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Ma surprise fut grande, lorsque, au bout du chemin de sable que j’avais maintes fois parcouru par le passé, je la vis, identique à mes souvenirs. Un point blanc dressé au trois quarts de la dune envahissante, juché sur ses pilotis en guise de jambes et son escalier rongé par le sable. Une étoile perdue sur fond jaune, loin de tout, solitaire comme celui qui me l’avait léguée. On pouvait dire de cette demeure qu’elle n’acceptait que les gens similaires, les êtres délaissés. Oh, ce n’était pas le paradis, je doute que cela le fût un jour, d’ailleurs, mais j’aimais vivre ici. Je l’avais abandonnée, une envie de fortune par-delà l’océan contre laquelle l’idéal d’un jeune homme n’avait pas de prise. Je m’étais jeté vers mon désir sans un regard en arrière, sans un adieu. Parti du jour au lendemain et voici que, trente ans plus tard, je revenais.

Donc, cette maison était mienne. Je la voulais délabrée, ensevelie, prête à revivre au prix de mes efforts, mais alors que j’approchais, une émotion me serra le cœur. Au sol, des dalles de cailloux lavés délimitaient un chemin sinueux, plus haut, suspendus au garde-corps, des géraniums et des dipladénias jouaient aux équilibristes, des rideaux blancs pendaient aux fenêtres. Contre toute attente, une personne habitait ici, entre ces quatre murs de bois. Au premier regard, je sus qu’elle en était amoureuse, sinon pourquoi la peinture blanche qui recouvrait les planches était-elle neuve ? Sinon pourquoi les tuiles auraient-elles été changées récemment ? Non, je vous le dis, de l’extérieur, la demeure rutilait et, sans qu’encore j’en eusse franchi le seuil, je savais, par l’éclat, que l’intérieur m’hypnotiserait.

Je gravis, à la façon d’un robot, les dix marches qui menaient au promontoire, mécaniquement, sans but, mu par le programme obsolète de la nostalgie. Celui de sentir une dernière fois mon passé et l’étincelle de mes vingt-sept printemps. Quelle drôle d’idée ! Traverser tout un pays et tout un océan pour cela. Certains nommeraient ça l’acte d’un fou d’un irréfléchi. Je ne pourrais les en blâmer, moi-même m’en faisais l’effet, revenir afin de recommencer. Ma vie tenait dans ce mot. Recommencer. Pourtant, là, quelqu’un m’avait devancé. Si au moment de frapper à la porte je me sentis un idiot, aujourd’hui, alors que je noircis ces pages, je me dis que jamais je n’eus de meilleure idée. Sans ce petit grain de folie, je ne pourrais vous conter l’histoire qui suit, celle de la fille de la plage et du chercheur d’or.

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