Chapitre 17 : Crème renversée

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Marc referma l'ordinateur. Il avait trouvé Rosa soucieuse. Il était déçu de ne pas avoir éclairci la situation avant son départ. Mais peut-être était-ce mieux ainsi. Depuis une semaine qu'il était à Los Angeles, il ne pouvait faire autrement que penser à elle. Chaque découverte culinaire, chaque échange avec le chef Sanders était une chose qu'il voulait partager avec elle. Qu'en penserait-elle ? Que ferait-elle ?

Il devait se la sortir de la tête. Franck l'interpella :

- Ah tu te caches ici.

- J'échangeais avec ma cheffe. Avoir des nouvelles du restaurant, tout ça.

- Tout se passe bien ? Tu as l'air contrarié.

- Le restaurant se porte très bien, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Mais j'ai trouvé Rosa un peu fébrile.

- Le stress de la direction ?

- Hum c'est ce qu'elle laisse entendre mais je ne pense pas.

Il haussa les épaules, de là où il était il ne pourrait pas faire grand chose de toute manière. Il en toucherait deux mots à Robert à l'occasion. Il quitta le bureau et suivit le chef au bar du restaurant. Il lui offrit un café et se prit un soda.

- Tu es en couple avec Rosa ?

Il fut surpris de la question directe de l'américain. Ce dernier n'était pas connu pour sa diplomatie. Il disait les choses telles qu’elles étaient. Sans prendre de gants, parfois avec brutalité. Marc but une gorgée avant de répondre :

- Non, nous ne sommes pas ensemble. Mais j'aime travailler avec elle. Nos échanges sont stimulants.

- Vraiment, il n'y a que ça ?

- Franchement ? Je ne sais pas. Cela fait peu de temps que je la connais. Mais je crois qu'elle me plaît.

- Tu crois ?

Le chef avait levé un sourcil et un sourire narquois flottait sur ses lèvres.

- Arff ! Je n'ai pas envie d'en parler avec toi !

Les deux hommes rirent puis changèrent de sujet. Le lendemain, ils seraient filmés pour l'émission "On a échangé nos restaurants". Sanders voulait que Marc apprenne à bien connaître l'équipe. Ils s'organisèrent aussi pour aller voir les fournisseurs. Bref, dans trois semaines, il serait aux commandes d'un restaurant à Los Angeles. Il allait faire découvrir sa cuisine au nouveau monde. C'était au moins aussi stimulant que de créer une nouvelle recette avec Rosa. Enfin, presque aussi stimulant. Il envoya un texto à son cuisinier :

Salut Robert, j'espère que ça va. Dis-moi, j'ai trouvé Rosa bizarre. Tu peux voir ce qu'elle a ? Elle n'a rien voulu me dire. Merci, je te revaudrai ça.

Ce dernier ne tarda pas à répondre par l'affirmative, rassurant ainsi Marc qui entra alors plus serein en cuisine. Ils allaient voir ses Ricains ! Il allait leur en mettre plein les papilles !

Après l'intervention de l'agent Manson, elle préféra quitter son appartement et se réfugia au restaurant. Elle avait pris un petit sac avec de quoi se changer et un nécessaire de toilette. Cela lui fit étrange d'arriver au restaurant à cinq heures du matin. Elle savait qu'elle n'arriverait plus à dormir, alors elle se servit un café corsé. Elle en avait besoin pour se remettre de ses émotions. Puis elle alla se changer, enfila sa tenue de chef et partit en cuisine. C'était ce qu'elle avait de mieux à faire. Cuisiner pour oublier. Elle fit d'abord des scones, ils pourraient en proposer avec le café pour les clients et les habitués qui venaient parfois bruncher. Elle enchaîna avec divers petits gâteaux salés, des rillettes de poisson qu'elle fit à partir des restes de la veille. Elle joua avec les épices comme elle aimait le faire.

Vers huit heures, Barbara l'hôtesse et Steeve le préposé au bar arrivèrent. Ils furent surpris de voir tout ce que la cheffe avait préparé. La jeune femme se douta qu'il y avait un souci, elle invita Rosa à les rejoindre au bar pour faire une pause. Celle-ci les retrouva au bar avec les scones.

