Nant-tref

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Sael dormait n'importe comment, ses jambes enroulées dans le drap bleu du lit, les bras passés autour de son oreiller. Les cheveux noirs de l'adolescent luisaient à la lumière du soleil filtrant par le hublot de l'étage, un point blanc à la racine.  

Il semblait plus jeune endormi, ou peut-être retrouvait-il son âge, les traits de son visage détendus par l'innocence du sommeil, le frémissement de son nystagmus imperceptible sous des paupières closes.  

On n'entendait rien, pas même la forêt. Dans cette chambre d'enfant où Wyndt revoyait, en souvenirs indistincts, le fantôme d'Eleanor, cet adolescent trop grand mais pas adulte encore aurait pu déparer. 

Il lui fallut un moment pour se résoudre à s'approcher du lit, à s'asseoir silencieusement au bord, à lever une main pour lui toucher l'épaule, doucement, gentiment, surpris autant que l'adolescent par son sursaut au réveil, par la transformation rapide de son expression endormie en renfrognement suspicieux.  

Dolce leva les oreilles puis la tête lorsque son compagnon poussa la porte du rez-de-chaussée, présence familière qui le rasséréna, qu'il remercia d'une caresse avant d'aller se faire un thé. 

Alors qu'il regardait gonfler les feuilles dans sa tasse, il entendit remuer derrière lui. Sael venait d'arriver par la porte de l'étage, ses cheveux humides sentant la teinture.     

« Je ne sais pas trop ce que tu aimes », déclara Wyndt en désignant la table. « Je t'ai fait des œufs au plat avec du pain grillé. »

« J'aime bien les œufs », dit Sael en s'attablant tranquillement avant de se servir un grand verre de lait. Il fronça cependant les sourcils lorsque Wyndt posa l'assiette devant lui, titilla le jaune tremblotant du bout de sa fourchette comme s'il n'en avait jamais vu de sa vie.   

Le garde-chasse esquissa un sourire fatigué. « Tiens, si tu veux en mettre dans ton lait », proposa-t-il en lui tendant une boîte neuve de chocolat en poudre.   

Sael s’en saisit sans mot dire et Wyndt retourna à son thé.   

« Est-ce que ça te dit de faire une petite marche aujourd'hui ? » demanda-il sortant une cuillère pour y faire fondre du miel.   

« Je ne sais pas », dit Sael en buvant un nouveau verre de lait pur. « Est-ce que Dolce vient avec nous ? »   

« Elle fera sans doute un bout de chemin, mais la connaissant elle s'arrêtera en route avant de faire demi-tour la pauvre grand-mère. Mais ce n'est pas très loin. Tu as des chaussures de marche ? »   

Sael avait encore les orteils à l'air.   

« J’ai des chaussures de sport. »

« Ça n'a rien à voir. Si tu n'en as pas, il faut qu'on t'en trouve une paire. »   

« Ça se trouve je n'aimerai pas marcher. »

Wyndt faillit s'exclamer que tout le monde aime marcher, mais décida de l'écouter à la place.    

« D’accord, on ne va pas s’occuper de ça tout de suite. Mais je dois faire des courses en ville, donc autant que tu me dises ce dont tu as besoin. »

« Tu vas en ville maintenant ? » demanda Sael en haussant un sourcil.   

La durée du trajet devait le faire tiquer, d'autant plus qu'il se doutait bien que Wyndt l'emmènerait pour ne pas le laisser seul. 

« J’ai assez de conserves pour tenir un siège, mais quasiment rien de la liste que m'a donné l'Institut. À mon époque, les adolescents n'avaient pas de régimes aussi élaborés. »  

Ladite liste comportait plus de noms de molécules que d'ingrédients, se quantifiait parfois en moles et Wyndt en avait des sueurs froides.    

« Je peux manger des conserves. »

Bye bye la liste.   

« J’ai tout de même besoin de passer en ville. J'en profiterai pour te montrer l'arrêt de bus. »

Sael fit la tête. « Ce n'est pas à côté. »

« On ne peut pas à la fois vivre en pleine forêt et près d'un hypermarché. Et puis, le bus s'arrête en ville, et ce serait bien que tu puisses te repérer un peu si tu veux sortir. »   

Sael sembla intrigué par le concept. « Sortir ? » 

« Après les cours ou le week-end, avec des amis. Tu n'avais pas ça à l'Institut ? Il faudra tout de même que tu me préviennes, pour que je puisse garder un œil sur toi. »

L'autre sembla dubitatif. « C’est à quelle heure le couvre-feu ? »   

Wyndt sourit, amusé par cette idée. « Je veux que tu me dises si tu dois rentrer après l'heure habituelle, et que tu évites de rester dehors la veille d'un jour de classe. Mais je vais partir du principe que tu es assez grand pour prendre ce genre de décision seul. Si quelque chose ne me plaît pas, on en parlera. »

Sael cligna les yeux en fonçant les sourcils.  

