35. Bordeaux

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Le temps s'egrenait doucement avant cette nouvelle rencontre.
Qu'espérer de plus que de patienter pour retrouver son seul vrai et unique amour ?
C'était sans compter sur le destin et les aléas de la vie...
Je ne sais pas si c'est le fait de savoir que j'avais de nouveau Christophe à portée de main, ou simplement le fait d'avoir la possibilité de faire le point avec lui... mais avec ce nouveau sentiment de légèreté, je me sentais tout simplement bien.
Et ce qui devait arriver, arriva :
J'ai rencontré quelqu'un.

Une relation due au hasard, un peu comme ma rencontre avec Fred, un nouveau qui débarque au travail, plutôt à mon goût... et la vie a fait le reste.
Je sais ce que vous allez me dire :

- Et ce voyage à Bordeaux alors ?

Et bien, mon billet était non remboursable....
Non sérieusèment, j'avais l'envie malgré tout de revoir mon ex dans son nouvel environnement, lui qui a fait le pari de s'éloigner, partir de l'autre côté de la France. Oui j'avais envie de le voir.
Bref, je prends le parti de faire quand même le voyage.
Vivre comme une parenthèse dans ma vie.
Ça me permettra de faire le point quand même, un petit saut dans l'inconnu ou plutôt vers mon passé.
Je ne dis rien à Christophe .
Et bien sûr hors de question de dire à Arnaud :
- Écoute, je pars quelques jours à Bordeaux, je vais voir mon ex. Ne t'inquiète pas c'est juste pour faire le point sur mes sentiments...
Non bien sûr je ne dis rien.
Je sais que depuis ma relation avec Christophe , je tiens à garder une espèce d'autonomie dans mes relations, je gère donc le trajet à l'aéroport de Satolas avec une copine plutôt qu'avec Arnaud...
Pourtant, j'étais bien avec lui. Même très bien.
Mais c'est comme ça, j'avais développé à l'époque une certaine forme d'égoïsme, ou seule ma vie comptait, comme mon avis et, où, bien sûr, mon plaisir était primordial.

Tout cela, quitte à faire beaucoup de dégâts, chose dont je ne me rendais pas forcément compte à l'époque, je m'en fichais royalement.