- Waouh Rosa ! Tu t'es surpassée !

- Goûtes-en avant de me faire des compliments !

Rosa étira les lèvres, mais son sourire n'atteignit pas ses yeux. Barbara le remarqua mais ne dit rien. Ses soupçons se confirmaient. Steeve gémit bruyamment en avalant la première bouchée.

- Les filles, je viens d'avoir un orgasme gustatif ! Rosa c'est une tuerie !

Les deux jeunes femmes se mirent à rire.

- Eh bien il faut que je goûte alors ! dit l'hôtesse en attrapant l'une des douceurs.

Rosa observait sa réaction. Barbara ferma les yeux, le visage toujours neutre, ne laissant échapper aucune indice. Elle finit le scone, but une gorgée de café et finit par lâcher :

- J'en veux tous les matins !

A peine eut-elle fini sa phrase que son sourire s'étira jusqu'aux oreilles.

- Ils sont délicieux, on va faire un carton avec ça !

Rassérénée, Rosa soupira d'aise. Enfin une chose positive dans sa journée. Les autres cuisiniers et Mia la pâtissière arrivèrent une heure plus tard, s'extasièrent eux aussi sur les scones et chacun donna son avis pour les mettre en avant et en faire un best-seller.

Après le service du midi, Robert s'approcha de la cheffe et lui demanda si ça allait. Il la trouvait pâle. Lui aussi avait remarqué qu'elle ne semblait pas vraiment dans son assiette depuis le départ de Marc. Il avait mis cela sur le compte des nouvelles responsabilités qu'elle endossait, mais il se ravisa bien vite en voyant que dans la cuisine elle était rayonnante, ou du moins elle semblait à l'aise et dans son élément. Les retours en cuisine étaient très positifs, elle gérait parfaitement les imprévus. Pourtant, quand elle devait rentrer, à la fin du service, c'était comme si la lumière s'éteignait en elle. Il décida donc de la confronter. Il avait très bien compris que la jeune femme avait cuisiné une partie de la nuit pour éloigner les ombres qui lui prenaient la tête. Il faisait ça lui aussi, lorsque cela n'allait pas fort.

- Oui, merci Robert ça va.

Il n'était pas dupe, elle n'était absolument pas convaincante. Surtout lorsqu'elle détourna la tête.

- Peut-on se parler dans le bureau ?

Elle hésita, se demandant ce qu'il voulait :

- Pourquoi ?

- Il y a des choses qui ne peuvent pas se dire en cuisine, c'est un lieu sacré que l'on ne peut polluer avec des pensées négatives.

Elle fut surprise de sa réponse. Elle comprenait ce qu'il voulait dire, sans l'avoir jamais formulé elle aussi voyait les choses ainsi. Alors elle hocha la tête et lui fit signe de la suivre. Quand il vit son sac près du canapé, il comprit qu'elle comptait rester dormir au restaurant.

- Je sais que nous ne sommes pas proche, mais je m'inquiète pour toi. On est une équipe, dis-moi ce qui te tracasse.

Il avait essayé de ne pas prendre un ton trop paternaliste bien qu'il voie en Rosa un peu de sa fille Cathy, qui avait un an ou deux de moins que la cheffe.

- Cela n'a rien à voir avec le restaurant. C'est ... d'ordre.. privé. Je ne peux pas rentrer chez moi car j'ai été ... cambriolée.

Ce n'était pas tout à fait vrai car il ne manquait rien dans ses affaires, mais elle avait tout de même l'impression d'avoir été violée dans son intimité. Elle n'était pas prête à y remettre tout de suite les pieds. Robert fonça les sourcils, inquiet.

- Tu as prévenu les flics ?

- Oui, oui j'ai fait tout le nécessaire, mais je ne me sens pas capable de rentrer.

Il hocha la tête comprenant sa situation. Il prit alors son téléphone dans sa poche et au bout de deux sonneries, il déclara à son interlocuteur :

- Chérie, prépare la chambre d'ami, on a une invitée ce soir.

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