023 - un monde en paix
On se mélange tendrement. On en oublie le brisim. On n’ a plus besoin de ça pour jouir dans notre intimité. Le temps des saillies primaires est révolu. À la toilette on se défait les nattes et on se coupe les cheveux pour les laisser tomber juste sur les épaules avec plus de volume pour suivre les courbes de nos corps qui s’arrondissent. Grace à notre régime alimentaire soutenu, on n’est plus des brindilles fragiles, on se tient droite et fières face au vent, les pieds bien ancrés dans le sable face à la colère de l’océan. Sur notre plage 44, main dans la main, on tend l’autre face à nous et tout se calme, les nuages se dispersent et le soleil bleu dans le ciel jaune nous éclaire de sa lumière blanche. Et quand on s’embrasse le ciel pleure de nous sentir si heureuses sous sa pluie.
- Je me sens tellement différente avec cette nouvelle coupe.
 - Tu es différente, plus belle encore.
 
C’est ce qui ressort de la séance photo pour le magazine de l’Ouest dont on fait la une. La brune et la blonde, dans les bras l’une de l’autre. Une has been de la deuxième vague et une marginale transgène, confinées en 44.
- Si je suis là, à l’Ouest, c’est pour Jenna, être avec elle, tout le temps.
 - Pour moi, Greta a toujours été là, je suis une descendante de la V2.
 
Il y a une captation audio et vidéo également. On nous présente comme l’alternative, spirituelle et politique. On raconte qu’on se vit aussi l’une l’autre comme une alternative. Et on en dit pas beaucoup plus, on ne veut pas d’un numéro spécial, juste un article non exhaustif. Pareil pour les autres supports. Quitte à les recevoir à nouveau prochainement, ou pas. Nous souhaitons rester en dehors de la scène, au fond des coulisses, pour vivre heureuses et cachées mais tout de même existantes, au cas où, être éventuelles plutôt qu’institutionnelles.
- On vous laisse parce qu’on doit faire l’amour, se laver et manger avant la sieste où on se réveille pour refaire l’amour, se relaver et remanger.
 - C’est notre cycle, celui de nos corps, « livrés » pour nous, les fluides de notre alliance, polaire et éternelle, versés par nous et pour notre Fémunité. En absence de tome 9, nous faisons cela, en mémoire de nous.
 
Celles qui connaissent la B2 auront la référence. On est des Déesses. Les plus fortes de l’occulte. On a Gaïa en nous et Gaïa nous a en elle avec toutes ses bonnes ondes que l’on reçoit et qu’on renvoie en son cœur. En attendant, nos corps font leur prière, quatre fois par jour pour endormir nos esprits et adoucir nos âmes des caresses à recevoir et à donner, à transmettre à l’éternité dans l’espoir d’un monde en paix.
## Analyse du chapitre « Un monde en paix »
Ce chapitre représente l'apogée de la quête de Jenna et Greta : l'atteinte d'un état de plénitude, d'harmonie et de souveraineté paisible. Il décrit la concrétisation de leur « retrait stratégique » non pas comme une fuite, mais comme l'établissement d'un mode de vie devenu en lui-même un acte politique et spirituel. Elles ne sont plus dans les coulisses ; elles sont les coulisses, la source cachée qui influence le monde par leur simple existence.
# Symbolique des événements et thèmes majeurs abordés
1. **La transformation corporelle comme ancrage**
La coupe de cheveux et les corps qui « s’arrondissent » symbolisent une maturation et un ancrage terrestre. Elles ne sont plus des « brindilles fragiles » mais des êtres « droits et fiers », solidement plantés dans la réalité de Gaïa. Leur transformation esthétique est le signe extérieur d'une paix intérieure acquise.
2. **La maîtrise de l'environnement et la symbiose avec Gaïa**
Leur simple présence sur la plage (« on tend l’autre face à nous ») a le pouvoir d'apaiser les éléments. Cette scène montre qu'elles ont atteint une symbiose parfaite avec la planète. Leur amour et leur équilibre interne se reflètent directement dans l'équilibre de la nature qui les entoure. Elles ne prient plus Gaïa ; elles sont sa prière incarnée.
3. **Le paradoxe de la médiatisation discrète**
Accepter la une d'un magazine tout en souhaitant « rester en dehors de la scène » est un acte délibéré. Elles utilisent les médias non pour se mettre en avant, mais pour affirmer l'existence d'une « alternative ». Leur image devient un symbole de possibilité, une présence « éventuelle » bien plus puissante qu'une autorité « institutionnelle » car elle repose sur le mystère et le désir.
4. **Le cycle sacré : Amour, Nettoyage, Nourriture**
Le cycle qu'elles décrivent (« faire l’amour, se laver et manger ») est érigé en liturgie. C'est le « tome 9 » vivant qu'elles opposent à la Bible absente. Leurs corps « font leur prière » à travers ces actes simples et sensuels. La spiritualité n'est plus une croyance, mais une pratique corporelle répétée, un rituel d'entretien de la joie et de la connexion.
5. **La Fémunité comme œuvre d'éternité**
Leurs fluides partagés sont les « fluides de notre alliance », versés « pour notre Fémunité ». Leur amour dépasse le cadre personnel pour devenir un acte fondateur et nourricier pour toute leur civilisation. Elles sont les déesses qui, en s'aimant, entretiennent le champ énergétique de Gaïa et de la Fémunité.
# Bilan sur chaque personnage présent dans ce chapitre
- **Jenna**
A trouvé sa place définitive. Elle n'est plus l'Ambassadrice, la mère inquiète ou la narratrice réticente, mais la moitié d'un couple divin, sereine et radieuse dans sa vie avec Greta. Elle assume pleinement son rôle de figure alternative et occulte.
- **Greta**
A achevé sa transformation de force tellurique parfois chaotique en partenaire stable et apaisée. Son affirmation « Si je suis là, à l’Ouest, c’est pour Jenna » montre que son ancrage n'est plus seulement planétaire, mais aussi profondément relationnel.
# Conclusion philosophique
Ce chapitre propose que la paix mondiale n'est pas un traité ou une victoire, mais un état d'être qui rayonne depuis un point de quiétude absolue. Jenna et Greta ont canalisé leur puissance de déesses non pas pour gouverner, mais pour incarner un idéal : une vie réduite à l'essentiel, rythmée par l'amour, la purification et la nourriture, dans une symbiose parfaite avec leur monde. Leur « monde en paix » est d'abord le leur, et c'est par contagion de cette paix intérieure, diffusée par leur simple image et l'harmonie qu'elles génèrent autour d'elles, qu'elles contribuent à l'équilibre de Gaïa. Le pouvoir ultime est de se rendre superflu aux institutions tout en devenant indispensable à l'âme du monde.
# Suite imaginée (en une phrase sous forme de question)
Et si cette paix rayonnante qu'elles dégagent commençait à attirer non plus des journalistes, mais des êtres de pure énergie, des consciences éthérées de Gaïa venues se nourrir de leur harmonie pour guérir les dernières zones troublées de la planète ?

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