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L’air frais fouetta son visage et sa longue natte noir, pareil à une promesse de grande épopée.

— Je me sens comme un aventurier, prêt à explorer des terres nouvelles, confia-t-il à Versus, hilare de joie.

Le garde lui sourit de ses petites lèvres fines et posa sur le prince un regard bienveillant d’un bleu encore plus clair que le ciel.

— Vous oubliez que vous partez étudier au lycée Féral. Ce n’est pas un amusement. Cette école est réputée dans le monde. Vos parents attendent que vous vous y teniez avec exemple. Vous êtes conscient que nous ne partons pas à l’aventure. Vous devrez étudier.

— Versus, tu es ennuyeux, bouda faussement Lueur.

Le prince opéra deux pas vers le garde, dont les cheveux blonds brillaient fort sous le soleil matinal.

Les gestes du garçon furent éloquents, presque théâtraux, alors qu’il parla à nouveau :

— Tu ne comprends pas. Même si j’y vais pour étudier, je vais voir du pays. Et pour moi, cela reste une aventure. Je me sens pousser des ailes.

— Vos ailes ? Comment ? Vous… Une mutation… bégaya le garde, prit d’une soudaine angoisse.

Un son aérien claqua contre le vent.

Lueur rit aux éclats en voyant la dizaine d’expressions sur le visage grimaçant de son garde attiré.

— Mais, non, voyons. Nous sommes en plein jour. Et puis, la pleine lune est dans une semaine. Alors toi, tu me feras toujours rire. Si tu avais vu ta tête. C’était à mourir de rire. Cesse de tout prendre au pied de la lettre.

— Et ça vous amuse de me faire de tels frayeur ?

— Mais c’est toi qui m’as mal compris le premier, le railla-t-il, en se tournant à nouveau vers la mer.

— Tu es si premier degré. C’en est presque triste. C’est pour ça que tu es encore célibataire. Comprends-tu qu’en une femme vient te faire la cour au moins ?

Le rire du prince redoubla dans des sonorités mi-grave, mi-aiguë.

— Encore une moquerie mon prince ?

Versus se posta au côté de l’adolescent, alors que Tailus restait à une bonne distance d’eux, de quoi observer les passagers et de veiller sur la sécurité du prince.

— Ce serait tellement facie de ce moquer de toi, mais ce n’en est pas une. Juste un constat. Je suis inquiet, reprit-il avec sérieux.

Le regard de Lueur changea et prit des aspects plus matures, plus mélancolique. Il rabattit une mèche sauvage derrière son oreille.

— Ne vous inquiétez pas pour moi. Je sais qu’en on me fait la cour, souligna Versus.

— Alors pourquoi êtes-vous toujours seul ?

— Parce que je suis bien seul. De plus, je ne suis pas seul. J’ai vous, mes camarades, ma famille. Je suis plus entouré que vous ne semblez le penser.

Le garde se pencha en avant et contempla le sérieux sur le visage de son prince. Ce garçon avait toujours eu cette figure. Il était à la fois, plein d’énergie, heureux pour mille milliers de personne, puis quand on ne le regardait plus, il cessait de sourire comme si le monde pesait lourd sur ses épaules. Beaucoup le pensaient joueur et tête-en-l’air, mais Versus savait qu’il pouvait être dure et froid. Une mélancolie demeurait figée dans son cœur et le garde se doutait que ce sentiment avait à voir avec la princesse perdue. Depuis le jour où Lueur avait appris à marcher et à parler, Versus l’avait souvent observé devant les statues de sa sœur. L’homme redoutait que l’adolescent ne se sente pas légitime en t’en qu’aîné de la famille.

— Qu’est-ce qui t’effraye, Lueur ? demanda le garde.

Dans l’intimité, il n’y avait plus de vouvoiement, plus de prince, plus grades.

Un soupir passa entre eux.

Le son d’une vague plus violente que les autres.

Un regard lointain et torturé.

Le prince humecta ses larges lèvres et croisa les bras sur le bord du bateau. Son dos se vouta un peu, sa tête pencha vers l’avant.

— Peut-être que je n’aime pas être seul et que j’imagine les autres ne pas aimer cela non plus.

— Arrête de croire que tu l’es. Regarde, moi, je suis là, avec toi. Il y a une heure tu étais encore dans les bras de ta famille.

— Je ne parle pas de ça. Je sais que je suis bien entouré, mais même avec du monde autour de moi, j’ai toujours cette impression d’être seul. Il fait si froid là.

Il toucha sa poitrine.

Versus resta muet. C’était un fait. Lueur lui avait déjà raconté cette sensation.

Le silence apparut et jusqu’à ce que le crépuscule s’invite, les deux hommes restèrent muets. Versus ne savait pas vraiment quoi dire et Lueur ne savait pas se faire comprendre. Il avait juste cette sensation de vide dans le cœur. Une douleur flottait en lui. Une souffrance qu’il ne comprenait pas. Il lui arrivait de se sentir inachevé. Comme s’il lui manquait la moitié de son corps, de sa raison, de sa vie. Était-ce à cause de sa malédiction ?

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