4.2

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Les avenues des villes de LB50 étaient toujours distribuées de la même manière. Elles se croisaient à angle droit. Vue d’avion, ce n’était que parallèles entrecoupées de perpendiculaires, exceptée cette avenue large, bien entretenue où se succédaient de riches boutiques agrémentées de tours et de maisons cossues entièrement accaparées par le milieu de la finance. L’avocat chez qui je me rendais était le cabinet le plus prestigieux. Le prestige n’est juste qu’une question de réussite et de poudre aux yeux. Il n’est souvent qu’une affaire de magie, de tour de passe-passe. Le médiocre se laisse happer par le prestige, le génie, lui s’en sert.

— Je peux vous renseigner ?

— Marie Larchambaud, je viens voir Sylvain Pesti.

On prit le téléphone:

Une certaine Marie Larchambaud.... euh, bien. 10 ème étage deuxième porte à droite.

Un homme d’une trentaine d’années, bien mis, s’avançait vers moi la main tendue. Toute l’atmosphère participait à l’envoûtement. Tout semblait propre et rassurant.

— Marie !

— Sylvain !

  • Merci de me recevoir aussi rapidement.

— Et c’est normal, je suis enchanté de vous rencontrer enfin.

Le bureau était à l’image du reste, immense et clinquant. Tout dans l’esbroufe. Il y avait des photos de l’avocat. Elles révélaient un homme jeune, souriant, sportif, plein d’allant, porté sur le goût du luxe et des sensations fortes. Tout est question d’image, n’est-ce pas ?

Il farfouillait dans les documents concernant le but de ce rendez-vous. Si je n’intervenais pas, on y passerait la journée. Cela faisait parti du décorum comme ce bureau propret à l’image de tout le bâtiment.

— Je possède des actions sur LB35 que j’aimerai transférer sur LB50 pour investir dans une société de chalutier ; pour résumer le dossier. Tout cela officieusement bien entendu. Je ne veux aucune trace écrite.

— Et je préfère vous prévenir que vous allez perdre énormément d’argent dans la vente de ces actions.

— Je sais !

— Alors, je ne vais pas aller par quatre chemins. Et la vie prend quelques détours pour éclore même si elle ne mène à rien. Et c’est pour cette raison que je ne tiens pas à passer la mienne derrière les barreaux.

— Bienvenu au club !

— On ne se connaît pas, pourquoi diable m’avez-vous choisi.

— Parce que vous êtes bon dans ce que vous faites.

— Et c’est là donc, la réputation que j’ai.

— Entre autres, oui.

Il sembla satisfait de ma réponse. Inutile de lui dire qu’il était corruptible à souhaits. Dans ce bureau aseptisé, tout suintait la malversation. Tout était bon pour être riche et respectable. Et la fin justifiaient les moyens. J’aime bien ce genre de personnalité. Elle ne perçoit jamais l’enfermement dans lequel elle se place, pire que la prison elle-même.

J’aime bien aussi ceux qui respectent leurs critères moraux. Un jour, je m’étais fait sortir par un chauffeur de taxi parce que j’avais eu la fière audace de lui tendre un billet de cinq cents euros pour m’éviter la longue attente que promettait la file d’une station.

— Vous pensez peut-être que vous pouvez acheter les gens avec votre fric ?

Depuis, je me suis attachée à vérifier la corruptibilité des gens.

— Vous êtes un homme de défi, n’est-ce pas ?

— J’aime assez dénicher les failles dans la structure des lois. Et cette recherche minutieuse du détail profite à satisfaire mes clients. Et le métier d’avocat est un perpétuel défi.

— Eh bien appliquez donc cette minutie particulière, que vous chérissez tant, à mes intérêts financiers. Bien entendu, vous découvrirez beaucoup de choses sur mes activités et mes relations. Parler de nos petites affaires à mon mari ou à qui que ce soit d’autres sans mon autorisation, deviendrait, comment dirai-je, particulièrement dangereux pour tout le monde.

— Je comprends.

— Restez un avocat discret.

  • Cela va de soi
  • Je veux que rien ne transpire en dehors de ces murs.

— Tout ce que vous voudrez, mais je vous préviens, je travaille au pourcentage.

— Je n’y vois aucun inconvénient, tout travail mérite une juste rémunération, si vous êtes efficace, bien entendu.

— Bien entendu.

Je me levai. Il se précipita pour m'ouvrir la porte. Je fixai son regard.

— Croyez-moi, discret, soyez-le !

L’avocat eut un sursaut imperceptible mais assez manifeste pour qu'une sourde inquiétude tranparaisse sur ce visage satisfait.

— Je vous rappellerai.

Il fallait que je file chez le concessionnaire. Lui, je le connaissais. Il était sympathique un peu trop affable à mon goût.

— Bonjour Madame Larchambaud, toujours un plaisir de vous voir.

Sourire blancheur.

— Je pense que ce plaisir va se transformer.

— Un problème avec la voiture ?

— Ah non pas du tout. Je viens vous voir pour en commander quatre de plus.

— C’est très gentil à vous.

— Le souci, c’est qu’elles doivent être livrées sur LB35.

— Pas d’inquiétude. Nous allons faire le nécessaire.

— Parfait.

— Venez, nous allons remplir le dossier.

Le portable sonna.

— Excusez-moi.

— Je vous en prie.

— Qu’est-ce qu’il y a Paul ?

— Qu’est-ce que tu me fais ?

— Mais de quoi tu parles.

— Hélène se trouve dans tes murs. Elle a passé un coup de fil sur un portable jetable à son amie Cathy. Et devine d’où il est parti.

— Mais Paul, comment veux-tu que je le sache.

— Il venait de ton satellite relais.

— Ça fait bien longtemps que je n’ai plus le monopole de ce satellite. Depuis qu’ils ont décidé de les ouvrir à la concurrence, ils ont été rachetés par des entreprises privées. J’ai dû vendre. Tout le monde profite de ce satellite, Hélène comme beaucoup d’autres. Allo, allo. C’est pas vrai, il a raccroché.

— Allo Jahyan. T’as donné un portable à Hélène ?

— J’avais pas le choix, elle a détruit le sien pour ne pas se faire repérer.

— Elle s’en est servie pour appeler sa copine Cathy.

— Je ne l’ai jamais autorisé.

— Elle s’est faite repérer par Paul.

— Comment c’est possible ?

— Un conseil, remets là sur les rails. T'as bien compris ?

— Oui.

— Elle en est où, elle a livré ?

— Je n’ai pas de nouvelle pour… Elle m’appelle, ne quittez pas.

— Allo c’est Hélène. Il faut que tu viennes, on a failli se faire dépouiller.

— Ya un problème chez Sandrine. Je vous tiens au courant.

  • Hélène ça va ?

— Ne t’inquiète de rien, Jahyan, on a la situation bien en main.

— Parfait j’arrive.

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