Chapitre 3 : Beurre roussi

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Il était dix heures, Seb mettait ses chaussures tandis que Rosa l'attendait avec son sac à dos. Elle avait fait exprès de mettre un pantalon large et un pull distendu. Elle ne savait pas pour quelles raisons il voulait qu'elle l'accompagne chez ses "amis", mais il était hors de questions qu'ils s'imaginent qu'elle cherchait leur attention. Si elle pouvait disparaître à ce moment-là ce serait parfait.

Il lui fit signe d'avancer et elle descendit directement. Alors qu'elle avançait en direction du gymnase, il l'arrêta.

- On prend la voiture, ce sera plus simple pour aller à mon rendez-vous ensuite.

Elle hocha la tête, bon c'était fichu : elle ne pourrait pas éviter ce "rendez-vous". Elle n'était pas idiote, il y avait de grandes chances qu'il veuille qu'elle l'accompagne jusqu'au bout. Le trajet jusqu'au gymnase fut de courte durée, et elle fut soulager qu'il ne change pas les plans. Il y avait pas mal de monde, mais ayant bien préparé sa venue, elle se dirigea directement vers les écoles qui l'intéressaient. Seb restait dans son dos, sans vraiment comprendre ce qui se jouait, cela lui allait très bien. Elle joua des coudes plusieurs fois pour obtenir les dossiers d'inscriptions ainsi que les informations pour les boursiers. Elle mit finalement moins d'une heure et Seb sembla s'en réjouir. Il lui prit le bras et la tira pour s'extraire de la foule de plus en plus dense. Malheureusement pour lui, le professeur de Rosa les interpella.

- Rosa ! Bonjour.

- Bonjour monsieur.

- As-tu trouvé ce que tu cherchais ? C'est bien que tu sois venue.

- Oui, c'est bon, je vais pouvoir étudier les différents documents.

- Bien je ne t'accapare pas davantage. Bonne journée et à lundi.

- A lundi monsieur.

Seb grogna un vague au revoir et les fit avancer jusqu'à la voiture.

- Il a une tête de fouine ton prof, non ? Il te pose beaucoup de questions sur ce qu'il se passe à la maison ?

- Non, jamais. Mes résultats sont satisfaisants alors il me laisse tranquille.

- C'est bien ça. Continue comme ça.

Il parla dans sa barbe sans qu'elle ne comprenne ce qu'il disait. Il déverrouilla la voiture et lui fit signe d'entrer. Rosa resta attentive tout le long du trajet, elle voulait être sûre de retrouver son chemin si... Enfin si cela ne se passait pas comme prévu. Une appréhension lui serrait la gorge.

- Tu seras bien aimable avec mes amis, d'accord. Si ça se passe bien, peut-être qu'ils voudront te revoir, hein ? Tu comprends pour toi et ta mère ce serait bien. Il est temps que tu aides un peu ta mère maintenant, tu vas bientôt avoir seize ans...

- Pas avant le mois d'octobre...

- Ah oui octobre, dans six mois... bah les choses changent parfois si vite en six mois...

Rosa ne comprenait pas où il voulait en venir. Elle fit son possible pour faire abstraction du malaise grandissant qui lui nouait le ventre. Ils s'arrêtèrent finalement devant une grande barre HLM. Par prudence, elle mit en route l'enregistreur de son téléphone. Elle ne savait pas ce qui allait lui arriver mais au moins elle aurait des preuves et puis elle pourrait peut-être échanger l'enregistrement contre sa liberté. Il y a avait une bande de jeunes un peu plus vieux qu'elle qui se tenait devant la porte d'entrée. Ils saluèrent Seb et la regardèrent avec insistance. Elle se félicitait d'avoir mis une tenue passe-partout. Elle suivit l'amant de sa mère dans la cage d'escaliers miteuse. Une odeur d'urine et de tabac fermentait dans ce lieu confiné. Il fallut monter cinq étages avant qu'il ne s'arrête devant une porte dépourvue de numéro. Il frappa un coup et entra sans attendre. Juste avant qu'il ne passe la porte, il la regarda dans les yeux et mit un doigt en travers de ses lèvres pour lui rappeler de se taire. Elle n'avait pas spécialement prévue de parler, surtout qu'elle n'avait absolument aucune envie de se trouver là.

- Ah enfin, la voilà !

Un homme d'une quarantaine d'année, chauve, portant des lunettes fumées s'avança vers eux. Il était vêtu d'un bas de jogging de marque et d'un Marcel. Il était tout ce qu'il y avait de moins glamour. Il n'avait rien du cliché du gangster si ce n'est la volonté d'y ressembler. Sa silhouette disgracieuse était marquée par un ventre proéminent. Il sentait l'eau de Cologne. Il paraissait propre. Son haleine cependant laissait à désirer. Rosa se contint comme elle put pour ne pas se boucher le nez. Seb eut au moins la décence de paraître gêné face à cet accueil.