« Après déjeuner tu me montreras tes affaires —enfin, les habits que tu as— pour que je voie ce dont tu peux bien avoir besoin ici. Dans les boutiques, si tu as envie de quelque chose, dis-le moi et je verrai si on peut se le permettre. »  

Sur place, Wyndt insista pour lui prendre une tenue de marche et de bonnes chaussures, parce qu'il lui était tout de même extrêmement difficile d'imaginer que l'on puisse vivre sans aller gambader en forêt une à deux fois par semaine. Sael ne s'était pas montré exigeant, visiblement fasciné par la variété des produits en rayon. Il se contenta cependant de couleurs passe-partout, semblables à celles qui lui venaient de l'Institut.   

Dans la supérette, il avait examiné chaque boîte de chaque étagère de chaque rayon avec une grande concentration. De temps en temps il prenait un paquet en main, l'approchait de son nez et écarquillait dessus ses yeux clairs pour en déchiffrer l'étiquette.  

Wyndt profita du fait que cela prenait des siècles pour aller lui chercher une paire de lunettes de soleil (ils avaient égaré les siennes).    

Il le retrouva au rayon cosmétique, tripotant maladroitement les produits de maquillage ; l'adolescent sursauta à son approche.  

« Tu cherches de la teinture ? » demanda Wyndt en observant d'un œil critique l'état de sa chevelure noire. 

La peau de Sael semblait plus sombre au niveau du cuir chevelu, ou peut-être irritée ; il y poussait des cheveux fins et clairsemés. Sans réfléchir, Wyndt leva un bras pour en toucher la longueur, sèche et sensiblement abîmée -- Sael eut un mouvement de recul, protégea sa tête entre ses mains.   

« Je n'ai pas l'impression que cela te réussisse particulièrement », commenta le garde-chasse alors que la jeune personne se renfrognait davantage et que ses yeux se remettaient à trembler. Il fronça les sourcils en remarquant ce repli. « Je ne voulais pas te faire peur. »

« Tu crois que j'ai le choix ? »  

Sael avait tenté d'appliquer son habituel mordant à cette réponse hostile, mais sa gorge devait s'être resserrée car la réplique parue entrecoupée et hésitante. 

Wyndt lui donna un instant pour se ressaisir.  

« Il y a peut-être d'autres solutions », suggéra-t-il doucement. « S’il s'agit seulement de cacher ta couleur naturelle, tu peux aussi utiliser des chapeaux, voire une perruque, pour éviter les teintures à répétition. »

« Et s'il y a un coup de vent ? » rétorqua l'autre, de plus en plus agité. « Est-ce que tu as seulement idée de combien coûte un seul de mes cheveux sur le marché noir ? »

Pendant un instant fugace, Wyndt put lire dans le regard clair. Tous ces moments horrifiés où l'enfant avait découvert quel prix, précisément, certains accordent à une vie humaine. Un article de nouvelles peut-être, une page sur le Réseau —une liste de chiffres accolés à des mots : « des membres, la langue, le nez, les cheveux ou la peau »… pour des potions ou des rituels, pour la richesse et le succès. Et des rumeurs colportées par des escrocs et des tueurs, alimentant la cupidité d'égoïstes superstitieux et sans scrupules. 

Wyndt leva un bras par réflexe, amorçant un geste rassurant ; Sael se figea par automatisme, ébauchant un mouvement de recul. Cependant, lorsque leurs regards se croisèrent, ils semblèrent tous deux comprendre, exactement au même instant, quelle était l'intention de l'autre. 

La main de Wyndt se posa doucement sur l'épaule de l'adolescent, compatissante et chaude ; Sael fit la moue en regardant ailleurs, sans chercher à l'éviter.  

Il retenait bizarrement le bord de sa manche, de ses deux manches, avec le bout de ses doigts.  

