Steppe

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Dans un lac aux eaux translucides se reflète une montagne de couleur parme. De hautes graminées s’agitent sous la poussée d’un vent léger. Vers l’ouest une immense steppe court jusqu’à l’horizon. Des mares d’eau bleue en rythment la surface. Des troupeaux libres de camélidés broutent paisiblement. Des alpacas à l’épaisse toison lisse et soyeuse ; des vigognes au beau pelage orangé ; de grands lamas bicolores, gris et blancs, noirs ; d’autres couleur de café, certains avec des nœuds de laine rouge fixés à l’extrémité de leurs oreilles par des bergers. Eux, les bergers, je les vois bien plus loin qui viennent rejoindre leur troupeau. Je m’amuse à suivre leur trajet parmi les herbes folles de la steppe un long moment.

Puis je me retourne et fais face à la pure merveille. Un Large Plateau est semé d’une eau claire, écumeuse, une neige par endroits, un soudain éblouissement. Mais qui ne blesse nullement, au contraire enchante. Plus loin la nappe d’eau est d’un rose soutenu, belle couleur florale, capiteuse et libre de soi, calmement étendue sous le dôme du ciel que traversent de gros nuages de coton. J’en sens la splendeur jusqu’au centre de mon corps. C’est si rassurant d’être là, au milieu de ce qui se donne avec une telle générosité. Pas de plus beau spectacle au monde que celui-ci en cette heure si singulière qui n’aura nul équivalent. Accomplie jusqu’à l’excès dans la figure inventive de l’instant.

Au premier plan une immense colonie de flamants roses. J’entends le claquement de leurs becs, leurs cris, ces étonnants bruits de gorge pareils à celui des râpes sur l’écorce des fruits. Je vois leurs ballets incessants, le fourmillement de leurs longues pattes, chorégraphie de minces bâtons enchevêtrés. Je vois le dessin harmonieux de leur long col de cygne, la tache noire de leurs becs. Je vois leur envol, cette ligne infiniment tendue, le charbon de leurs ailes, le corail vif aussi, les rémiges largement dépliées, le cou étalé, l’éperon de la tête qui fend la masse d’air, les pattes dans le prolongement du corps qui semblent d’inutiles attributs. J’emplis mes yeux d’autant d’images qu’ils peuvent en contenir, je les engrange dans le musée de ma mémoire, j’en ressortirai des essaims de sensations lorsque l’hiver sera venu, que les journées seront longues, poudrées de suie, cernées de gel.

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