Depuis le début, je vous parle de ces ambivalences qui me façonnent... qui me façonnaient. Je ne sais pas si d'autres personnes sont comme j'ai pu être. Elles seules pourraient peut-être me comprendre... tout du moins ne pas me juger...
Mais, me voilà donc dans cet avion en vol pour Bordeaux.
Nous atterrissons en fin d'après-midi, sans encombre. Bien sûr, sinon nous serions dans un scénario catastrophe, mais non...
J'étais heureuse de revoir cet homme, mon cœur battait la chamade à cett idée.
Je passe la porte et le cherche du regard. Je le vois enfin. Il est là, il me sourit.
Il a bien changé, il s'est coupé les cheveux, ses beaux cheveux qu'il avait laissé pousser pour moi. Il a fortement minci aussi. Ça lui donne un autre genre... j'aime bien.
Il a l'air fatigué aussi.
Je m'avance vers lui, il s'avance vers moi. La bise ? Le smack ? La bise ?
Un câlin pour commencer... même plutôt une étreinte... silencieuse. Nous sommes restés l'un contre l'autre un bon bout de temps... quand nous nous sommes mutuellement relâchés j'avais l'impression que le terminal s'était complètement vidé.
Un bisou déposé à la commissure des lèvres vient clôturer cette étreinte.
Il prend mon sac de voyage des mains et m'invite à le suivre.
Hormis les questions d'usage sur la santé et la qualité du voyage, peu de mots brisent le silence de cette situation surréaliste, même dans la voiture.
Bien sûr, il m'indique les différents trucs à voir sur le trajet entre l'aéroport et son appartement.
Il vit au rez de chaussée d'une petite copropriété de quatre étages.
Lorsque nous rentrons dans son logement, il pose mon sac dans l'entrée et me regarde en disant simplement :
- voilà on y est.
Sans plus de mot, ni même une seule réponse de ma part, nous nous regardons. Puis :
-Tu veux un rafraîchissement ? Ensuite j'ai prévu un petit resto, si ça te dit bien sûr...
- Je veux bien prendre une douche d'abord, si ça ne te dérange pas.
- Non, t'inquiète on a le temps. Viens je te montre.
Il me fait visiter son petit appartement, la chambre et me donne une serviette puis me dirige vers la douche.
Il s'éclipse et je me retire dans la chambre pour me déshabiller. Je m'enroule dans la serviette et rentre dans la salle de bains.
Une bonne douche bien chaude me fait du bien après cette journée entre le travail et l'avion et bien évidemment le petit stress des retrouvailles. Je sors de la cabine dans un nuage de vapeur. Je file ensuite dans la chambre.
- CHRISTOOOPHE ?
- Oui ?
- Tu peux m'apporter mon sac s'il te plaît je l'ai laissé dans l'entrée.
- Bien sûr.
Il toque doucement à la porte, je suis dos au mur, à tenir la serviette qui s'est décrochée dans mon dos. Je suis donc fesses à l'air face à lui.
Il me regarde, l'oeil un peu plus brillant.
- Tiens.
Il pose mon sac de voyage sur la chaise entre nous sur le côté du lit.
- Merci.
Au moment où il va pour quitter la pièce, Je pousse un petit gémissement de douleur en grimaçant, malgré moi, car un peu tendue du haut du dos.
Il se retourne :
- Ça ne va pas ?
- Si.. je suis juste un peu raide, j'ai un peu mal au dos.
- Tu, tu veux que je te masse ?
Il me propose un massage ? Innocemment ? Je ne sais pas. Intellectuellement je ne lutte pas très longtemps et accepte sa proposition.
Je m'allonge alors sur le lit.
Forcément c'est nue que je lui apparais. De toute façon, ce corps il le connaît.
Ses mains chaudes viennent sur mes trapèzes et les massent doucement. Je connais ces mains, ses mains. Ma peau se souvient, mon corps se détend sous ses gestes experts.
C'est tellement agréable, et je sens mon désir venir tout doucement, et je suis sûre, lui aussi le ressent. Il sait me lire, il me connait encore par coeur...
Effectivement, ses mains ne sont plus seulement massantes. Impossible à expliquer cette sensation. Des mouvements différents, des appuis différents. C'est tout de suite un peu plus sexy. Et petit à petit, massage devient caresse, et préliminaires.
Il m'a embrassée dans le cou, le long de la colonne. Je me suis laissée faire bien volontiers. Silencieusement il s'est déshabillé, je le regarde du coin de l'oeil, effectivement, il n'a plus que la peau sur les muscles. Il ressemble à un athlète, il est si beau.
Il se place au dessus de moi, et reprend la valse de ses baisers sous mes soupirs langoureux. Je sens son érection posée entre mes fesses. J'ouvre alors mes jambes pour qu'il puisse venir enfin. Il se glisse alors délicatement et rentre lentement en moi.
Il m'a fait l'amour dans cette position, moi à plat ventre sur le lit, tout en douceur. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été choyée comme cela. Quel plaisir doux et profond il m'a donné ce jour là !
Petit instant tendresse en silence puis nous nous habillons pour partir au restaurant.
Petit moment sympa et romantique au demeurant. Nous nous regardions silencieusement quand il me dit :
- Alors tu as un copain ?

Quoi ? Pourquoi il me pose cette question, LA question à ne pas poser ?
Non... il ne fallait pas. Ma petite parenthèse, la bulle dans laquelle je voulais qu'on soit en souvenir du passé venait d'éclater en plein vol. J'étais estomaquée, que lui dire ?

- Vue ta tête, tu as un copain.
- Pourquoi a-t-il fallu que tu poses cette question ? Nooon Christophe, fallait pas.
- Tu aurais pu m'en parler, tu sais.
- Oui mais...
- Quand tu m'as appelé, on a dit qu'on se verrait pour faire le point, de mon côté je n'ai ni rencontré ni cherché à rencontrer quelqu'un, histoire de.... faire le point.

Dans ma tête je tournais en boucle. J'étais comme un enfant pris la main dans le sac.

- Non mais pourquoi as tu posé cette question ?
- Écoute. Comment te dire ? Une espèce d'intuition, j'ai préféré crever l'abcès tout de suite pour que l'on soit clairs.
- Christophe , peu importe si j'ai un copain ou non. Je veux que l'on passe ces quelques jours de la meilleure des façons. N'y pensons pas s'il te plaît, comme au bon vieux temps.

