1.3

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Christian était monté en grade. Il gagnait beaucoup d’argent et nous vivions un véritable conte de fée. Tout roulait, sans vague. La police nous foutait une paix royale et la vie s’écoulait tranquillement. Cathy et moi devenions des amies inséparables et profitions de cette vie de luxe sans nous soucier de quoi que ce soit. Nos maris géraient.

Un après midi, je venais d’acheter un ensemble de la nouvelle collection pour Christian et pour moi. Le téléphone à l’oreille, je papotais avec Cathy d’un sujet sans importance quand j’aperçus Christian sur le lit. Il était en sang le bras en bandoulière.

— À bientôt Cathy, je te rappelle.

— Quoi, qu’est-ce qui se passe ?

Je raccrochais.

— Qu’est-ce qui t’es arrivé ?

— On est tombé dans un traquenard. Quand nous sommes arrivés sur le lieu du rendez-vous, tout le monde était déjà mort. Les fedstups étaient partout. Ils m’ont tiré dessus.

Sa tête, on s’en était servi comme d’un punching ball. Son visage était méconnaissable. Ses paupières, ses lèvres, sa joue, son nez commotionnés donnaient à la physionomie de sa face l’aspect des portraits de Fabien Delaube. Je commençais à le désinfecter.

— T’occupes pas de ça, viens on va sur la terrasse.

Il fouilla dans un sac et en sortit un portable.

— Si tu l’entends sonner, c’est que je serai mort. Il faudra te planquer dans un lieu où on ne cherchera pas à te localiser. Je te laisse quelques milliers d’eurodollars et de la coke que tu pourras vendre au besoin. Un passeport au cas où tu choisirais de changer de planète. Une clef usb que tu donneras à Paul en échange de ta vie. À Paul et à personne d’autre, t’as bien compris.

— Qu’est-ce qu’il y a sur cette clef ?

— Ça ne te regarde pas ! Et surtout n’en parle à personne. Paul pourra t’aider et je suis certain qu’il le fera.

Je regardais cet homme droit dans les yeux et dans ces pupilles là, il y avait un amour sincère.

— Tu ne dis rien ?

Sur sa gauche, sur le muret qui encadrait la terrasse en continuité des murs porteurs de la maison, il avait posé une arme de poing.

— Apprends moi à m’en servir.

Quelques matins plus tard, j’apportais un plateau pour son petit déjeuner alors qu’il dormait encore. J’avais décoré la chambre avec une multitude d’objets de récupération que j’avais peint de couleurs différentes. Je les avais posé sur les meubles et à même le sol. C’était son anniversaire. Je savais que l’agencement de ses objets disparates lui plairait.

— Et t’as fait tout ça ce matin ?

— Ça t’étonne ?

— Non ! Je suis trop en sécurité avec toi, je me ramollis. J’aurai dû me réveiller.

Je pris un couteau et lui colla sur le cou.

— Tu prends des risques.

Il me retourna sur le lit et me repris le couteau. Il le plaqua sur ma gorge.

— Tu as déjà oublié mes conseils : Ne jamais baisser la garde.

Il glissa la lame entre mes seins qu’il avait découverts. Il continua jusqu’à mon pubis. La tension augmentait. Mon corps se cabrait sous l’inspiration de sa bouche qui parcourait l’ensemble de ma peau. Je frissonnais. Il s’empara de mon bassin et caressa doucement mes lèvres avec l’extrémité de sa langue. Les frissons envahissaient mon ventre. Le plaisir montait à chaque exploration. Les doigts serraient ses cheveux que je tirais à chaque explosion. Il releva la tête et remonta vers ma bouche. Dans un dernier baiser, il me pénétra avec la puissance d’un homme dont l’amour est incommensurable. Je l’entourai de mes jambes et dans une égale harmonie, nos mouvements conjoints enflammaient notre passion et nous jouîmes ensemble une première fois. Dans cette même position, il se retourna sur le dos. Je sentis les vibrations de son sexe et je poursuivis les ondulations, les balancements, les variations, les branles et les cadences selon une progression toute féminine, régulière et graduelle, enrichie d’une sollicitude dont le soin attentif nous procura un plaisir commun et nous propulsa vers un orgasme simultané proche de l’extase. Nos âmes comblées observaient nos corps allongés, en vrac, saisis de secousses et de soubresauts. Immobiles, dans ce lit en bataille, lacés l’un dans l’autre, et pour un instant, nous renaissions à l’unisson de cette note originelle qui déployait la vie.

Le barrage craqua. Une émotion sans précédent déferla sur les digues déjà bien entamées par les peurs récurrentes de la perte de mon compagnon.

Derrière la brume de mes larmes naissantes qui stagnaient sous les paupières prêtes à couler sur mes joues, j’entrevoyais son sourire plein d’empathie.

— Tu sais, je ne suis jamais restée avec un homme aussi longtemps. Je ne faisais confiance à personne. C’est tout nouveau pour moi.

— Eh bien je suis ravi d'être celui-là.

— Les autres n’ont jamais eu la moindre attention pour moi. Ils me jetaient et me reprenaient et moi comme une cruche, j’acceptais.

— Crois-moi, tu es loin d’être idiote. Tu es intelligente, réactive, vive d’esprit. Et maintenant, tu vas te servir de ce passé pour vivre le présent, parce que toi et moi sommes ce que nous faisons de notre passé. Le passé ne doit pas être un frein pour nous accomplir mais les bases d’un tremplin pour l’avenir.

Nous étions, Christian et moi, sur la même longueur d’onde. Le passé fabriquait, pour celui qui s’enferre dans les souvenirs, le mausolée de son destin, jetant le pauvre malheureux dans les affres de la nostalgie, dans le carcan des remords. On ne pouvait pas réfuter notre passé puisqu’il façonnait notre identité. Il faisait partie de notre histoire personnelle. Mais cette mémoire nous construisait dans le temps, nous composait, nous modelait et nous transformait. Elle nous aidait à prendre pleinement conscience de nos actes, à nous affranchir de nos peurs, à légitimer nos choix. Et par conséquent, elle nous rendait libre.

— Le passé n’a d’intérêt que s’il sert le présent.

— Profitons de la chaleur bienveillante de LB35.

— Oui, tu as raison. Tu sais, j’ai peur de te perdre.

Il y a des moments où les mots ne suffisent plus. Je m’enlaçai dans ses bras.

— Nous avons le temps de vivre, aime-moi.

— Entre en moi.

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