Intra-Dimensionnel
Brises de vent qui éparpillent les graines, bribes de récit qui sèment le doute. Le barde n’en sera que pourriture pour la charogne.
Pensive, Anaëlle observait la mer affamée. Sous les vents sauvages, elle avalait la plage sans retenue. Le ciel gris déversait un flot de gouttes glaciales sur le continent. Intimement, encore profondément éclipsée par le peu d’honneur qui lui restait, la jeune femme savait que tout était de sa faute. Pourtant, l’esprit de la jungle l’avait prévenu.
Brises de vent qui éparpillent les graines, bribes de récit qui sèment le doute. Le barde n’en sera que pourriture pour la charogne.
Ce monde se parait d’un moral grisâtre. Par chez elle, le soleil ne se cachait pas derrière d’immenses voluptés angoissantes. Anaëlle ne les aimait pas. La jeune femme n’apprécier pas plus le brouillard de Larialle qui prêchait la folie, mais quand ce dernier se dissiper, les plaines et la jungle se baignait des rayons chaleureux.
- Vous savez l’hiver ne dure que quatre mois ici ?
Anaëlle se tourna vers le bourgeois. Même sa parka épaisse n’avait pu le protéger de la pluie. Ses cheveux bruns ondulaient avec élégance ; quelques mèches grises s’échappaient derrière ses oreilles.
- L’hiver ? le questionna Anaëlle.
L’homme d’affaires pointa de son menton la fenêtre et le paysage qu’Anaëlle observait des heures durant. La jeune femme se retourna et posa sa main sur le verre froid de la fenêtre, sans pour autant comprendre.
- Le froid, la neige, la pluie, le vent, énuméra-t-il. Les nuages menaçants prennent leurs baluchons et s’en vont vers d’autres lieux. Après, les oiseaux se mettent à chanter, à roucouler. Les fleurs s’épanouissent sous les douces lueurs du printemps. Puis, le soleil se fait, alors, plus vigoureux et les Hommes sortent se prélasser un peu…
- Pourquoi me racontez-vous tout cela ? le coupa Anaëlle dont la patience avait ses limites.
L’homme rejoignit son fauteuil habituel.
- Parce que vous n’avez pas tout cela par chez vous, je me trompe ?
Anaëlle se retourna, intriguée. Elle n’aimait pas les questions trompeuses et celle-là en était une. Le bourgeois avait utilisé une pointe de prétention, une pincée de provocation sur la fin de sa phrase. La jeune femme ne prit pas la prudence d’y répondre, obligeant le bourgeois à prolonger sa pensée comme le faisait son sourire sur son visage.
- Il n’y a pas de saison dans votre monde ! De l’humidité, du soleil, une jungle qui prend trop de place ; vous observez le paysage d’un mauvais œil, car vous pensez que le temps ne changera jamais. Je vous assure que même si les temps doux se font tarder, ils ne prendront que quelques mois avant de revenir.
- Comment s’appelle-t-il ?
Le bourgeois s’émerveilla aussitôt.
- Vous êtes vive d’esprit !
Anaëlle n’avait guère le temps de recevoir des compliments ni des explications sur la météo locale. Cela faisait trois mois qu’elle avait quitté Larialle. Elle voulait y retourner le plus rapidement possible. Elle s’adossa, impatiente contre la fenêtre. Liosan prit son temps pour sortir un cigare, l’allumer, y tirer une taffe, la souffler et poser ses coudes sur ses genoux.
- Baltazar, commença-t-il. Il ne fut pas simple de mettre la main dessus. Ce bougre disparait en un clin d’œil. Heureusement qu’il n’est pas malin. Nous avons fini par le trouver grâce aux avis de recherche et aux habitants qui se virent étonnés de retrouver un homme au teint morbide dans leur jardin. Mes gardes l’ont assommé. C’est la meilleure technique pour le maintenir dans notre monde. Mais dès qu’il se réveillait, attaché ou non, il nous échappait. Je préfère vous prévenir : ce démon n’a pas toute sa tête. Il retourne au même endroit, cherche quelques choses, mais je ne comprends pas bien quoi… Enfin, j’ai pu communiquer avec lui au bout d’un moment. Nous avons mis en place un contrat entre nous. Vous allez pouvoir rentrer chez vous, mademoiselle Anaëlle.
La jeune femme contenue son sourire.
- Quand ?
- Dès maintenant, si vous le voulez…
Elle décolla son dos de la fenêtre pour se diriger vers la porte. Pourtant, la main du bourgeois lui saisit le bras.
- Je me suis assuré de visiter votre monde, auparavant. J’y ai même rencontré votre prince. Je crains que votre petit voyage n’ait quelque peu déséquilibré la paix qui régnait par chez vous. Vous n’arriverez pas à redresser votre principauté seule…
- Je n’y compte pas, se révolta Anaëlle prise d’une colère explosive.
L’homme d’affaires détacha ses phalanges baguées.
- Je n’ai pas retrouvé encore le meurtrier de me femme. Ce Baltazar n’y ait pas. Par contre, l’esprit vengeur qui met votre monde à feu et à sang pourrait s’y connaitre un peu plus, voire être l’assassin. Si c’est votre commerce qui vous inquiète, il ne sera rien si vous laissez vos concitoyens s’entretuer.
- Je ne veux pas être dépendante de vous.
- Et vous ne le serez pas, s’opposa-t-il. Nous serons cofondateurs d’un nouvel échange intra-dimensionnel !
Anaëlle s'immbolisa, se retourna lentement. Elle hésita un instant, puis tendit sa main vers lui.
- Bien, mais je ne compte plus retourner dans votre dimension. Appelez-moi désormais Anaëlle Louse !
- Ne vous en faite pas pour cela. Liosan Ferl !
Il sera sa main avec ferveur.
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