« Ce que je voulais dire », reprit Wyndt d'un ton moins péremptoire que précédemment, « c’est qu'à Whitewaters tu n'es pas obligé de te teindre la tête. On peut effectivement croiser des promeneurs, donc le mieux pour toi serait de garder une casquette avec toi, mais tu ne devrais pas faire ça tous les jours. Tu l'as probablement remarqué, mais tu es en train de perdre tes cheveux. »

Sael se dégagea en croisant les bras, grommelant un mélange d'injonctions à le laisser tranquille et à se mêler de ce qui le regarde. 

Wyndt esquissa un sourire un peu triste, déposa une nouvelle caresse de réconfort sur l'omoplate mince en quittant le rayon. « Je te laisse y réfléchir. Tu sais où me trouver si tu veux en parler. » 

 

Rhys s'occupait des ventes en fin de semaine ; Wyndt lui fit un geste en l'apercevant de loin et le caissier y répondit avec enthousiasme, puis fronça les sourcils d'un air interrogateur en désignant Sael du menton.   

Forçant un sourire sur son visage, Wyndt lui fit signe que oui.    

« Il est déjà grand, non ? » lui souffla Rhys lorsqu'ils arrivèrent en caisse.    

Sael était occupé à vider le caddie.   

« Un enfant est un enfant », répondit Wyndt d'un ton tranquille. « Si on commence à vouloir les choisir sur catalogue… »   

« Vu son âge, j'imagine qu'il vient d'un foyer ? Il paraît que ce sont des cas difficiles. »  

« Je préfère me dire que c'est sa vie qui a été difficile », répliqua Wyndt en ouvrant son sac à dos pour y ranger ses courses.  

Il y déposait sa première boîte de conserve lorsqu'il remarqua du coin de l'œil que Sael, qui attendait sagement en bout de caisse, arrangeait quelque chose dans sa manche, d'un air impassible que la nervosité de ses doigts trahissait.   

Rhys n'avait rien remarqué.  

« Il est peut-être un peu difficile » concéda Wyndt avec une certaine contrariété qui lui fit élever la voix.  

Le caissier lui jeta un regard étonné, puis détourna les yeux d'un air coupable en remarquant que Sael l'avait entendu. Intrigué, ce dernier croisa le regard de Wyndt, qui fronçait les sourcils ; il se figea comme un lapin dans la lumière des phares.

Ses yeux se mirent à trembler.

  

Wyndt aida l'adolescent à charger leur coffre sans rien dire. Sael se faisait aussi discret que possible.   

De retour à sa place sur le siège passager, il se recroquevilla contre la portière.   

Wyndt s'installa derrière le volant sans mettre le contact, puis tendit la main vers lui, paume ouverte.  

Sael lui jeta un regard noir.  

"On peut rester là toute la journée ; personnellement j'ai tout mon temps" fit remarquer Wyndt en insistant de la main pour qu'il se dépêche.  

L'adolescent se renfrogna davantage en se tassant sur son siège.   

Agacé, Wyndt se pencha en avant pour passer une main sous le bras coupable afin de le ramener à lui sans brusquerie ; Sael eut un premier mouvement de recul puis, ne sentant pas d'entrave à ce geste, hésita. Il se résigna finalement à sortir lui-même l'objet de sa manche.  

Il ne le tendit cependant pas à Wyndt, préférant le garder caché nerveusement entre ses mains.   

« Je peux le ramener », souffla-t-il sans conviction, toujours aussi replié sur lui-même.  

« Evidemment que tu vas le ramener. Fais-voir. »  

Sael ramena l'objet contre lui. « C’est pas pour moi. »  

« Et donc du coup, pourquoi tu te caches ? Allez, donne-moi ça. »  

Wyndt obtint enfin le tube noir, épais et long comme deux pouces mis bout à bout, dont l'extrémité se dévissait pour permettre de sortir de ce fourreau un goupillon enduit de liquide brun.   

Il poussa un soupir et revissa le capuchon.   

Les yeux de l'adolescent tremblaient comme jamais.  

« J’ai lu ton dossier, Sael. » Wyndt se tourna lentement vers lui avant de lui rendre le tube de mascara. « J’aurais dû t'en informer. On va dire que c'est de ma faute, pour cette fois. »

L'adolescent faisait à présent rouler l'accessoire de maquillage entre ses doigts, tendu comme un arc.   