- Luigi je te présente Rosa, la fille de ma femme.

- Rosa quel joli prénom pour une aussi jolie fille. Tu devrais te mettre plus en valeur, je suis sûr que tu es bien plus féminine que ce que le suggère ta tenue. Tu as quel âge déjà ?

- Quinze ans monsieur.

- Quinze ans ? Seulement ? Tu fais bien plus âgée.

Il posa une main sur son épaule et la descendit sur son bras. Il bifurqua dans son dos. Rosa se raidit quand il la appuya sur le haut de ses fesses pour la faire avancer dans le salon. Il l'installa sur un fauteuil.

- Rosa, sais-tu pourquoi tu es ici ?

Elle fit non de la tête.

- Je vois que l'ami de ta mère n'a pas trouvé ses couilles depuis la dernière fois, passons. Je suis quelqu'un qui a beaucoup d'influence, j'aide certains hommes à trouver ce qu'ils cherchent en échange d'argent. Tu comprends ?

Evidemment qu'elle comprenait que ce gars était une ordure de la pire espèce. Mais elle continua à jouer les innocentes.

- Je ne suis pas sûre...

- Pour être clair, as-tu déjà couché avec un garçon ?

- Non.

- Bien, c'est là où tu m'intéresses. Certains hommes aiment coucher avec des jeunes filles comme toi, sans expérience. Ils paient cher pour cela. Evidemment si tu acceptes, une partie de l'argent te reviendra, ou du moins à ta mère puisque tu es mineur. Seb se chargera de le lui donner.

Rosa n'était pas dupe. Seb vendait sa virginité à ce type. Elle pourrait tout à fait les dénoncer à la police en sortant d'ici. Elle se demandait comment est-ce qu'ils pourraient l'empêcher de parler. Elle ne savait pas comment réagir.

- Si je n'ai pas envie de coucher avec un homme...

- Oh ma chérie, tu sais pour une première fois, il vaut mieux un homme un peu expérimenté, tu comprends les petits puceaux ne savent pas y faire.

Cet homme était écœurant. Rosa retenait sa respiration, sans quoi elle vomirait sur le tapis.

- Je... non vraiment je ne veux pas.

Seb reprit alors la parole :

- Rosa on en a déjà parlé, tu coûtes cher à ta mère, maintenant c'est à toi de l'aider. Tu verras, cela ne dure pas longtemps et tu ramasseras un paquet de fric.

- J'aimerais beaucoup que l'on fasse ça pour ton anniversaire, quand est-ce ?

- Le 15 octobre.

- Eh bien c'est parfait, j'ai six mois pour faire monter les enchères et toi de te faire à l'idée. Par contre, il est évident chérie que tu dois rester vierge jusque là. Je te donnerais une avance aussi pour que tu t'achètes quelques vêtements, parce que là vraiment ce n'est pas top. Seb ramène la p'tite chez elle et reviens me voir la semaine prochaine que l'on parle affaire.

Rosa ne se fit pas prier pour partir vite fait. La descente des cinq étages fut rapide et elle souffla lorsqu'elle se retrouva dans l'habitacle de la voiture. Il était étrange de se trouver plus en sécurité auprès de Seb. Ils roulèrent cinq minutes, puis 'en pouvant plus, elle lui demanda de s'arrêter. Elle eut à peine le temps de sortir qu'elle rendit tout ce que contenait son estomac. Elle prit le temps de se remettre et remonta dans la voiture. Seb lui tendit une bouteille d'eau, mais elle refusa de la prendre, Dieu seul savait ce qu'il se trouvait dedans.

- Il va falloir t'endurcir Rosa, ta mère t'a trop protégée. Il va falloir que tu comprennes la réalité des choses. C'est une bonne affaire que nous propose Luigi.

- Seb, comment oses-tu me faire ça ? Tu es qui pour m'obliger à cela ?

- Moi personne, c'est vrai, mais tu ne voudrais pas que ta mère soit malheureuse ? Imagine si je la quitte en disant que c'est de ta faute ? A qui en voudra-t-elle à ton avis ?

- Tu es ignoble.

- C'est la vie chérie.

- Ne t'avise pas de m'appeler comme cela encore une fois !

Le ton que Rosa avait employé fut assez convaincant pour que Seb ne moufte pas. Elle savait qu'elle n'était pas sortie d'affaire, mais elle comptait bien mettre tous les pions de son échiquier en bonne place.

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