Je ne vous cache pas qu'un silence gêné s'est installé par la suite, on a mis un peu de temps à le dissiper mais doucement on y est arrivé, en parlant d'abord de banalités.
Le soir en rentrant, sachant qu'il n'avait qu'une chambre dans son appartement, il me propose son lit et s'apprête à dormir dans son salon.
Je l'ai invité à partager ma couche. Je me suis lovée contre lui et nous avons dormi comme cela... comme avant.
Pour ce séjour, il s'est organisé de telle sorte qu'il ne travaille que le matin pour que l'on puisse avoir nos après-midi pour nous.
Il m'a ainsi amenée à l'océan. Nous avons pu faire trempette. J'ai aussi profité de ce coin tranquille pour bronzer seins nus.
Moment très agréable que de se prélasser ainsi sous ce soleil printanier, que de se faire étaler de la crème sur la poitrine par cet homme que j'avais tant aimé.
La poitrine réchauffée par le soleil et par le désir émanant de ses caresses. J'étais bien. Sur cette plage déserte, un après-midi de semaine, sa main chaude et glissante de crème solaire est venue me caresser l'aine. Sachant que nous pouvions être vus de tous, je l'ai invité à aller plus loin. Il était penché sur moi, en me regardant, il a glissé ses doigts sous l'élastique de mon maillot de bain et m'a caressée comme cela doucement et sûrement. Allongée les jambes à l'équerre les plantes de pied collées l'une à l'autre, éblouie par le soleil au travers de mes lunettes, je me suis laissée emportée par un profond orgasme.
Ce soir là en rentrant, nous avons fait l'amour tous les deux, j'ai alors essayé de lui effacer les mauvaises pensées qui le traversaient en donnant le meilleur de moi-même. Je lui ai donné tout mon amour. Car je pense que je l'aimais même si je n'en n'étais pas très sûre, loin de là.
Lui de son côté, il m'a donné du plaisir comme jamais, comme si sa vie en dépendait. En douceur et profondeur pour moi. Tout cet amour qu'il m'a donné, une douleur en profondeur pour lui.
Car, depuis notre discussion du premier soir, il avait un peu changé de regard, mais pas son attitude à mon égard, c'était plus lorsqu'il pensait que je ne le voyais pas, il semblait plus triste que ce que j'avais vu au sortir de l'avion.
La veille de mon départ, dans l'après-midi nous nous sommes amusés à faire une espèce de test psycho sur l'amour. Il y avait une question sur l'adultère. J'ai répondu franchement, que oui j'avais déjà trompé. Christophe me demanda aussitôt, si, lui aussi, je l'avais trompé. J'ai été honnête.. en partie. Je lui ai juste parlé de Fred.

C'est là qu'il m'a annoncé qu'il avait deviné le jour où il m'avait dérangé au téléphone.
Ce soir là, je le sentais ailleurs, il était un peu plus éteint que de normal.
C'était mon tour de mettre les pieds dans le plat, en cherchant à savoir ce qui n'allait pas. Il m'a juste répondu que la discussion sur l'adultère, bien que simple confirmation, lui avait fait du mal.
Fière mais maladroite, je ne l'ai pas rassuré, en lui demandant de comprendre que c'était limite normal que j'en vienne là vu que cela n'allait plus trop entre nous, que j'avais besoin d'air.
Il n'a évidemment pas compris.
Seule réponse de ma part pour couper court :
- Écoute je fais ce que je veux avec mon cul ! Tu n'as rien à dire et me fais pas chier !

Fermez le ban.

Le lendemain, il m'amène à l'aéroport, avant de se dire au revoir, il me regarde et me dit :
- Tu es venue pour qu'on fasse le point, notamment sur nos sentiments. Et... pour moi c'est clair :
Je t'aime.
Alors Je te souhaite une belle vie, sois heureuse, pour l'instant tu sais où j'en suis alors si tu as besoin tu sais où me trouver.

Son visage semblait défait mais fermé. L'oeil terne, il ne baissait pas les yeux.
J'étais encore ébahie par cet homme, je ne savais quoi répondre... je n'ai rien répondu. Je me suis approchée pour lui dire au-revoir. J'étais partie pour déposer mes lèvres sur les siennes. Il m'a fait la bise, presque froidement ou plutôt presque fermement comme une contestation. Cet homme a lutté contre la tentation et son amour.
J'ai ensuite tourné les talons, et franchi la porte d'embarquement.

J'ai jeté un coup d'oeil par une petite vitre séparant deux panneaux opaques, il etait en train de pleurer. Après avoir craqué sous le regard étonné des voyageurs, il a relevé la tête, s'est essuyé le visage puis est sorti.
Comme dans un état second et ne sachant plus trop quoi penser, je me suis avancée vers le comptoir d'embarquement.
J'ai bien sûr pris mon avion.

Ainsi s'achevait ma parenthèse bordelaise auprès de mon ex.

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