« Tu peux me demander n'importe quoi », ajouta Wyndt. « Au sujet de n'importe laquelle des caractéristiques liées à ta condition. Tu n'as pas à te mettre inutilement en danger : si je peux t'aider, je le ferai. »  

« J’en ai presque plus », sortit Sael d'un coup. « Je ne sais pas ce qu'ils t'ont dit, à l'Institut. J'aime pas qu'on voit mes cils. »  

Wyndt plissa les yeux, observa attentivement le visage de la jeune personne ; à première vue on ne devinait rien. Cependant, de subtiles variations de couleurs pouvaient effectivement attirer l'attention sur la véritable teinte de l'ensemble de sa pilosité.   

Le garde-chasse posa une main rassurante sur l'épaule de l'enfant, qui se tendit un instant avant de comprendre l'intention de ce contact. « Je te l'ai dit, dans ce cas c'est de ma faute ; j'aurais dû être clair avec toi. »  

Sael fit la moue. Sous les paupières aux cils teintés de bruns, l'iris se stabilisait.   

« Par contre, il me semble utile de te poser deux petites questions », déclara Wyndt en enlevant sa main pour croiser les bras. « D’abord, est-ce qu'il te semble parfaitement intelligent et sécuritaire de venir faucher un accessoire considéré comme typiquement féminin sous le nez d'un villageois vivant certes un peu isolé du monde, mais pas non plus complètement inculte concernant le culte de Volovelle ? »

Sael esquissa une nouvelle grimace qu'il termina en marmonnement. « C’était peut-être un peu idiot. »  

« Peut-être. Ensuite, qu'est-ce que tu vas faire pour réparer tes bêtises ? »  

L'adolescent se frotta les chevilles l'une contre l'autre. « Il a probablement remarqué que je n’ai pas la tête d'être né de ce côté-ci de la planète. »

« Ce n'est pas hors du domaine des possibles. »  

« Et si je lui ramène un, hum, “accessoire considéré comme typiquement féminin“ il va peut-être commencer à se poser des questions. »

« Rhys est plutôt du genre à donner des réponses, mais c'est l’idée. »  

« Et on a acheté beaucoup de hauts à manches longues. Plus une paire de lunettes de soleil. S'il n'est pas complètement stupide il trouvera que ça fait beaucoup de coïncidences. »

« Je ne dis pas que ça mettrait la puce à l'oreille de tout le monde, mais pour une personne un peu attentive à ce genre de choses, ça pourrait. Tu commences à avoir une notion de ce qu'il faudrait faire ? »  

Sael se trémoussa sur son siège. « C’est pas une très bonne idée de lui ramener ça », dit-il en montrant le tube noir, le tenant assez bas pour que personne ne puisse l'apercevoir de l'extérieur.  

« Tout à fait d'accord », approuva Wyndt. « Mais ce qui est aussi vrai, c'est qu'on lui doit de l'argent. »  

« Ce serait aussi un peu louche de lui en donner sans raison, non ? » fit remarquer Sael.  

Wyndt haussa un sourcil en se détendant. Le gamin n'était pas complètement stupide, et échanger plus de quatre phrases sans que cela vire au drame national avait quelque chose de reposant.  

« On peut faire semblant d'avoir oublié de payer quelque chose à la place ? » suggéra l'adolescent.  

« Tu te souviens du prix de ce que tu a volé ? »

Sael rougit jusqu'à la racine des cheveux, et Wyndt sentit sur ses lèvres le frémissement d'un sourire. Il fouilla dans la poche de son jean pour en tirer sa facture ; après avoir confirmé la fiabilité de son petit cambrioleur en comparant ses dires au prix affiché sur le Réseau par son téléphone, il choisit un objet un peu plus cher dans sa liste.  

« Cette boîte de conserve est à peu près au même prix. On va aller lui dire qu'il a oublié de nous en comptabiliser une. Enfin, je dis “on“ mais c'est toi qui va lui annoncer ça. »

Avant de sortir de la voiture, il retint un instant l'adolescent par le bras. « Il me semble important de préciser que si ce n'était pas en partie de ma faute et que ça ne te mettait pas en danger, je t'aurais demandé de lui rapporter ce que tu as volé. »  

Sael fronça les sourcils. « Et après, je récite une leçon de morale, c'est ça ? »

Il avait dû répondre par automatisme car son expression se figea aussitôt.  

Wyndt haussa les sourcils.  

L'adolescent détourna le regard, puis bredouilla quelque chose en se glissant aussi vite que possible hors de la voiture.  

