Assise sur le parquet de la salle de danse, me procure une immense joie. La glace reflète mes vingt ans. Deux semaines ici, où je bosse. L’été a fermé les lieux et j’ai le double des clefs, confié par ma sœur. Directrice ici à la place de la sainte Carmen qui nous avait quitté, il y a six ans. Silvia en ai la co-directrice. Le temps n’a pas dénaturé le prestige de l’école, bien qu’il a fallut moderniser certaines parties.

Vais-je vraiment danser ? Mon corps me donne des raideurs et j’ai bien plus personne du passé qui approuve le projet. « On n’a passé l’âge Marta. Oui, on te pardonnes, à quinze comme à vingt, on était con. Reposes-toi ou danse juste pour toi ».

Je tiens pourtant à me prouver que j’en suis capable, alors je lance le dernier morceau, du rock. La playlist n’a aucun sens, je m’en fiche, je continue à plus faire du n’importe quoi que de la vrai chorée.

— Merde ! Putain de merde ! Casses-toi !

— Marta attention ! Tu t’es fait mal !

Silvia entre en trombe pour constater les dégâts sur ma main gauche légèrement en sang et mon pied droit, dont j’hurle de douleur. Le miroir a connu ma rage.

— J’ai pris des congés mais c’est à mon retour il y a trois heures, que j’ai su par Adela que tu avais domicilié ici. Tu es aussi têtu qu’elle ! Pourquoi tu n’as écouté personne ? Danser alors que tu as encore un mois de guérison.

— Un mois proche de la mer, mes enfants me manquaient, ma routine surtout. J’ai promis à ma fille et son amie, de faire un concert. Seule car plus personne ne veut refaire une scène…Putain que ça fait mal !

— Marta, je sais ce que c’est dur à admettre mais la danse dans cette exigence-là, faut oublier. Chanter ok, ça c’est envisageable. Bon, tu peux te lever ? Parfait, je te ramène, ça ira pour marcher un peu ?

— Tu es était là cette nuit…

….

Elle me l’a jamais rappelé, j’en n’avais de toute manière pas le courage comme l’utilité. Oui, cette nuit me hante parfois. Sa nudité, sa peur, sa dévotion calculé envers ce fou. Et les jours suivants, où Roberto n’était plus le même. Il n’y croyait finalement plus à l’espoir de la retrouvée entière.

Marta était aussi meilleur que moi et elle a tout perdu rapidement. Dans les années après la naissance de sa fille, elle ne parlerait pas avec nous. Les yeux dans le vague ou en direction de Luna.

En fait, elle se réveille vraiment plus qu’avec ses enfants. Le nombre de fois que Roberto m’avait conté qu’elle se mentait. Évidemment, quand elle sortait, elle était en hypervigilance et Sergio n'a jamais quitté son esprit.

Alvaro aussi comme Roberto, avait remarqué qu’elle griffonnait, écrivait voir peignait pendant des heures. Elle passait aussi du temps à caresser chaque blessure…La voir danser est pour le signe qu’elle arrivera jamais à faire le deuil de Roberto.

Moi, j’ai encore du mal sauf que je n’ai pas le cumul de ses traumas. Je la comprends, à sa place, j’aurais agit pareil. Pour la soutenir, il faut tenir. Je continue de travailler, de sortir et faire avec mes possibilités.

Oui, c’est bien ça. Elle ne l’a jamais intégré, toujours nié ses handicaps. Luna aussi, elle veut bien faire en voyant sa mère en survivante.

— Luna va s’en vouloir…elle m’a convaincu….

— Ta situation m’a traversé l’esprit tu sais. Luna n’est qu’une ados, elle pense t’aider en te voyant comme sa super maman. Elle oublie que tu as des handicaps. Oui, on peut danser avec des difficultés sauf que déjà, ton pieds n’est pas guérie et de deux, il me semble que bien que tu remarches normalement, le médecin t’a déconseiller les sports qui utilisent trop les articulations, le corps en général non ? Hormis la piscine, les sports doux.

— Oui, je suis âgée, j’ai pas remis des chaussons, fait des étirements depuis mes vingt ans. Oui, quand je cours, je tombe, je souffre. Oui, je suis nie les choses. Je ne compte pas mourir bordel ! Je continue de me soigner proche des miens, je tiens pour aussi Roberto. Je voulais prouver à ma putain de fille que sa mère qu’elle a vu en vidéo peut reproduire l’impensable ! Une dernière putain de danse !

— La dernière veut tout dire Marta. Bon, on arrive à l’ascenseur, tu es venu avec un taxi non ?

— Oui. Je vais m’excuser auprès d’Adela qui garde les petits. Luna est partit en colo avec son amie pour deux semaines tu sais.

— Et Alvaro ?

— Tu crois que je peux accepter sa demande en mariage ?

— Putain Marta ! Je pourrais t’engueuler un moment toi ! Tu le dis d’une telle manière que j’ai l’impression qu’on parle météo ! Il n’y a que toi qui donne une réponse. En tout cas, moi, votre relation avec Alvaro alors que Roberto était malade m’a jamais choqué. Justement parce que Roberto savait sa fin, connaissait bien Alvaro et te faisais confiance. Je te rends le sourire, c’est déjà ça. Bon, je te ramène donc à la maison et tu ne reviens plus ici en douce le soir, ok ?

— Tu vas activer les caméras ?

— La meilleure dans le domaine.

— Adela, l’indémodable ! Merci en tout cas, sinon j’aurais galère pour revenir. Alvaro est en soirée avec des potes donc je n’aurais compté que sur moi.

Une fois bien rentrée, je refais un deuxième voyage pour lui ramener ce qu’elle avait laissé. Puis, je rentre chez moi fouiller des archives avec mon ex Roberto, mon ami fidèle et ses confidences sur celle qui l’a changé à jamais. « Elle voulait une dernière danse si jamais elle ne revenait de Barcelone pour l’opération. Cette fois, c’est moi qui lui demande, je sais que je ne reviendrais plus. Mais, je sourirais quand même, elle danserais jamais seule. Alvaro sera là pour ses nuits, ses jours et l’éternité qui lui restera. Elle mérité d’être aimé, elle a toujours voulu. Moi aussi, je l’ai toujours demandé, je l’ai eu et j’en suis fier d’avoir fondé une famille »