Chapitre Neuf : Honte, hantise et secrets écrit par S.Styx

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Chapitre Neuf : Honte, hantise et secrets écrit par S.Styx

D'un ton qui glace le sang dans les veines, Anna lança d'une voix autoritaire et grinçante un avertissement envers Henry alors que son bras protégeait de toute hâte le petit Ethan.

- Mais que faites-vous bon sang, Henry !, s'exprime t-elle furieusement.

Elle prit Ethan entre ses bras et lui caressa les cheveux pendant un court moment. Puis, elle ajouta d'une voix sereine et protectrice quelques mots qui devaient le guider dans sa chambre, puis de fermer la porte jusqu'à ce qu'elle monte le voir.

Le vieux Henry qui ne s'attendait pas à une visite surprise, s'est tu, seules les personnes qui étaient dans la pièce pouvaient témoigner de sa longueur. Assez courts pour Anna et très longs pour Henry.

La pièce s'est d'un coup noyée dans un calme sourd, lourd et désagréable.

Alors qu'Anna, avançait dans le salon pour entamer une discussion d'adultes avec Henry, elle fut arrêtée par le son des coucous émanant d'une très vieille pendule. Elle sursauta furtivement avant de continuer son chemin. Bien qu'il ait toujours vécu dans la même maison depuis plus de 40 ans, le son des coucous était devenu le seul qui l'accompagnait dans sa vie de tous les jours. Ils étaient devenus sa seule famille. Un peu triste, mais réel.

Le vieux Henry, surpris, en colère et marmonnant des phrases et des mots que seul lui pouvait comprendre ne laissait pas Anna en placer une.

Quelques minutes plus tard et quelques verres de scotch bus. Henry soulève ses yeux et demande à Anna de lui remettre le journal du matin qu'elle trouvera par terre. Le vieux, l'avait aussi balancé dans un excès de colère.

Anna s'exécuta sans montrer le moindre désaccord.

Jetez un oeil s'il vous plaît à la 4e de couv. Anna, ouvrit le journal et le feuilleta sans se laisser distraire par l'envie de consulter la page des horoscopes. Elle est capricorne, depuis quand les natifs de cet horoscope s'exécutent illico ?

Gros titre en Maj police 48 : La honte d'une vie. De quoi parlent-ils ? Je ne comprends pas, s'exprima Anna !

Henry, lui demande subitement et d'une voix gênée de s'asseoir près de lui et si elle voulait goûter à un verre de scotch japonais Yamazaki 25 ans d'âge. Nonobstant son incertitude, sa colère et son sentiment de trahison, Anna refusa gentiment et demanda à Henry en avançant sa main vers sa canne. Que se passe t-il Henry ? Dites- moi tout et confiez-vous à moi. Qu'en dites-vous ?

Noyé dans un chagrin que seul lui pouvait ressentir, ses yeux se mirent à larmoyer et il avança : j'ai fait la guerre, j'ai combattu des milliers de soldats ... et j'ai conduit des hommes dans des terrains minés alors que les bombes s'écrasaient comme de la neige sur nous. Nous avançons tous ensemble sur les terrains ennemis pour défendre notre pays et ses alliés. J'ai vu mes soldats agoniser et mourir, ceux-là étaient les plus chanceux, alors que d'autres devaient laisser certains de leurs membres derrière eux, jours comme nuits.

Je me rappelle l'odeur nauséabonde de la chair brûlée, de la terre brûlée, je me rappelle encore le cri de nos hommes et de ceux de l'ennemi.

Quarante ans plus tard, Henry a survécu à son "holocaust", à deux épouses et à une fille qu'il supportait à peine grâce à une cave où il collectionnait ses caisses de scotch d'âge mûr.

Sa cave était ce qu'il affectionnait le plus, pourquoi aimer des personnes proches alors qu'on peut facilement noyer son chagrin dans un verre, aimer se délecter de chaque goutte au contact de ses lèvres, de sa gorge et de son oesophage.

Anna était toujours assise, l'air stupéfaite mais la tête coincée dans ses songes. Henry, ne lui dis rien, il divague et parle de guerre alors que Ethan est enfermé dans sa chambre avec sûrement une myriade de questions qui fusent dans sa tête.


- Anna, dit Henry, je vous prie de m'excuser pour cet incident, je ne sais pas ce qui m'a pris.

- Anna : Dites-moi Henry, vous arrive t-il souvent de vous mettre dans cet état avec Ethan ou avec d'autres personnes ?

- Je peux comprendre que certains traumatismes post traumatiques peuvent se manifester sans crier gare, mais comme vous le savez Ethan n'est qu'un enfant et non une éponge à problèmes. D'autant plus qu'il traverse une période assez délicate loin de votre fille et de feu votre gendre. Vous êtes sa seule famille.

