. Je te tiendrai la main…
Elle lui sourit. Elle ensoleille son âme.
Quelque part, au fond de lui, il a hâte de voir la tête de Morris quand il lui balancera sa démission au visage.


A suivre…

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