Tapi derrière un arbre, il observe. Dans la maison, les lumières commencent à s'allumer. Il perçoit la vie à l'intérieur grâce aux ombres qui apparaissent de temps en temps sur les rideaux.
Une pièce vient de s'illuminer à l'étage. Il sait que c'est la salle de bain. Il doit être dix-neuf heures trente, tout au moins. À sa montre, il voit affiché dix-neuf heures trente-deux. Elle va donner le bain au petit. Quinze minutes de barbotages où pas un seul instant, elle ne va le lâcher de vue. C'est une mère attentionnée.
Le mari est au rez-de-chaussée. Devant la télé, sur le bord du canapé, une manette dans la main et un joint calé entre l'index et le majeur droit. Il l'imagine. Virage à gauche, ligne droite puis encore un virage à gauche, l'homme se penche aussi, comme s'il conduisait réellement à plus de deux cent kilomètres sur un parcours plus qu'improbable. Il se remet droit, la ligne d'arrivée est à quelques mètres droit devant.
- Oooh non ! Je suis deuxième, mais d'où il sort ce connard !!!
L'homme de l'ombre attend toujours. Il sait patienter. S'il veut faire du travail propre et soigné, il doit s'y contraindre.
Il lui a fallu un an pour tout préparer. De la surveillance, un braquage pour sa touche personnelle (pour que le commanditaire sache bien qu'il en était l'instigateur et être payé) et ce soir serait le grand soir. Une tâche de routine.
Le contrat était clair. Aucun survivant. Ils n'étaient que trois. Plutôt deux et demi, le petit serait le plus facile.
La lumière s'éteint à l'étage, une autre s'allume dans une pièce du fond. La chambre du gamin. Elle va l'habiller. Quinze minutes plus tard, après avoir bataillé avec le petit monstre qui ne fait que gigoter au lieu de laisser mettre son pyjama, ils descendent. Elle le pose dans le trotteur. Il pleure, il est fatigué. Elle va préparer le lait.
- Qu'est-ce que t'as bébé ? Il a faim ? C'est ça t'a faim ?
Toujours les yeux rivés sur son écran, les mains occupées. L'homme parle à l'enfant en prenant cette voix niaise que prennent les adultes quand ils s'adressent à un bébé.
Elle revient, un biberon à la main.
- Tu dis bonne nuit à papa ?
Rien.
Il a détourné deux minutes les yeux le temps de souhaiter une bonne nuit à son fils et y rattache son regard, quand la femme part.
Elle redescendra pour dîner, seule. Ensuite, s'installera dans un des fauteuils avec un roman, puis vers vingt-deux heures montera se coucher.
Lui éteindra la console deux heures plus tard. Mettra une chaîne au hasard en mangeant. Se roulera un dernier splif avant de dormir.
À trois heures le travail fut fait.
Dans le lit conjugal, on découvrira le couple assassiné de plusieurs coups de couteau, l'homme aura la gorge tranchée. Dans le berceau, un corps sans souffle. Étouffé par un oreiller.
Les enquêteurs retrouveront sur la table basse, bien empilés des billets de cent euros. Aux total quatre milles. Avec un mot imprimé sur une feuille blanche.
« Sa dette est payée ».