Moi, moi et eux
Je décide de tenter de parler à la psy. Moi, moi et eux. Ou eux, eux et moi. Ou bien encore, moi, moi et encore moi…
— Andréa peut venir si tu préfères ou bien tu désires la voir dans son bureau ?
— Bureau.
Zoé m’accompagne dans le fauteuil, ajuste la couverture sur mes bras maigres. Je n’ai pas vraiment dormi, trop peur, trop de visions, trop vigilante et ce monstre en moi, je veux m’en débarrasser. On ne m’a pas refusé un biologique, cependant, j’ai à peine repris cinq kilos, insuffisant pour estimer une opération.
— Bonjour Marta, tu veux qu’on se tutoie ou je te vous vouvoie pour nos séances ?
— Tu…
— Bonne séance Marta, je viendrais te chercher dès qu’Andréa m’aura appeler, d’accord ?
Je ne réponds pas, me concentrant sur mes pansements sur mes mains puis sur le carnet de note sur le bureau de la psychologue. La porte se referme en douceur et la femme de l’âge de ma mère, s’installe en douceur en face de moi.
— Avant de démarrer là séance, sache qu’ici comme toujours, tu peux ne rien dire, tout me dire. Je suis là pour t’accompagner à faire face à tout ce que tu as traversé. Parler de toi au passé, au présent et au futur. Il y a pas de conséquences à des rechutes, des refus d’avancer. Tu peurs avoir peur, être en colère, pleurer, tu es libre également de stopper la séance, de ne plus me voir. Enfin, toutes tes questions seront répondus.
— Je…je voulais tenté mais, perdu habitude donner avis.
— Acceptes que je te prenne des notes ? Se sera un suivi pour nos prochaines séances.
— Oui, peux tutoyer ?
— Aucun problème.
— On va parler de quoi ? S m’angoisse, N dans l’ombre, pas parler tôt d’eux.
….
S et N, elle parle en code. Elle pense ne prend aucune initiative, hors le rdv et ça, indique tout le contraire. Les deux hommes sont toujours recherché, Interpol traque et je me doute bien qu’elle parle de Sergio Ramirez et Nicolas Andros.
— De quoi tu voudrais qu’on parle ?
Elle se préoccupe de ses doigts manquants, une longue pause avant de souffler une réponse inattendu dans une phrase pour une fois, bien construite.
— Des deuils entre mes treize et dix ans.
Je pensais qu’elle voudrais que je lui pose une question. Si elle parle de pertes, c’est une porte qu’elle me donne pour découvrir ses modes de fonctionnement face à des traumas à un si jeune âge. Je redoute qu’elle ne va pas mentionner les décès assez communs de grands-parents par exemple. Enfin, communs, chacun réagit à sa manière.
— Tu en avais connu combien ?
— Trois. Emilia, suicide, treize ans, enfin, je pense toujours que ce sont ses parents qui l’avaient battu à mort, aucune preuve malgré les bleues. Elle disait que c’était les grands. Adela m’a sœur n’avait plus donné de nouvelles, partit déjà de la baraque, chute quand j’avais douze ans, lors d’une représentation, j’ai su plus tard, quand on s’était retrouvé, qu’elle avait plongé comme Obélix dans l’alcool, aucune aide poussé des parents.
Ses mains se crispent, sa bouche également. Est-ce un lien avec les parents ? Ou la sœur ?
— Tu veux me citer les autres deuils ou bien parler de ta sœur ou tes parents ?
— Dès quatorze ans, j’avais tenté d’en finir avec la vie. Des médocs, de l’alcool, vers quatre heure du matin. Nos parents voulaient que j’avance, que je travaille dur, que ma sœur était déjà grande avec sa vie à vingt-cinq ans ! Personne ne pigeait mes peines ! Même mes anciens amis, voyant que je n’avais pas pleuré, se sont retourné. J’avais espoir de voir Adela, j’avais sonné chez elle, personne. Puis, elle était là, dans une boite de nuit, un bar et putain de merde, Sergio, je crois qu’il était là ! Merde ! Elle était plus mon idole…Mais l’idéale. Une fois un peu de considération, j’ai repris la danse, le chant, écris, baiser, vécu. J’avais aimé Alvaro, entre quinze et seize ans, trop d’amour, je sais bien que je suis jalouse, il s’est tué lui-même par la fenêtre pour me faire payer ! Il a fait ce con là ! Hop là ! Clips, danse, weed, baise, prostitutions volontaires, petit concert, rébellion, sagesse pour les exams de l’école des Arts de la Scène de Sainte parfaite, Carmen Arranz pour mes dix-neuf ans ! Non ? Ho, jamais deux sans trois ! Émeute, pote mort sur place, rappeur, deux chansons. Recommencer ? Merde, avenir à tracer. Ma sœur revu, professeur depuis un an à l’école, là où elle était l’une des meilleurs élèves, je suis rentrée, j’ai tout donnée. Quatrième année, Roberto redouble pour moi, en couple, maladie du cœur. Effets secondaire, maladie, procès, N revient, découvert de S, carnet, pas su dire non par peur, rien dit personne. Tenter, se faire confiance, stabilité, stupidité, regrets, premiers fouets, rituels, l’Elue, protection sœur club, deux mariages, sang, viols, se taire, mal tué, vol preuve mallette eau, fuite, prévenir, être punis, rasé, amputations droite ou gauche, pareil, viols, coups, humiliation, froid, faim, laisser pour morte, survivre alors que d’autres sont morts pour moi, ici, maintenant, pourquoi moi, où aller, fatigue, merci au revoir, avancer, tenter quelque chose pour être moi enfin.
