Le chemin palpite

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Je suis arrivé à un endroit où le chemin palpite, frissonne, ne semble plus connaître le lieu de son être. C’est toujours cette manière d’hésitation, de confusion qui se produisent à l’orée du surgissement de toute merveille. Je sais, en moi, au fond le plus intime de mon ressenti, que quelque chose va avoir lieu du genre d’un éblouissement, que quelque chose d’inouï va enfin dire son nom, que ce nom va se déployer selon tous les horizons, que je serai moi-même tous ces horizons, toutes ces perspectives flamboyantes, que le ravissement s’emparera de mon âme infiniment dilatée au bord du retournement de soi, autrement dit sur le seuil de la connaissance ultime de ce qu’il y a à connaître, un paysage dans la grandeur de son poème, un être dans le luxe de sa polyphonie, un sentiment parvenu à son acmé, cette infinie brillance qui habite l’homme dès qu’il se sent relié à la généreuse amplitude du cosmos.

Les roches qui, jusqu’ici, étaient taillées à angles vifs, voici qu’elles se mettent à bourgeonner étrangement, manières de tubercules emmêlés les uns aux autres, chaos de pierres basaltiques criblées de trous en maints endroits. Il n’y a plus de chemin, seulement un genre de sentier tracé au vif de la conscience, pétri d’ineffables intuitions. Le chemin s’ouvre à mesure que j’en découvre la nécessité au plein de qui je suis. Et, présentement, je suis le chemin qui est moi dans une étonnante réversibilité des phénomènes. Je ne suis moi qu’à être la roche, elle n’est roche qu’à me rejoindre en ma feuillée la plus secrète. Mes pieds nus se posent amoureusement sur le lit de pierres ponces. Parfois de lisses obsidiennes tracent en moi la douce empreinte de l’accueil. Mystérieuses analogies, surprenantes correspondances, camaïeu accompli des sources confluentes, merveilleuse indistinction des ressources originaires. Je ne suis ici, en mon être, qu’à rencontrer cet autre en qui je deviens l’Unique, cet autre qui me visite dans l’abîme de ma propre nature. Combien alors l’ardeur à vivre devient facile, alimentée à toutes les genèses qui m’ont constitué et restituent, en ce temps, en ce lieu, les multiples efflorescences du passé, l’étendard des projets futurs, la lame incisive de l’instant dans son évidence de feuille de silex tranchant. Tranchant, oui, mais dans l’exactitude de l’être à coïncider avec lui-même, sans épaisseur, sans distance, avec la précision de ce qui est beau, de ce qui est vrai.

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