Wyndt prit ce petit « désolé » comme une victoire personnelle.


Isy les rejoignit à la caisse alors que Rhys les remerciait de leur honnêteté. Elle régla ses achats rapidement pour pouvoir saluer Wyndt avant qu’il ne parte, intriguée par la personne qui l’accompagnait. 

« Quartier libre ? » demanda le garde-chasse en remarquant sa veste en jean.

« Il faut bien, de temps en temps ! » répliqua Isobel en examinant avec curiosité la jeune personne qui s’était instinctivement glissée derrière le garde-chasse à son arrivée. « C’est à toi, cette petite chose ? »

Wyndt se tourna pour présenter son protégé —dû presque faire un tour sur lui-même pour aller le récupérer d’une main autour des épaules et le ramener à son côté. « Isy, voici Sael, qui va rester chez moi quelque temps. »  

L’adolescent fronçait les sourcils, jetant des regards méfiants au pendentif que la nouvelle venue caressait, machinalement, de sa main brune.   

« Un héritage de ma mère », dit-elle en désignant le lourd bijou de métal. « Le premier cadeau qu’elle m’ait fait après notre  déménagement ici. »  

Elle fit tourner la masse de cuivre froide entre ses doigts noirs, l’entrelacs sinueux d’un dragon endormi. Le regard méfiant de Sael passait du symbole religieux au visage brun d’Isy ; Wyndt le sentait peser contre la main qu’il avait posée dans son dos.

« Ce n’est pas du tout la religion de mes parents », admit la jeune femme en remarquant ce regard. « Mais je suis née ici —enfin, dans les Gàidhealtachdt d’Alba— et du coup je l’ai adoptée. C’est grâce à ce pendentif que je me suis fait mes premiers amis », ajouta-t-elle avec un sourire.  

Comme Sael ne semblait pas se détendre, elle lâcha le collier pour s’adresser à Wyndt. «  Quelqu’un s’est enfin décidé à te confier un enfant ? Qu’est-ce qu’ils ont fait traîner ! Combien de temps est-ce qu’elle reste parmi nous la petite ? Ou alors c’est une adoption en bonne et due forme ? »  

« Je suis famille d’accueil et c’est la période d’essai. Mais dans le meilleur des cas, il restera avec moi jusqu’à sa majorité. »

Isobel se mordilla pensivement la lèvre, retournant son regard vers l’adolescent farouche. À vrai dire, elle avait choisi à pile ou face d’utiliser une désignation féminine. Mais bon, si c’était « il »… « Je croyais que tu cherchais une gamine de l’âge d’Eleanor ? »

« C’est une adoption, Isy », sourit Wyndt avec sa patience habituelle. « On ne fait pas son marché. »

Wyndt ne se rendait peut-être pas compte qu’il avait enlacé les épaules de la jeune personne d’un bras protecteur et qu’il caressait machinalement son épaule du pouce, pour la rassurer. Sael examinait Isobel sans se formaliser de ce geste, les yeux plissés de méfiance et aussi, sans doute, parce qu’avec ce nystagmus il ne voyait pas grand chose.

Il ne s’agissait probablement que d’un albinisme oculaire puisque ses cheveux étaient noirs. Isobel trouva ironique que le destin la place face à un ersatz de Protégée, une personne androgyne aux yeux clairs, physiquement différente de ce qu’on dépeignait dans la légende bien qu’elle soit sans doute issue d’une région voisine, alors qu’il lui arrivait souvent d’imaginer cette rencontre.

« En tous cas, si tu as un problème tu peux toujours venir me voir  au poste », offrit Isy en espérant secrètement que l’adolescent ne viendrait pas vraiment y traîner sa gueule d’enterrement. 

« Isobel est policière à Nant-tref », expliqua Wyndt après que cette dernière les ait quittés, l’air un peu contrarié. « Tu sais, ça ne te tuera pas d’être poli. »

Sael repoussa la main posée sur son épaule. « Me frotter à une pratiquante, ça pourrait. »

« Isy est de la religion du Rêve, comme la majorité des personnes dans le coin. Cela ne signifie pas qu’elle est aussi volovienne. Elle avait du mal à trouver sa place ici avant ça. »

« Ne me dis pas que tu crois à ces bêtises », répliqua sèchement l’adolescent en lui lançant un regard noir. 

Wyndt poussa un soupir. 

On en était revenu aux sourcils froncés et aux grimaces acerbes.

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