Elle reprend son souffle sans n’avoir versé aucune larme. Fixant cette fois le sol. Tout ce qu’elle a contenue, sort enfin. Une fois relu ce que j’ai écris en même temps, je laisse passer un peu de silence avant de proposer :
— Tu veux boire de l’eau avant de continuer ?
Je note le refus et continue de l’observer pensive. La sécurité reste le point important autant qu’un autre point crucial qui est revenu. Ses parents, il faut que je creuse sa relation avec eux.
— Tu es d’accord pour parler de tes parents ?
Elle lève un rare point d’interrogation en relevant la tête.
— C’est important ?
— Tu as mentionné que ces derniers n’ont pas été très à ton écoute quand tu étais jeune. J’aimerais en savoir plus.
— Ils travailleurs beaucoup de travail, exigeant et avec ma sœur, ont l’avaient bien appliqués tout ça. Ils, je pense, refusaient qu’on chute, littéralement ou pas. Adela l’a subit cette deuxième mains de ma mère trop tard et mon père lui a pardonné quand je l’avais exigé…
— Et toi, oublie ta sœur. On parle de toi et eux. Tu étais quand même proche pendant l’absence de ta sœur ou au fur et à mesure, tu t’es éloigné ?
— Trop sur mon dos, la rébellion jusqu’à l’entrée à l’école. Tant que je simuler la sagesse, que je travaillais bien en danse, durant mes études pour avoir un super dossier, voilà quoi.
— Avec ta mère c’était quelle relation ?
— Normal quoi, fusionnelle.
— Et ton père ?
— Pareil.
— Tu te souviens de leurs réactions quand tu avais perdu ton amie ?
— Le deuil c’est la vie, tu en auras d’autres, apprend à le surmonter pour lui rendre hommage.
— Tu as parlé de tes anciens amis, qui t’avaient laissé tomber. Mais, l’école, là aussi, tu te rappel de leur réaction ? Ont-ils par exemple, mis en place, une cellule de crise avec la psychologue ? Mis en place un plan d’action pour t’épauler ainsi que les autres élèves ?
— Je crois que oui, j’ai refusé, j’ai appris à avancer seule, montrer seule.
— Tes parents ont-t-ils changé de comportements dès ton entrée dans cette grande école ?
…
Ses questions m’épuisent et pourtant, j’ai quand même un plaisir de lui répondre. Tant que je ne parle de ces montres….
— Pareil, protecteur et ça faisait du bien.
Elle bouge juste de la tête parfois, écrit et rien ne m’aide à comprendre en quoi, remonter le fils de ma vie, peut m’être utile dans mon état de cadavre…Ou alors, elle me l’a sûrement expliqué, j’oublie parfois.
— Ils me manquent….
Je pleure enfin, juste quelques larmes. Elle me donne un mouchoir, je le saisie tremblante et je sens que oui, pleurer c’est bon, c’est tout simplement, moi.
— Comment tu te sens quand ils viennent te voir ? Vous faites des activités ? Vous parlez juste ou alors, tu as besoin de silence tout en gardant leurs présences ?
— Besoin d’eux, de leurs mains, leurs silences parfois, leurs tendresses. Avant, à cause de S, j’avais peur de papa. Maintenant, je demande, je souffle, ils me pardonnent et comprennent que j’étais sous emprise, ils ont toujours gardé une place.
— Est-ce que tu leur as déjà dit « je vous aime » ?
— Avant tout ça, oui, je crois. Là, ça coince. Ce n’est pas grave ?
— Aucunement, les gestes comptent autant. Je pense qu’on va s’arrêter là, je vois de la fatigue, vingt-minutes est déjà passé.
— Oui, repos, mal dormi.
— Avant qu’on se quitte, veux-tu partager quelque chose à travailler ensemble là prochaine fois ?
— S m’avait donné un carnet à remplir, même Roberto, ni ma sœur, en fait personne, n’ont jamais su de mes secrets, mes rêves et tout. Il m’a dit que c’était un travail en commun tout en voulant que je lui rend services pour m’éveiller, se prostituée au début, au club, collier rose, danser, chanter, rien dire parfois, argent pour lui. Il s’en ai servit je crois deux fois, la dernière durant ma dernière longue punition.
— Dans ce carnet, as-tu parlé de ces deuils par exemple ? Et de la relation avec tes proches ?
— Oui
— Tu voudrais donc qu’on parle de ce carnet ou de S ? Roberto peut-être ?
Je prends mon temps. Sergio j’avais pourtant dis, trop tôt, sauf que je dévoile, ça me soulage aussi.
— Aucune idée, Roberto est à nouveau mystère mais, je suis perdue. Tu pourras poser les questions en début et moi, verrais si oui ou non ?
Elle accepte, je souffle assez bien, ici, on m’écoute. Bien que j’ai l’angoisse de tout, personne ne me punis car j’ai parlé, on me respecte, je suis une patiente, je suis comme les autres. En morceaux.
De retour dans ma chambre, Adela m’attends et me lis une histoire le temps que je me rendorme. Trop fatiguée pour manger un peu de vrais nourritures, la sonde me suffit et ma sœur m’avait manqué aussi.
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