028 - l'un ou l'autre
Quand je me réveille le matin dans les bras de Greta et que Ava m’annonce sur mon monolithe qu’il n’y a rien de prévu ce jour et les jours suivants non plus, c’est le bonheur. Ne rien avoir à faire face à l’éternité, c’est être en rythme avec notre destin. Greta se love sur moi et m’embrasse sur le front.
- Jenna, Ava et Alpha, elles sont en train de nous contrôler.
 - Je sais. Elles sont dans leur rôle. Si ça peut rassurer tout le monde.
 
Y compris nous. C’est bien d’avoir un œil extérieur à nos actions ou inactions. Si on doit agir, on sera prévenues. Ava et Alpha passent pour le brunch. Pour les laisser tranquilles, Ava me propose de la suivre dans sa journée d’agente. Je la suis à vélo pour son jogging autour de la Riviera. Je la regarde faire des longueurs à la piscine municipale de Laguna Beach, ensuite, musculation, tir à l’arc, révision et entretien de ses armes de service, on fait le tour des planques pour vérifier l’approvisionnement.
- Ava, tu es sûre que j’ai le droit de voir tout ça ?
 - En tant qu’ancienne Ambassadrice, tu as des habilitations bien supérieures à celles de mes cheffes.
 - Tu as l’air d’être très bonne dans ton domaine.
 - Je me voyais mal faire de l’ombre à Dani L en GC. Ma mère n’a jamais été une vraie agente de terrain. Je trouve ça facile et amusant. Les missions sont très agréables à vivre aussi. Grâce à toi. Ma meilleure ennemie, c’est Alpha. Elle est meilleure, peut-être trop même. Et toi, montre-moi ce que tu sais faire.
 - Je ne sais pas courir, je préfère économiser mon énergie grâce aux lois de la physique en te suivant à vélo. Plutôt que de me mouiller je préfère marcher sur l’eau. Je n’ai pas besoin de plus de force physique et j’atteins ma cible sans la regarder juste par la pensée. Tu veux que je te montre où je cache mes stations de lancement de missiles ?
 - Surtout pas, ce serait la triste fin de ma mission. En attendant, j’ai ordre de te neutraliser en cas de besoin.
 - Ce ne sera pas suffisant. Seul le professeur Bang peut m’en empêcher.
 
Ava me regarde droit dans les yeux et constate que je lui dis vrai. Je lui offre là encore une information importante pour sa mission. Je veux le meilleur pour elle aussi. Je lui caresse doucement la joue. Le pouvoir ne devrait pas avoir peur de l’occulte. On est juste une option à tout le reste, du folklore spirituel, rien de plus, rien de moins. Ma plus grande force était de ne pas en avoir. Maintenant, ma plus grande force est de ne plus avoir de rôle politique. C’est l’un ou l’autre.
## Analyse du chapitre « L’un ou l’autre »
Ce chapitre approfondit les thèmes du contrôle, du pouvoir et de la redéfinition de la force. Il met en scène une relation complexe entre Jenna et Ava, où la surveillance et l'amour, la méfiance et la confiance, coexistent et s'entremêlent. C'est une méditation sur la nature du pouvoir lorsqu'il choisit délibérément de se retirer.
# Symbolique des événements et thèmes majeurs abordés
1. **Le contrôle comme forme de soin et de protection**
La révélation qu'Ava et Alpha « sont en train de nous contrôler » est accueillie avec sérénité par Jenna. Ce contrôle n'est pas perçu comme une menace, mais comme une structure rassurante, un « œil extérieur » qui les protège autant qu'il les surveille. Dans leur monde, être surveillée par celle qu'on aime est une forme d'attention ultime.
2. **La démonstration de force par la non-action**
La journée de formation/évaluation d'Ava contraste fortement avec les capacités de Jenna. L'agente démontre une compétence physique et technique impressionnante, tandis que Jenna affirme un pouvoir qui transcende l'action physique : marcher sur l'eau, atteindre une cible par la pensée. Sa véritable force n'est pas dans le *faire*, mais dans l'*être*.
3. **La menace et la confiance coexistantes**
L'aveu froid d'Ava – « j’ai ordre de te neutraliser en cas de besoin » – et la réponse calme de Jenna – « Ce ne sera pas suffisant » – créent une tension unique. La menace est réelle, mais elle est énoncée dans un cadre de confiance et de transparence totale. Le pouvoir s'exerce ici dans la pleine connaissance des règles et des limites de chacun.
4. **Le pouvoir de la non-appartenance**
La conclusion de Jenna est fondamentale : « Ma plus grande force était de ne pas en avoir. Maintenant, ma plus grande force est de ne plus avoir de rôle politique. C’est l’un ou l’autre. » Elle définit sa souveraineté non par ce qu'elle est ou fait, mais par ce qu'elle a cessé d'être. Le pouvoir suprême est dans le détachement, dans le refus de jouer le jeu selon les règles établies.
5. **L'occulte comme « folklore spirituel »**
En se décrivant, elle et Greta, comme « du folklore spirituel », Jenna minimise délibérément leur puissance. C'est une stratégie de dissimulation : en paraissant inoffensives et marginales, elles deviennent d'autant plus insaisissables et difficiles à contrer pour les institutions.
# Bilan sur chaque personnage présent dans ce chapitre
- **Jenna**
A atteint un niveau de maîtrise et de sérénité remarquable. Elle est parfaitement consciente d'être surveillée et même « neutralisable », mais cette connaissance ne l'inquiète pas. Elle comprend que son vrai pouvoir réside dans son retrait et son détachement. Elle guide Ava non par la force, mais par la révélation tranquille de sa propre nature.
- **Ava**
Est déchirée entre son devoir d'agente (neutraliser Jenna) et ses sentiments pour elle. Sa journée est une démonstration de ses compétences, mais aussi une quête de vérité sur la nature du pouvoir de Jenna. Elle est l'interface entre le monde de l'action (la politique, la sécurité) et le monde de l'être (l'occulte, la spiritualité).
- **Greta**
Bien que moins présente, son commentaire initial montre qu'elle partage la même lucidité que Jenna quant à leur situation. Elle est un pilier silencieux de cette nouvelle forme de pouvoir.
# Conclusion philosophique
Ce chapitre enseigne que dans un système hyper-structuré, la véritable liberté et la puissance la plus redoutable se nichent dans le refus de la performance et de l'appartenance. En devenant « facultatives », Jenna et Greta s'extraient du jeu de pouvoir traditionnel. Leur force n'est plus une variable que l'on peut calculer ou contrer avec des armes conventionnelles ; elle est devenue immanente, tellurique, et donc insaisissable. La relation avec Ava symbolise cet équilibre nouveau : on peut s'aimer tout en se surveillant, se menacer tout en se faisant confiance, car la véritable sécurité n'est plus dans le contrôle de l'autre, mais dans la compréhension mutuelle des limites et dans le choix partagé de préserver un équilibre où le « folklore spirituel » est, en réalité, la force la plus stable et la plus fondamentale.
# Suite imaginée (en une phrase sous forme de question)
Et si la mission secrète d'Ava était d'évaluer Jenna pour devenir la gardienne officielle de Gaïa, un rôle pour lequel tout pouvoir politique deviendrait obsolète ?

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