18. Carmen (Gatita)
Ils arrivèrent enfin à Gatita. Ce n’était pas du tout comme ils l’avaient imaginé. Mais s’étaient-il réellement attendus à quelque chose ?
La ville n’était pas si grande que ça et encore en ruines. Mais ce qui étonna le plus Carmen fut le nombre de personnes. Elle n’en avait pas vu autant depuis Usajiz, la ville de la première épreuve. De manière générale, la population terrestre avait drastiquement diminué après la Catastrophe Solaire et les Guerres qui l’avaient suivie. Croiser des personnes dans le Désert n’était pas chose rare, mais une telle concentration d’âmes était toujours surprenant.
Carmen observa ce qui se trouvait autour d’elle. Des dizaines et des dizaines de personnes étaient là, soit à errer, soit à attendre contre les bâtiments délabrés, assis sur les trottoirs. Leur état était variable. Certains étaient en plutôt bonne santé, d’autres couverts de sang. Des gémissements s’élevaient çà et là, constituait un fond sonore macabre. Amener des personnes souffrantes dans un décor meurtri était d’un cynisme cruel.
─ Cette ville ressemble à un lieu de pèlerinage, commenta Al, mais en moins joyeux.
Les malades les regardaient alors qu’ils passaient. Un groupe comme le leur attirait forcément l’attention.
─ Trouvons un endroit où nous établir, suggéra-t-elle, un peu mal à l’aise.
Légèrement en périphérie, ils tombèrent sur un bâtiment complètement abandonné. Seulement cinq personnes occupaient les lieux et elles n’étaient pas assez en forme pour venir leur chercher la bagarre. Ils s’installèrent au troisième étage.
Paco surveillait Yaretzi de près. Les toux s’étaient arrêtées mais sa respiration était de plus en plus difficile et sifflante. Le jeune homme lui passa le Liquéfieur au-dessus du corps. Il en était venu à le faire toutes les heures. Il posa le boîtier et lui murmura quelques mots. Il rejoignit Al et Carmen, qui regardaient une carte.
Après en avoir discuté, Carmen et Paco allaient se rendre en ville pour se renseigner sur le traitement et la manière de l’obtenir. Carmen avait dû insister pour séparer Paco de Yaretzi. Dans une ville inconnue, où le danger pouvait se cacher n’importe où, il fallait mieux que ce soit eux qui sortent pour avoir un aperçu du terrain.
Après s’être armés, Carmen et son cousin se fondirent dans la populace.
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Plus ils se rapprochaient du centre-ville, plus il y avait de monde. En suivant le cortège claudiquant des malades, ils atteignirent bientôt leur destination.
La foule se dirigeait vers une vaste place pavée, entourée par quelques immeubles d’un ou deux étages. Au milieu trônait un bâtiment massif arrondi, tout blanc avec des vitres teintées en bleu. Il détonnait avec le reste du paysage. S’il restait un tant soit peu d’argent dans la région, c’était sûrement dans ce bâtiment qu’il était parti.
Cependant, il y avait un autre problème.
Une file démesurément longue attendait devant la porte principale de cet énorme bâtiment. En y étant attentif, quelques personnes étaient invitées à entrer de temps en temps. Les cousins restèrent observer plus longtemps, à l’écart.
─ Il y a quelque chose qui cloche ici, dit distraitement Paco.
─ Certaines personnes entrent. Mais par où ressortent-elles ?
Des centaines de malades attendaient, des toussotements et des râles s’élevaient du groupe.
─ Ezi ne pourra pas attendre aussi longtemps…, souffla Paco. Et il est hors de question qu’elle attende avec ça.
Certaines personnes n’étaient pas seulement malades, elles étaient dans un état déplorable, tellement sales qu’on ne pouvait plus faire la différence entre leur visage et leurs cheveux.
Rien ne lui inspirait confiance dans ce tableau sorti tout droit d’un monde pire que les meilleures fictions. Mais Carmen avait encore besoin d’informations. Elle s’approcha donc d’un quadragénaire qui ne semblait pas encore trop atteint par la maladie.
─ Excusez-moi, que se passe-t-il ici exactement ?
─ Tout le monde attend pour être le prochain à entrer, pardi. Ça se voit, non ?
─ Mais pourquoi si peu entrent ? Et par où ressortent-ils ?
─ De ce que j’ai entendu, les doses sont produites en faible quantité. Ils mettent du temps à en faire de nouvelles donc on doit attendre notre tour. Si ça peut vous rassurer, certains n’ont pas la force d’attendre jusque-là et clamsent avant, donc on peut grappiller des places plus rapidement vers la délivrance.
Paco se détourna et partit plus loin.
─ Et leur sortie ? le recentra Carmen.
─ Aucune idée. Il doit y avoir des sous-terrain pour ne pas qu’ils ressortent avec les contaminés, allez savoir…
Elle le remercia et chercha son cousin du regard. Elle le trouva adossé contre un mur.
─ Hey, tout va bien ?
─ Plutôt oui, si j’exclue le fait qu’Ezi ne touchera jamais au traitement.
─ On va trouver une solution, Paquito.
─ J’aimerai bien l’entendre ta putain de solution.
Carmen ne rentra pas dans son jeu. Ça ne servait à rien. Ils étaient tous fatigués et Paco était particulièrement irritable depuis deux jours. Elle ne le blâmait pas.
Carmen se tourna vers ce ridicule grand bâtiment blanc. Une pensée la frappa.
─ Paco… J’ai l’idée la plus stupide de ma vie.
Cela piqua l’intérêt de son cousin.
─ S’ils ne peuvent pas nous donner le traitement, on va aller le chercher.
─ Carmen-
─ C’est la seule solution, Paco.
Elle connaissait ses idéaux et savait pour quoi il se battait. Cependant, sa réponse la surprit.
─ C’est la meilleure idée que t’aies jamais eu, tu veux dire.

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