2010
Je faisais partie d’une joyeuse bande d’adolescents un peu perdus, pour qui l’effet de groupe était le seul rempart contre la solitude. Une vingtaine d’âmes qui criaient leur joie de vivre, leurs désespoirs et leurs rêves inaccessibles. On s’aimait comme on pouvait. Nous passions nos journées ensemble, à écouter du néo-métal et toutes ses variantes, le son grésillant dans les écouteurs que nous partagions.
Au cœur de la ville, certains jonglaient, d’autres dansaient. J’avais enfin trouvé ma place. Nous n’avions pas de limites, juste l’art de s’en foutre.
Bien sûr, il y avait des déboires, des amours éclair qui se faisaient et se défaisaient au rythme de nos hormones en ébullition. Et puis, il y avait la légende d’Alban. Je ne l’avais encore jamais rencontré, mais son nom revenait souvent, porté par une biographie déformée par les rumeurs. De ce que j’en savais, malgré son jeune âge, il avait déjà survécu à beaucoup d’épreuves. Pour ça, je l’admirais.
Il faisait chaud. L’odeur du béton chauffé par le soleil se mêlait aux effluves des boissons sucrées que nous nous étions enfilées toute la journée. Guillerette, je chantonnais dans les bras de mon ami, quand une silhouette apparut.
Personne ne fit les présentations, mais je sus immédiatement que c’était Alban. Il parlait à mon ami… mais c’était moi qu’il regardait. Ses yeux accrochaient les miens, et je me surpris à entrer dans son jeu. Je ne me souviens plus de ce qu’il disait. Je détaillais son visage, la douceur de ses traits, la largeur rassurante de ses épaules, ses bras solides. Son jean pendait nonchalamment sur ses hanches. Il me dévorait du regard. Je riais quand il riait, happée par cette alchimie qui s’installait entre nous.
Et puis… patatras.
Le décor se fissura lorsque sa copine arriva pour se glisser dans ses bras. Je n’avais plus envie de rester là. Je me levai, prétextant un imprévu, frôlant Alban pour m’échapper de ce cauchemar.
Il me tapota l’épaule .
— Attends… Tu veux venir à mon anniversaire ce soir ?
— Je ne peux pas, répondis-je du tac au tac.
C'était un mensonge, mais la vision de lui en couple me restait en travers de la gorge.
— Pas de problème, fit-il avec un clin d’œil.
Je trouvais le piercing à son arcade irrésistible. Sa proximité me donnait la chair de poule. Mes jambes flageolaient.
— Tu viens ? lui lança sa copine.
Elle était encore là… Je partis, sans me retourner.
Pourtant, je savais que ce n’était que le début de notre histoire. Les papillons dans mon ventre battaient des ailes comme s’ils savaient que rien ne serait plus jamais comme avant.
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