- Je vous laisse quelques minutes, le temps de monter voir Ethan.

Pendant ce temps-là, les collègues de Anna frappent à la porte suite à son signalement de maltraitance sur mineur.

Madame et Monsieur Gardoque accompagnaient les deux représentants des services sociaux. Le salon, d'un coup accueillait une assemblée de personnes étrangères à Henry, le regard interrogatif qui planait dans le vide, des questions sans réponses et un air assez poussiéreux qui rendait des couleurs à des portraits de familles, à des médailles et trophées sans oublier les vieux meubles. Chez Henry, on ne sentait pas que le passage du temps, mais de la souffrance dans chaque couloir de la maison.

En principe, les portraits de famille racontent des histoires que des protagonistes souhaitent mettre en exergue, pas toute l'histoire. Si nous regardons de près ce que raconte celle d'Henry, nous survolerons le temps et parcourons une vie remplie de joie, des mariages et ses ambiances que cette même maison pouvait accueillir. Aujourd'hui, cette maison est un vestige du temps.

Des épouses et des amis aimants. Des photos d'Henry décoré, souriant et sans verre de scotch à la main. Nous y trouvons également plusieurs extraits d'articles le concernant ou pas.

Après la guerre et pendant que sa première épouse Lara était enceinte de la maman d'Ethan. Henry a décroché le poste de rédacteur en chef d'un journal local : La voix du peuple.

Ceux qui connaissaient le journal avant Henry pouvaient jurer que depuis son arrivée, le journal avait des lignes et de l'encre plus sombres bien que le papier, le grammage et le calibrage des machines étaient inchangés.

Henry n’était plus Henry, après avoir vécu des années entre les entrailles de la guerre, qui ne changerait pas d'ailleurs ?

Ses rapports avec son épouse et sa fille étaient devenus insupportables, violents. On y entendait très souvent des pleurs et des cris, des portes claquer avant la frappe d’une tempête de silence. Un silence qui vous glace le sang et qui vous fait douter, douter de vos capacités à connaître les gens qui vous entourent.

Leur demeure à deux étages était nichée au coeur d'un jardin coloré et avait une vue sur le lac. Lara passait des journées entières à lui donner vie, comme si sa survie en dépendait. Pourquoi Lara passerait-elle tout ce temps dehors alors qu'elle pouvait être à l'intérieur avec son mari ?

Lara portait souvent des habits qui lui couvraient une bonne partie de son corps, même en plein été. Elle répondait souvent que c'était pour éviter de se faire piquer par le petit peuple minuscule du jardin. Elle le disait avec un ton souriant et festif, en retour, ses voisins lui souhaitaient de passer une très bonne journée tout en la complimentant sur son jardin.

La maman d'Ethan, quant à elle, était souvent triste et ne jouait qu'avec peu de ses camarades, des camarades imaginaires à qui elle pouvait raconter tous ses secrets même les plus inavouables. Ces secrets qui vous laissent une trace gravée au plus profond de vous et que vous emmenez dans la tombe.

Le peu de soleil qui éclairait le visage de la maman d'Ethan rejoignait l'ombre à chaque fois que c'était le tour de son papa Henry de la récupérer de l'école mais personne ne voyait cela.

Tout le monde aimait et respectait Henry, ce cher Henry qui a combattu l'ennemi et qui a contribué à sauver le pays et ses alliés. Henry qui faisait tourner un journal qui créait de l'impact et faisait résonner la voix du peuple ! mais qui savait réellement ce qui se cachait derrière cette façade si bien construite ?

Retour à l'étage où Anna frappa à la porte d'Ethan d'une voix douce et calme, d'une voix d’une maman aimante même si ce n'était pas celle de la sienne, de sa maman.


-Ethan, es-tu là ? Pourrais-tu m'ouvrir ? C'est Anna.

Ethan, ne répondait pas et aucun bruit ne se faisait entendre dans la chambre.


- Ethan, mon chéri, je suis là maintenant et nous allons trouver une solution, et pour cela, j'ai besoin que tu m'ouvres la porte, d'accord Ethan ?

La porte était verrouillée à double tour. Elle ne pouvait y accéder. Anna dévala les escaliers pour demander à Henry s'il disposait du double des clés.

Henry était là, dans son fauteuil qui sentait le tabac froid et le scotch, muet comme s'il s'étouffait avec ses secrets et ses remords.

Anna s'est retournée vers Madame et Monsieur Gardoque, qui étaient autant perdus et inquiets qu'elle. Soudain, Madame Gardoque a proposé de faire appel à la petite Sophie pour essayer de discuter avec Ethan, peut-être qu'il allait lui ouvrir sa porte et son coeur ?

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